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Les Nouveaux Islamistes de Turquie Défendent l'Iran et Rejettent Comme Ennemis leurs Concitoyens Laïcs et leurs Minorités

 

Par Stephen Soulayman Schwartz, analyste membre du Hudson Institute de New York

http://www.hudson-ny.org/1572/turkish-islamists-iran-secularists-minorities

29/09/10

Adapté par Albert Soued, http://soued.chez.com  pour www.nuitdorient.com

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Sous le pouvoir islamiste du "Parti de la Justice et du Développement" ou AKP, la Turquie se jette dans les bras de l'Iran, tout en se mettant à dos ses propres citoyens laïcs et de larges minorités ethniques et religieuses. Le 1er ministre Racep Tayip Erdogan et le président Gul se conduisent en alliés et même complices du dictateur iranien Mahmoud Ahmedinejad, des ayatollahs qui le soutiennent ainsi que du Hamas de Gaza. Mais l'islam radical à la barre en Turquie a aussi accru la polarisation politique interne. Lors de la dernière Assemblée Générale de l'Onu, le président Gul a eu un entretien privé avec Ahmedinejad, alors que ce dernier se préparait à accuser les Etats-Unis de duplicité, pour avoir préparé les attentats terroristes du 11/9/01. Dans une interview dans le Washington Post, Gul a flatté les Iraniens et a défendu le Hamas.

 

La hardiesse avec laquelle l'AKP défend le régime religieux d'Iran ne trouve son égal que dans les changements apportés à la Constitution, par le biais du référendum. Les laïcs et les minorités craignent que les réformes adoptées ne rendent encore plus hardi l'AKP dans son élan vers un état soumis à la "sharia'h". Un paquet d'amendements ont été approuvés à mi-septembre révisant sérieusement la Constitution laïque. La confrontation plane au dessus des institutions laïques et des minorités, notamment la justice et l'armée, les Kurdes et la communauté Alevi, des Musulmans non sunnites, qui se sentent particulièrement menacés.

La réforme de la Cour Constitutionnelle ouvre la voie à de nouvelles mesures légales islamistes, et elle lève l'immunité des dirigeants qui ont suscité le dernier coup d'état militaire de 1980. Les généraux impliqués dans le coup d'il y a 30 ans pourraient être maintenant mis en accusation. Il faut rappeler qu'à l'époque la prise de contrôle de l'état était dirigée contre des extrémistes aussi bien de gauche que de droite, qui avaient provoqué une quasi-guerre civile, contre le terrorisme kurde et la pénétration islamiste dans la politique du pays. Le parti du bien être social de Necmetin Erbakan avait été ainsi écarté du pouvoir en 1997 sous la pression militaire, dans un nouveau coup d'état appelé "post-moderne". Néanmoins le coup de semonce de 2007 des militaires contre l'idéologie islamiste de l'AKP n'eut aucun effet.

 

Aussi bien l'AKP d'Erdogan que la Confrérie des Frères Musulmans d'Egypte ont largement bénéficié des promesses qui leur ont été faites par les cercles de l'élite européenne, s'ils s'abstenaient de prendre le pouvoir par la force. Ainsi un puissant lobby de politiciens Occidentaux et d'experts considèrent comme "démocratique" l'AKP en Turquie et le pouvoir potentiel des Frères Musulmans en Egypte. Pourtant cela saute aux yeux que ces deux mouvements n'ont rien de démocratique. Une branche de la Confrérie, le Hamas, qui a réussi à prendre le pouvoir par les urnes en 2006 à Gaza, montre la brutalité d'un pouvoir islamiste dictatorial. Le côté sombre de l'AKP est déjà visible dans son soutien au Hamas, mais surtout à travers sa rhétorique de division dirigée contre le Parti républicain du Peuple, le CHP, principal parti laïc d'opposition.

Les politiques turcs doivent tenir compte de la diversité ethnique et religieuse du pays, aussi bien de l'activisme des Turcs Alevi que de l'antiterrorisme des Kurdes Alevi. Kemal Kiliçdaroglu dirige le CHP et il est d'origine Alevi sur le plan religieux et Kurde Zaza sur le plan ethnique. La religion Alevi est un Islam hétérodoxe qui mélange la spiritualité soufie, les croyances de la Shia'h et les pratiques préislamiques des Turcs. Le Turc Alevi rejette la "sharia'h" et encourage l'égalité des sexes. L'ethnie Zaza est un groupe d'au moins 2 millions de personnes, appauvries, ayant une langue et une culture distinctes de celles des Kurdes, mais qui s'identifient à l'ensemble Kurde qui regroupe 14 millions d'âmes. La moitié des Zazas sont de religion Alevi. De plus la mère de KiliçDaroglu serait arménienne, ce qui fait de ce dernier une cible de la démagogie du pouvoir, étant donné les relations turco-arméniennes tendues du passé.

KiliçDaroglu est de ce fait devenu le symbole des minorités ethniques et religieuses, attirant tous les électeurs qui revendiquent une identité particulière et protestent contre la radicalisation islamiste du pouvoir sunnite et ses discriminations aussi bien économiques que religieuses. Ce groupe protestataire forme bien le 1/3 d'une population totale de 75 millions d'habitants.

 

Depuis des décennies, la Turquie est un état laïc et le pouvoir ne faisant aucune différence entre ses différentes composantes, puisque tout le monde était d'abord turc. Mais comme la majorité de la population est sunnite, tous les Turcs étaient considérés comme des Musulmans sunnites et c'est cette loi qui s'imposait.

L'état laïc a délégué les affaires religieuses à un département d'état appelé "Diyanet", dirigé par une majorité sunnite, les lieux de culte Alevi, appelés "cemevi", n'étaient pas reconnus et les enfants Alevi étaient endoctrinés à l'Islam sunnite dans les écoles publiques. Comme minorité, les Alevi sont dévoués à la laïcité, la seule garantie de ce qui leur reste comme liberté.

Par ailleurs, les Alevi cherchent souvent à émigrer en Occident, pour quitter la pauvreté de l'Anatolie orientale, et trouver de meilleures opportunités économiques.

Les préoccupations des Alevi sont perçues aussi bien par les Turcs de l'intérieur que ceux des Etats-Unis. Lors d'une conférence récente à l'Université d'Indiana  "Les Turcs et l'Islam", des protestations ont été émises contre les discriminations scolaires des Alevi et l'orientation islamiste de la Turquie. Les communautés Alevi de New York ont aussi protesté contre les attaques d'Erdogan qui cherche à se débarrasser de"la clique des Alevi qui dominent le pouvoir juridique en Turquie" … On dit même qu'Erdogan et les politiciens de l'AKP allaient purger la justice de tous les éléments Alevi. Tant qu'il s'agit de religieux sunnites, Erdogan n'a pas d'objection à leur participation au pouvoir, mais dès qu'il s'agit de minorités religieuses, l'opposition est formelle à l'injection de doctrines non reconnues dans les affaires de l'Etat.

 

Les Alevi craignent de devenir les boucs émissaires d'Erdogan dans sa recherche de conciliation avec les Kurdes et de pouvoirs plus étendus. Ils craignent également une confrontation politique majeure entre le pouvoir actuel et les laïcs dont ils seraient les premières victimes.

 

 

 

 

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