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Erdogan-1 v. Gülen-0

 

Par Albert Soued, journaliste et écrivain, http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com

27/07/16

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La Confrérie mondiale Gülenwww.nuitdorient.com/n2729.htm (1) a amené au pouvoir Erdogan en 2002. A cette époque, cette Confrérie et le Parti de la Justice et du Développement, AKP d’Erdogan avaient des objectifs communs : islamiser lentement la Turquie, la débarrasser du kémalisme laïc et s’emparer progressivement de tous les rouages de l’état. Cette alliance a fonctionné pendant 8 ans. Gülen reprochait à Erdogan ses colères et ses excès, mais ceci ne l’a pas empêché de coopérer pendant une aussi longue période. Gülen a permis à Erdogan de gagner les élections législatives et aidé à moderniser le pays en vue de son entrée dans l’Union européenne.

La nouvelle Constitution votée par référendum en 2010 enregistre l’évolution islamique de la société au détriment de la laïcité et pérennise le parti AKP au pouvoir. Ayant pour but de supprimer de nombreuses prérogatives de l'armée et de faire dépendre le système judiciaire du gouvernement, ce référendum a été accepté par 58% des Turcs, avec un taux d'abstention de 23% seulement, ce qui dépassait toutes les prévisions des partis laïcs. L'AKP en sort renforcé pour les élections législatives de 2011.

De son côté Gülen cherche à recueillir les fruits de sa coopération, mais c’était sa compter avec la volonté de pouvoir et « l’hubris » du 1er ministre. Au lieu d’ouvrir les portes des institutions du pays à Gülen, Erdogan les referme. De plus, il adopte une politique étrangère favorable à l’axe du Mal shiite, opposée à Israël, ce qui est contraire à la doctrine Gülen. Celui-ci reproche à Erdogan son implication dans l'affaire de la "flottille" contre Israël qu'il aurait dû éviter, son inutile "anti-israélisme", et la mauvaise image qu'il répand en Occident. Par ailleurs, souhaitant sérieusement diminuer l'influence de l'armée dans la société civile et renforcer celle-ci, Gülen reproche à Erdogan d'avoir fait des compromis avec l'armée sur les nominations et l'organisation des promotions et d'avoir libéré la plupart des officiers compromis dans la préparation de coups d'état -- qui n'ont jamais eu lieu.

Les élections du 12/6/11 ont renforcé les pouvoirs de l'AKP d'Erdogan au détriment de la démocratie et de la stabilité dans la région. La Constitution pourra être changée pour pérenniser l'orientation islamique et orienter le pays vers un régime présidentiel ayant des pouvoirs accrus, avec la possibilité d'autres mandats pour Erdogan, homme arrogant, instable, ayant la folie des grandeurs. Entre 2010 et 2016, les relations entre Gülen et Erdogan n’ont cessé de se dégrader. De 1er ministre, Erdogan s’est propulsé président avec des pouvoirs plus étendus que ceux de Gül, son prédécesseur. De là, il compte pérenniser sa fonction par un nouveau référendum. D’ores et déjà, il a fait construire un luxueux palais présidentiel qui est une véritable cité de gouvernement. Mais pour parvenir au pouvoir absolu, il fallait qu’il se débarrasse de Gülen et des derniers Kémalistes laïcs qui l’ont traîné dans la boue, dans une accusation de « énorme corruption » de sa famille. Il s’est assuré la loyauté d’une majorité de l’armée par des prébendes et a réussi à accroître le revenu du peuple turc par divers moyens inflationnistes.

Erdogan a provoqué un coup d’Etat qu’il était assuré de faire avorter. Il a mis Gülen le dos au mur en préparant l’extradition de son chef Fethulla des Etats-Unis vers la Turquie et une rafle massive de ses militants dans l’armée, la police et les instances judiciaires de l’état. Pour s’en sortir, Gülen n’avait pas d’autre choix qu’un coup d’état, comptant sur la force et l’endoctrinement de ses adeptes. Mais le 15 juillet 2016, Gülen n’ayant pas réussi à éliminer physiquement Erdogan, celui-ci rameuta dans la rue le peuple qui lui était favorable et gagna la partie comme prévu.

Il ne reste plus à Erdogan qu’à museler ses derniers opposants pour régner dans une sphère d’absolutisme.

 

Note de www.nuitdorient.com

(1) Gülen a fondé son enseignement sur la notion soufie de « travail pour le bien commun de l’humanité » (hizmet), diamétralement opposée à celle d’une « guerre sainte » (jihad). Selon lui, l’islam authentique doit dialoguer avec les autres religions et civilisations, et coopérer avec elles en vue d’assurer la liberté, le progrès matériel et la justice sociale. Ces convictions l’ont amené à engager des dialogues avec toutes les formes d’islam non-sunnite, y compris l’alévisme turc, considéré comme « hérétique » par les sunnites militants, mais aussi avec le christianisme et le judaïsme. 

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