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La
Débâcle Géopolitique et Démocratique de la Turquie
Par
Dr. David Bensoussan, professeur d’électronique. Il a été
président de la Communauté sépharade unifiée du Québec
12 décembre 2017,
Lors du printemps arabe, le monde entier montrait en exemple la
Turquie, république tournée vers l’Occident et parangon d’un islamisme modéré.
Il est devenu clair par la suite que le président Erdogan
a bien caché son jeu : son agenda islamique était loin d’être modéré ; sa
mégalomanie l’a amené à rompre aveuglément des liens géopolitiques importants ;
au fur et à mesure qu’il s’est octroyé toujours plus de pouvoirs, la démocratie
turque s’est amenuisée telle une peau de chagrin. Inscription
Comment le président Erdogan
s’est-t-il arrangé pour plonger la Turquie dans un abîme géopolitique ? Le
président Erdogan a décidé de soutenir le mouvement
radical du Hamas et celui des Frères musulmans. Longtemps après que le
président Morsi de la mouvance des Frères musulmans a
été évincé, le président Erdogan a continué de
brandir leur symbole – en dressant 4 doigts et en repliant le pouce –
s’aliénant toujours plus l’Égypte du président Sissi.
Son alliance avec le Qatar l’a amené à collaborer avec des
radicaux islamistes et à fermer les yeux sur les agissements de l’État
islamique duquel il a acheté du pétrole au rabais. Après qu’un avion russe eut
été abattu à la frontière turco-syrienne par la DCA turque, un embargo
économique russe a été imposé sur la Turquie. Cet embargo a été partiellement
levé par la suite au coût de concessions importantes dont l’achat d’un système
antiaérien russe S-400 qui met l’OTAN dans l’embarras.
Pis
encore, les négociations avec l’Union européenne ont périclité en raison des
mesures anti-démocratiques édictées en Turquie même et aussi en raison de
l’embrigadement des travailleurs turcs en Europe dans l’agenda du parti
islamiste AKP au pouvoir en Turquie et l’encouragement à la dénonciation de
présumés gulénistes. Erdogan
attribue au mouvement de philanthropie de Fethullah Gülen le putsch raté en 2016.
L’entourage
proche d’Erdogan a été soudoyé pour contourner
l’embargo contre l’Iran par le blanchiment de ventes de pétrole iranien payé en
lingots d’or transportés via Dubaï. Ce n’est pas la première fois que
l’entourage d’Erdogan dont son fils est impliqué dans
des affaires de corruption.
Erdogan
a neutralisé la justice turque, mais il ne peut guère faire fi de la
justice américaine. Il s’irrite du fait que l’enquête sur ledit contournement
dévoilé par le financier turco-iranien Zarrab se
continue ou encore de ce que l’accusation contre ses propres garde-corps qui
ont battu des manifestants en territoire américain ne soit pas abandonnée.
Alors que le président Erdogan cherche
à ressusciter l’Empire ottoman, il perd des alliés l’un après l’autre :
l’Égypte, l’Arabie et les états du Golfe, Israël.
Pour mieux se faire accepter des masses du Proche-Orient, il
tente de retrouver du prestige en brandissant la carte islamique, quitte à
exacerber encore plus les passions. Il a déclenché une incursion militaire au
Nord de la Syrie pour briser la continuité territoriale des forces kurdes
présentes et a semé la terreur dans l’Est de la Turquie majoritairement peuplé
de Kurdes.
Il se raccroche au Qatar qui est ostracisé par ces mêmes pays et
cherche à trouver un modus vivendi avec la Russie et l’Iran, notamment en
regard de l’avenir de la Syrie.
Il s’est rendu tout à fait vulnérable en montrant que pour
autant que l’on isolât les Kurdes et qu’on les empêchât d’étendre leur
autonomie, il pouvait être mené par le bout du nez. Or, ces pays ne peuvent
offrir ce que l’Occident apporte en termes de liberté, de tourisme, de
développement, de bien-être économique et de sécurité.
Erdogan
s’est laissé entraîner dans un discours qui rappelle celui des radicaux
islamistes qui voient la main de l’Occident partout et l’accusent de tous les
maux réels ou imaginaires : l’Occident voudrait la perte de la Turquie et
pour atteindre cet objectif, manipulerait la mouvance guléniste.
Les
accusations d’Erdogan se sont étendues aux minorités
kurde, alévie, arménienne et juive. Le discours est acide et alimente la
paranoïa des théories de complot, créant un malaise profond au sein de la
société turque.
Les
accusations d’outrage à la présidence et l’emprisonnement de députés de
l’opposition kurdes sèment l’insécurité. Même le chef de l’opposition
républicaine Kemal Kılıçdaroğlu a été
qualifié de terroriste.
Plus de 150 journalistes ont été emprisonnés, de nombreux
journaux ont été fermés et d’autres s’expriment en termes feutrés sinon
filtrés. Aujourd’hui, l’arrestation ou la suspension de dizaines de milliers
d’enseignants, de fonctionnaires et de militaires a démoralisé
l’administration, le corps policier et militaire ainsi que les démocrates de
Turquie.
Le
putsch raté de 2016 a fourni à Erdogan le prétexte
rêvé pour enrayer le système judiciaire et œuvrer pour faire adopter un
amendement constitutionnel d’un régime présidentiel qui lui permettrait de
rester théoriquement en poste jusqu’en 2030.
Par
ailleurs, le tourisme et les investissements de l’Occident ont baissé ; la
livre turque a connu une dépréciation de près de 100 % en cinq ans; plusieurs
indicateurs du programme international pour le suivi des acquis des élèves mis
en place par l’OCDE mettent en évidence un recul patent dans le système
d’éducation turc. En outre, le concept islamique du Djihad a été rajouté dans
les manuels scolaires.
Lors des derniers exercices de l’OTAN en Norvège, certaines
personnes ont listé la Turquie par inadvertance (?) au nombre des cibles
ennemies. Des excuses ont été données par la suite, mais Erdogan
a réagi comme on s’y attendait : en claquant la porte.