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Chypre sur la scène
mondiale
Par Daniel Pipes
National Review Online
11 octobre 2011
Version originale
anglaise: Cyprus on the World Stage
Adaptation française: Anne-Marie Delcambre de Champvert
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Moyen Orient
Chypre, une île
d'environ 1,3 millions d'habitants, voisine de la Turquie et de la Syrie, se
trouve sur le point de [vivre un] changement important. Comme elle fait
tardivement son entrée sur la scène mondiale après que les questions internes
communautaires gréco-turques ont usé ses premières 51 années d'indépendance,
elle est confrontée à la fois à une formidable occasion et à un grand danger.
Ce
problème communautaire a pris naissance en 1570, lorsque l'Empire ottoman a
conquis l'île et sa population était presque entièrement chrétienne orthodoxe
et de langue grecque. Au cours des trois siècles qui suivirent, l'immigration
en provenance d'Anatolie a créé une minorité musulmane turcophone. La
domination britannique, entre 1878 et
Chypre ne fut
certainement pas le seul territoire en proie à des tensions ethniques que
Londres a finalement abandonné sans pouvoir rien en tirer–on
pense à l'Inde, à l'Irak, à la Palestine et au Soudan - mais c'était le seul où
elle a conservé un rôle permanent pour elle-même et amené des Etats
protecteurs, à savoir la Turquie et la Grèce, en tant que garants de
l'Etat nouvellement indépendant.
Cet arrangement
vicié [à la base] a exacerbé les tensions entre les deux communautés de l'île et
leurs états patrons. Ces tensions ont dégénéré en 1974 lorsque
Athènes a tenté d'annexer la totalité de Chypre et Ankara a [alors]
riposté en envahissant l'île, en s'emparant de 37 pour cent de la partie nord
de l'île. L'annexion grecque s'est terminée en queue de poisson mais l'invasion
a conduit à l'établissement d'une symbolique «République turque de Chypre Nord
» (RTCN), qui est maintenue aujourd'hui [militairement] par quelque 40.000
soldats de la République de Turquie. Des centaines de milliers de colons ont
depuis émigré de Turquie, modifiant radicalement la démographie de l'île.
Chypre resta ainsi
pendant 35 ans, divisée, dans une impasse, et largement ignorée par le monde
extérieur, jusqu'aux deux récents développements qui ont chamboulé le statu quo
obscur bien que malheureux de l'île.
Tout
d'abord, le parti de l'AKP est arrivé au pouvoir en Turquie en 2002 avec un
programme agressif de domination régionale. Il a au départ réfréné cette
ambition, mais avec son succès électoral grisant en juin 2011, suivi
immédiatement par sa prise de contrôle
politique sur l'armée turque, cette intention a émergé dans toute sa
splendeur. La volonté de domination régionale prend de nombreuses formes - de
l'escalade des tensions avec Israël à la tournée triomphale d'Afrique du Nord
du premier ministre- mais avec un accent particulier mis sur le pouvoir turc
croissant en Méditerranée orientale. Les ambitions de l'AKP ont ainsi
transformé l'occupation turque de Chypre d'un problème sui generis à un
aspect d'un problème plus vaste.
Deuxièmement, la
découverte de juin 2010 des réserves de gaz et de pétrole («Léviathan») dans la
zone économique exclusive (ZEE) méditerranéenne d'Israël, tout près de la zone
économique exclusive (ZEE) chypriote, a soudainement fait de Chypre un
protagoniste dans le marché énergétique mondial. Les Chypriotes parlent de 300
trillions de mètres cubes d'une valeur de 4 mille milliards de dollars
américains. De tels chiffres attirent les convoitises, en particulier de la
part d'Ankara, qui exige (via la RTCN) sa part des revenus futurs pour le gaz.
En outre, l'escalade de l'antisionisme de l'AKP combinée avec les ambitions
stratégiques du ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu
laisse présager des revendications turques s'étendant jusqu'aux eaux contrôlées
par Israël.
Ensemble, ces deux
évolutions - les ambitions turques croissantes et les gisements de gaz naturel,
potentiellement immenses (par trillions )- lient
Chypre et Israël dans l'autodéfense. Des personnalités chypriotes grecques de
premier plan dans le gouvernement, les médias et les affaires m'ont fait part -
lors du voyage que je viens de faire dans l'île - de leur désir pressant de
construire des relations économiques et pour la sécurité avec Israël.
Dans
le domaine économique, un haut fonctionnaire du gouvernement propose cinq
projets: un gazoduc commun des gisements de gaz à Chypre, suivi d'une usine de
liquéfaction, d'une usine de méthanol, un plan de 1000 mégawatts d'électricité,
et une réserve stratégique, tous situés à Chypre. Un magnat des médias suggère
de vendre les réserves de gaz en Israël et en laissant ses sociétés assumer la
responsabilité.
Dans le domaine de
la sécurité, plusieurs interlocuteurs ont proposé une alliance à fond avec
Israël. Chypre tirerait profit des prouesses militaires, économiques, et
diplomatiques plus grandes d'Israël. Israël, qui a déjà fait des tentatives de
protection pour le compte de Chypre, bénéficierait de l'accès à une base
aérienne à Paphos, à
Une telle alliance
pourrait mettre fin à l'héritage chypriote de non-alignement et à la diplomatie
discrète conçue pour convaincre les gouvernements de ne
pas reconnaître la RTCN, même si l'on peut dire que cette stratégie, n'a
pas apporté beaucoup d'avantages.
Devant un
leadership turc présomptueux et éventuellement messianique qui révèle de plus
en plus des caractéristiques d'Etat-voyou,
Washington, Bruxelles, Athènes
et Moscou ont des rôles importants à jouer en encourageant les relations
israélo-chypriotes et en diminuant ainsi la probabilité d'une agression turque
conduite par l'AKP.