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L’Eldorado Argentin, Pièce Maîtresse du Nucléaire de l’Iran

 

Par Joseph Humire

16 Décembre 2015

http://www.gatestoneinstitute.org/7060/iran-latin-america

Adaptation : Marc Brzustowski

http://jforum.fr/2015/12/leldorado-argentin-piece-maitresse-du-nucleaire-iranien/#9tYdlsq1svcw56va.99

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L’emprise croissante de l’Iran sur l’Amérique Latine

 

Au cours des tous derniers mois, l’Iran et l’Arabie Saoudite jouent un bras de fer politique en Amérique Latine. Le 10 novembre 2015, le Vice-Ministre des Affaires étrangères de l’Iran a tenu une réunion privée avec les ambassadeurs de neuf pays d’Amérique Latine, afin de réaffirmer le souhait de la République Islamique de renforcer et d’approfondir les relations avec la région. Cette rencontre a aussitôt été suivie par des déclarations similaires de la part du Président iranien Hassan Rouhani et du Guide Suprême l’Ayatollah Ali Khamenei, au cours du Forum des Pays Exportateurs de Gaz (GECF) à Téhéran, à la fin de ce mois.

Le même jour, le Ministre des affaires étrangères Adel al-Jubeir, présidait le Sommet Sud Américain-Monde Arabe à Riyad. Le Ministre al-Jubeir a lui-même été la cible d’une tentative d’assassinat irano-mexicain, alors qu’il était encore ambassadeur aux Etats-Unis, en 2011.

Le message de ce sommet saoudien était clair : un rapprochement arabe avec les pays d’Amérique latine pourrait accroître l’isolement de l’Iran dans le monde.

Malheureusement pour la Maison des Saoud, en Amérique du Sud, elle a plus de 30 ans de retard sur ses rivaux perses.

 

Après la révolution de 1979, les dirigeants de la République islamique d’Iran récemment fondée ont cherché à changer leur pays autant que le monde. En 1982, l’Iran a organisé une conférence internationale de l’Organisation des Mouvements Islamiques, réunissant plus de 380 représentants religieux de quelques 70 pays à travers le monde, dont beaucoup provenant d’Amérique du Sud. L’objectif de cette conférence était d’exporter leur révolution à l’extérieur.

L’année suivante, en 1983, le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) a mené sa première opération terroriste internationale importante : le bombardement au camion piégé des casernements des Marines américains à Beyrouth. Cet acte a conduit au retrait des forces multinationales du Liban. La même année, l’Iran a commencé à financer et à entraîner le Hezbollah au Liban. 1983 est aussi l’année où la République Islamique a lancé ses premières opérations secrètes en Amérique Latine.

Le 27 août 1983, le premier agent opérationnel iranien à atterrir en Amérique Latine à toucher le sol à Buenos Aires, en Argentine, Mohsen Rabbani, n’était pas uniquement un agent secret, mais l’un des officiers supérieurs des renseignements les mieux entraînés et les plus dévoués. Les responsables des renseignements d’Amérique Latine l’ont ainsi surnommé "le Professeur ès-Terrorisme".

Rabbani a passé plus d’une décennie en Argentine, y créant les conditions qui allaient permettre au Hezbollah d’y commettre l’un des plus énormes attentats terroristes dans la plus totale impunité : l’attentat à la bombe du 18 juillet 1994 contre le centre culturel juif de l’AMIA (Asociación Mutual Israelita Argentina) à Buenos-Aires. Menée par un terroriste-suicide qui conduisait un camion bourré d’explosifs contre l’immeuble de l’AMIA, l’attaque a tué 85 personnes et blessé plusieurs centaines d’autres. Et ce n’était même pas la première rencontre de l’Argentine avec le terrorisme islamiste : deux ans plus tôt, le 17 mars 1992, l’Ambassade israélienne à Buenos-Aires a aussi subi un attentat à la bombe.

 

Nombre de responsables iraniens qui ont aidé Rabbani à perpétrer l’attentat contre l’AMIA sont encore aujourd’hui des acteurs politiques de tout premier plan au sein de la République Islamique. Ahmad Vahidi, qui a fondé les redoutables forces d’élite al Qods du CGRI et qui a récemment été le Ministre de la Défense du pays, a été, de façon prédominante, désigné dans la liste des inculpations pour l'attentat de l’AMIA, par Unité d’Enquêtes du Bureau du Procureur Général d’Argentine. Mohsen Rezai and Ali Akbar Velayti, tous deux candidats présidentiels au cours des élections iraniennes de 2013, font aussi partie des principaux accusés dans le cadre des mêmes inculpations par les autorités argentines.

 

Au cours de ces 32 dernières années, l’Iran a réalisé des succès retentissants en faisant la promotion d’un message anti-américain et anti-israélien en Amérique latine. La chaîne de télévision HispanTV qui appartient au régime iranien, diffuse des programmes en espagnol 24h24, 7 jours sur 7 dans au moins 16 pays, à travers toute la région.

Formellement, l’Iran a aussi doublé le nombre de ses ambassades en Amérique Latine – de 6 en 2005 à 11 aujourd’hui.

De façon plus informelle, selon le Commandement Sud des Etats-Unis (USSOUTHCOM), l’Iran a fondé plus de 80 centres culturels islamiques faisant la promotion de l’Islam chiite à travers toute l’Amérique Latine. Ce chiffre représente une augmentation de plus de 100% depuis 2012, où selon le même source, l’Iran n'en contrôlait que 36.

 

De manière plus déterminante, cependant, l’Iran a forgé l’empreinte d’un réseau des renseignements militaires sans précédent qui s’étend depuis la Terre de Feu, à la pointe sud de l’Argentine jusqu’au Rio Grande, bordant les Etats-Unis.

 

L’Iran est actif dans tous les pays d’Amérique du Sud.

 

Le manque de transparence, la corruption politique, les hauts niveaux de crimes et de violence – et les attitudes anti-américaines et anti-juives croissantes en Amérique Latine – ont permis à l’Iran de bénéficier d’un tel succès. Grâce aux efforts d’une poignée de gouvernements régionaux cherchant à semer la révolution dans la région, cette tendance n’a fait que gonfler au cours de la dernière décennie. Grâce à l’héritage d’Hugo Chavez disparu et de ses contemporains comme Nicolás Maduro, Rafael Correa, Evo Morales, Daniel Ortega, Cristina Fernández de Kirchner, Salvador Sánchez Cerén et bien d’autres, l’Iran est actuellement plus puissant que jamais en Amérique Latine.

 

La récente élection en Argentine, tout en fournissant une occasion au nouveau Président Mauricio Macri, ne suffit pas à affaiblir à elle seule l’influence de l’Iran sur le continent. La République Islamique a, depuis plus de trois décennies, étudié les modèles politiques et les tendances socio-économiques dans la région. Dans plusieurs de ces pays, l’Iran a une présence plus imposante et construite que les Etats-Unis.

L’importance de l’Amérique Latine pour l’Iran a été mise en lumière par un article qui a fait l’effet d’une bombe, publié en mars de cette année dans le magazine hebdomadaire hautement estimé, Veja, au Brésil. Au cours d’interviews, des informateurs vénézuéliens de haut niveau, qui collaborent avec les autorités américaines, Veja révélait que le soi-disant renversement de sa politique de gel des relations diplomatiques avec l’Iran, longue de plusieurs décennies, (à cause de l’attentat de l’AMIA) n’a pas subitement évolué en 2013, au cours du très controversé Memorandum d’Entente [of Understanding] (MOU) signé entre les deux pays.

Cette politique n’a pas non plus changé seulement deux ans auparavant, en 2011, lorsque l’ancien Ministre des Affaires étrangères, Hector Timmerman a rencontré secrètement en Syrie son homologue de l’époque, Ali Akbar Salehi, afin de négocier ce MOU (Protocole d’entente) – destiné à blanchir l’Iran de tout rôle dans l’attentat de l’AMIA.

L’article de Veja révèle plutôt que le réchauffement des relations avec l’Iran a débuté en 2007, lorsque la Sénatrice d’alors, Cristina Fernández de Kirchner est devenue présidente d’Argentine – en partie, grâce au soutien financier qu’elle a reçue d’Iran, par l’entremise d’Hugo Chavez au Vénézuela. Le MOU hautement controversé entre l’Argentine et l’Iran était, par conséquent, une véritable promesse de campagne qui a été réalisée par le Président sortant d’Argentine, Fernández de Kirchner, six ans plus tard.

 

La révélation la plus digne d’intérêt de cet article de Veja, cependant, n’est pas tant qui l’Iran a corrompu et acheté en Amérique Latine, mais pourquoi il les a achetés.

Selon les informateurs vénézueliens, le fait de blanchir l’Iran, accusé de l’attentat contre l’AMIA n’était seulement qu’un objectif secondaire de son rayonnement clandestin en Argentine. L’objectif primordial consistait à obtenir un accès à la technologie et au matériel nucléaire de l’Argentine – un but que l’Iran a apparemment désiré depuis plus de trois décennies.

Selon le regretté Dr Alberto Nisman – le procureur spécial qui a mené l’enquête sur l’attentat de l’AMIA – le but d’accéder au programme nucléaire classifié de l’Argentine est la raison fondamentale pour laquelle ce pays a été la cible de l’Iran et du Hezbollah depuis le début des années 1990. Selon le Dr Nisman, les motivations de l’Iran de prendre Buenos Aires pour cible dans l’attentat de l’AMIA était une réplique directe à l’annulation des accords de coopération nucléaire qui étaient en place entre les deux pays depuis le milieu des années 1980.

 

Il y a un compte-rendu détaillé dans l’article de Veja d’une rencontre privée du 13 janvier 2007, entre le président de l’Iran, Mahmoud Ahmadinedjad et l’ancien Président vénézuélien Hugo Chavez. Lors de cette réunion, Ahmadinedjad dit à Chavez : "C’est une question de vie ou de mort. J’ai besoin de vous pour servir d’intermédiaire avec l’Argentine, afin d’obtenir son aide pour le programme nucléaire de mon pays. Nous avons besoin que l’Argentine partage ses technologies nucléaires avec nous. Ce serait impossible de progesser dans notre programme sans la coopération de l’Argentine"

« Impossible » est un mot particulièrement fort. Si c’est vrai, cette information suggère que l’Iran a besoin de l’Amérique Latine pour faire avancer son programme nucléaire hautement ambitieux. L’Amérique Latine n’est pas juste un projet marginal ou parallèle. Cette région pourrait bien être la plus haute priorité de l’Iran en matière de politique étrangère, à l’exception de ses intérêts immédiats au Moyen-Orient

 

La mort prématurée et mystérieuse, pour laquelle personne n’a été formellement inculpé, du Dr Alberto Nisman – retrouvé avec une balle dans le corps le 18 janvier 2015, quelques heures avant d’exposer ses plus récentes découvertes devant le Congrès argentin – a essentiellement ouvert la voie à une influence encore plus grande de l’Iran en Amérique Latine.

 

La levée des sanctions et l’afflux de milliards de dollars comme résultat de l’accord nucléaire avec le P5+1, aideront indubitablement l’Iran dans sa quête de légitimité mondiale. C’est, plus probablement une quête facilement réalisée en Amérique Latine, où de nombreux pays confrontés à la tourmente économique sont susceptibles d’apprécier le stimulus de l’Iran.

Alors que l’Amérique Latine est souvent perçue comme une arrière-cour de la politique étrangère des Etats-Unis, cela représente une haute récompense géopolitique pour la République Islamique d’Iran.

Il semble bien que l’Arabie Saoudite vienne juste de se réveiller à cette saisissante réalité. Il serait grand temps que les décideurs politiques américains en fassent de même.