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Israël et la Doctrine Méditerranéenne de l'Europe
depuis 1973
Par Bat Ye’or
29/10/14
Michel Garroté, rédacteur en chef de
dreuz.infà: Le tableau général que nous présentons ici n’est pas le
produit d’une accumulation de hasards et d’événements imprévus. Il résulte
d’une stratégie très cohérente dont on peut modéliser les variables. Elle se
déploie sur trois théâtres d’opération : une doctrine globale, une
politique à l’égard d’Israël, une politique intérieure à l’Europe. Nous
reproduisons, ci-dessous, des extraits d’un article de Bat Ye’or, historienne
et membre de la rédaction de dreuz.info, article paru dans la revue Pardès,
n°55, 2014, "Qu’est-ce qu’un acte
antisémite ?", éditions In Press
http://www.desinfos.com/spip.php?article44350
http://www.inpress.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=670
https://ssl2.ovh.net/~crmart/secure/abo.php?abo=man&catid=14&titreid=67
La doctrine
« méditerranéenne »
Au lendemain de l’embargo sur le
pétrole décrété par la Ligue Arabe, pour faire pression sur les puissances
occidentales afin qu’elles
contraignent Israël à accepter ses diktats,
suite à la guerre de Kippour de 1973, l’Europe du Marché Commun accepta de
faire de son engagement contre Israël – une cause panarabe – la cheville
ouvrière de son rapprochement avec le monde arabe. Ce rapprochement donna naissance
en 1974-1975 à une nouvelle stratégie qui transformait le projet de détruire
Israël en lutte pour la reconnaissance d’un peuple palestinien, dont personne
n’avait jamais entendu parler auparavant et à commencer par la charte de
l’Organisation de la Palestine, un peuple que l’Europe protégerait, financerait, et
organiserait en vis-à-vis d’Israël. Autour de
ce dogme, se créèrent des rites, des incantations, des Mystères. Quiconque en
doutait commettait un sacrilège qui l’excluait de la société civilisée.
La doctrine méditerranéenne
repose sur quatre piliers fondamentaux intouchables :
1) L’Islam
est une religion de paix et de tolérance. Sa
civilisation fut la matrice de la pensée, des arts et des sciences d’un
Occident plongé dans la barbarie. Juifs et Chrétiens vécurent paisibles et
heureux sous la protection de la justice islamique, comme le déclare la Charte
du Hamas. Depuis les années 1970 d’innombrables livres célèbrent cette magnifique symbiose sous la
loi de la charia dans les empires musulmans.
L’hostilité actuelle des musulmans envers eux provient de l’injustice des
Croisades, du colonialisme et du sionisme. Cette interprétation de l’histoire
est enseignée dans les écoles et les universités.
2) Le
sionisme constitue le seul obstacle à la réconciliation islamo- chrétienne tant souhaitée. Cependant elle ne pourra se réaliser que
lorsque l’Europe aidera l’islam à effacer Israël de la carte. Telle est la
condition essentielle assénée aux réunions officieuses euro-arabes et aux
dialogues religieux islamo-chrétiens. D’où les nombreuses imprécations rageuses
et rancunières de politiciens européens accusant l’État hébreu d’être
l’obstacle à la paix et à la réconciliation entre Islam et Chrétienté, en
s’accrochant à son misérable bout de terre, provoquant des guerres par son
entêtement à survivre.
3) Israël
est un mensonge. Il n’a pas d’histoire dans la
région. Le patrimoine historique auquel il prétend est celui du
« peuple » palestinien qu’il a usurpé comme l’Europe a usurpé la
science et la civilisation islamique.
4) Créée
officiellement en 1975 par le Quai d’Orsay et la Ligue Arabe, l’existence d’un peuple palestinien caractérisé par des
particularités qui le distingueraient de tous les autres Arabes, constitue un
postulat sacro-saint. Lui seul peut opérer la réconciliation euro-arabe et
islamo- chrétienne tant désirée, par le transfert à la Palestine du patrimoine
historique et du droit d’Israël. C’est en effet dans l’évangile de la passion
palestinienne et de son martyr par Israël que se construit la diabolisation du
peuple juif et de l’État d’Israël, l’obligation morale qui justfie le combat pour le
détruire, et selon certains prélats, la
rédemption de la Chrétienté. Haine chrétienne et haine musulmane contre Israël
s’unissent pour construire la réconciliation et la symbiose euro-arabe par
l’apothéose du peuple palestinien. L’attaquer constitue un sacrilège. Rappelons
que la Résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies en 1967 ne
mentionnait ni la Palestine ni un peuple palestinien et que, précisément pour
cette raison, elle fut refusée par les pays de l’Organisation de la coopération
islamique (OCI). Cette Résolution ne mentionnait que deux vagues de réfugiés,
les réfugiés arabes et les réfugiés juifs. Tout le reste fut construit par le
Quai d’Orsay.
Ces quatre piliers furent élaborés
par des comités interreligieux, multi- culturels et politiques euro-arabes et
islamo-chrétiens. Très vite, ils firent des adeptes dans toute l’Europe et constituèrent dès 1975 une politique officieuse de la Communauté européenne, soutenue par sa Commission et la Ligue arabe.
À cette époque des célébrités comme un Massignon, suivi de son disciple Youakim
Moubarac, jésuite libanais, mais aussi les anglicans Kenneth Gragg, et l’Arabe
palestinien Naïm Stifan Atteek transmuèrent l’antisionisme en Passion
palestinienne.
La guerre
politique contre Israël
La guerre politique contre Israël
constitue l’élément majeur de la politique euro-méditerranéenne. Elle devint
très active surtout à partir de 1999 avec Javier Solana, qui s’était illustré
dans son poste précédent de secrétaire-général de l’Otan (1995-1999) dans la
guerre de Yougoslavie par des attaques aériennes intensives sur des cibles
militaires et civiles serbes. La politique extérieure présente quatre lignes
directrices majeures :
1) Guerre de désinformation et
diabolisation d’Israël ;
2) Remplacement d’Israël par la "Palestine
laïque et démocratique", termes qui n’ont aucun sens dans l’idéologie
djihadiste palestinienne ;
3) Organisation de l’isolement
international d’Israël ;
4) Règles imposant la
vulnérabilité à Israël (dhimmitude) :
a) neutralisation des défenses
d’Israël par l’interdiction de se défendre, au prétexte des victimes
collatérales,
b) l’accusation d’être un
agresseur alors qu’il est agressé, conforme à l’interprétation djihadiste du
non-musulman dont l’existence même est une agression,
c) légitimation du jihad
anti-israélien et de sa politique génocidaire,
d) culpabilité d’Israël
État-nation,
e) négation du jihad et de la
dhimmitude et diffamation de ceux qui en parlent,
f) abandon des Chrétiens vivant
dans les pays musulmans comme victimes collatérales de la politique
euro-méditerranéenne,
g) persécution légale et
médiatique des critiques de cette politique, h) création d’un vocabulaire
adapté à cette politique.
La politique
intérieure européenne
La stratégie du fusionnement des
deux rives de la Méditerranée s’accompagna d’une politique intérieure de la
Communauté/Union européenne, préconisant :
1) l’immigration portes
ouvertes ;
2) la destruction de
l’État-nation, de ses garde-fous et institutions démocratiques ;
3) l’autoflagellation et l’humilité de la dhimmitude qui se traduisent
par :
a) le refus de critiquer l’islam,
b) le refus de critiquer le jihad,
c) l’élimination de la dhimmitude
comme réalité historique et institutionnalisée,
d) le refus de comparer le jihad,
guerre de colonisation islamique aux guerres coloniales européennes,
e) les restrictions à la liberté
d’expression et les lois sur le blasphème de la charia,
f) les modifications des cursus
scolaires pour les rendre islamo-compatibles,
g) la diffusion du dogme de la
supériorité de la civilisation islamique.
Ces deux dernières conditions ont
fait l’objet de multiples réunions des commissions culturelles euro-arabes
comme celles du DEA à Venise 1977, du symposium de Hambourg 1983, du Conseil de
l’Europe, Assemblée parlementaire européenne, 1991, de la Fondation Anna Lindh
2003, de plaidoyers dithyrambiques de Luis Maria de Puig (8 nov. 2002) à
l’Assemblée parlementaire européenne, pour n’en citer que quelques-unes. La
politique méditerranéenne et l’entente avec les pays musulmans du sud
méditerranéen est une priorité absolue de l’UE.
Ce choix est proclamé dans
d’innombrables déclarations des gouvernements de l’UE : Déclaration de
Barcelone 1995, Stratégie commune du Conseil européen juin 2000, Fondation Anna
Lindh, Alliance des civilisations, etc. L’UE qui a versé des milliards dans
cette politique, et pour créer "le peuple palestinien", gauche et
droite confondues, ne peut plus reculer.
Elle a inventé un langage, une
idéologie, une stratégie, une politique, une culture, diffusées par des réseaux
transnationaux et internationaux, le tout à coups de milliards. Elle a construit une réalité virtuelle pour complaire aux
exigences de l’OCI, avec des mots qui ne veulent rien dire dans la civilisation
de la charia : laïcité, démocratie, paix, droits de l’homme, principes
humanitaires régulant le droit de la guerre, respect des civils.
Comme les armées mercenaires
chrétiennes au service des califes, elle a secondé toutes les campagnes
stratégiques du jihad palestinien, entamant sa propre destruction, détruisant
les identités historiques et culturelles de ses propres populations, sacrifiées, comme Israël, à
sa politique méditerranéenne.
La menace du
jihad international en prime
Prise au piège de ses erreurs,
l’Europe, avec Obama qu’elle a encensé jusqu’aux nues, a mis au pouvoir, en
guise de démocratie, les Frères musulmans. Au nom des droits de l’homme, elle a
semé la pagaille et la ruine dans les pays arabes et se réjouit de voir Israël
griller au feu d’un fondamentalisme qu’elle a encouragé.
Mais voilà, le fondamentalisme est
partout, en Europe, aux États-Unis, en Afrique, et les populations européennes
se rebiffent. Elles s’efforcent d’éclairer leurs dirigeants et ne comprennent
pas qu’ils les ont fourvoyés dans un long tunnel dont ils ne peuvent ni ne
veulent plus sortir.
Car le califat donne déjà ses
ordres à ses troupes dispersées en Europe. Abu Imad Rifai, responsable du Jihad
islamique leur adresse ses remerciements. Dans un long message publié par le
Mouvement de solidarité internationale, section France (ISM France), le 9 août
2014, il les félicite d’être sortis en masse, bravant l’interdit
gouvernemental, et d’avoir manifesté dans les villes françaises pour le Hamas. Le Hamas, rappelons-le, est un autre visage du califat. Les appelant ses frères et ses sœurs et ses véritables
alliés, il leur promet au nom du Jihad islamique en Palestine de poursuivre la
lutte. Or le Jihad est une guerre universelle contre les non musulmans. Affirmant que les Juifs
vécurent en paix et en symbiose dans le monde
musulman pendant des centaines d’années, Rifai donne aux Français un programme
d’action et les engage à s’unir pour former ensemble un bloc politique important
pour modifier les politiques internationales et intérieures de l’UE et de ses États membres.
"Je m’adresse en
particulier à vous, enfants de la communauté arabe et musulmane, nous sommes
certains que vous pouvez introduire un grand changement dans la politique
internationale, en tant que bloc humain important en Europe, et à Paris, vous
pouvez, par votre unité, votre patience et votre conscience, vous imposer en
tant que force importante dans la politique européenne et montrer au monde que
l’islamophobie est une fabrication des gouvernements occidentaux qui veulent
vous marginaliser et vous isoler du soutien aux questions justes des peuples de
notre nation arabo-islamique, et vous isoler de la symbiose humaine et
civilisationnelle avec les peuples qui vous entourent, car ces gouvernements
craignent que s’écroulent sur leur têtes les temples du mensonge qu’ils ont édifié.
Chers frères et sœurs, au nom de mes frères dans le mouvement du
Jihad islamique en Palestine, au nom du peuple
palestinien, au nom des héros des Brigades al-Quds, d’al-Qassam, d’al Aqsa,
d’Abu Ali Mustafa et des Comités et des autres combattants de notre peuple
palestinien, notamment dans la bande de Gaza, je vous remercie un à un, pour
vos efforts… Nous sommes confiants que nous
pouvons ensemble obtenir la victoire".
Comment l’Union européenne
prévoit-elle de remédier à cette situation ? Il faudrait tout d’abord
qu’elle consente à la constater.
NOTES
Ali Ouertatani, « Les
citadelles du lobby proarabe en France », Outre-Terre 4/2004 (no 9), p.
417-421.
Jacques Frémeaux, Le monde arabe
et la sécurité de la France depuis 1958, Paris : PUF, 1995, p. 280.
ANNEXE
Les communautés musulmanes
européennes face à l’extrémisme :
Les attaques à Paris en 1995, à
New York en 2001, la vague d’attentats à la bombe qui a, par la suite, frappé
Madrid et Istanbul en 2003, et Londres en 2005, de même que d’autres nombreux
complots terroristes déjoués sur le sol européen ont mis en évidence l’étendue
et la gravité de la menace du terrorisme pratiqué par des individus qui
invoquent l’intégrisme islamique comme source d’inspiration. Outre le choc
ressenti à la suite de ces attaques, de nombreuses personnes ont été troublées
de voir que de jeunes musulmans, qui sont nés et qui ont grandi en Europe,
avaient pris part à l’organisation et à l’exécution de ces attentats.
L’Assemblée parlementaire met en
garde contre toute confusion entre l’islam en tant que religion et l’intégrisme
islamique en tant qu’idéologie. L’islam est la deuxième religion en Europe et
une composante des sociétés européennes. Dans certains États membres du Conseil
de l’Europe, c’est la religion traditionnelle de la majorité de la
population ; dans d’autres, c’est la religion de la majorité des immigrés
et des citoyens issus de l’immigration, qui représentent une proportion
grandissante de la population. L’intégrisme islamique, par contre, est une
idéologie extrémiste qui poursuit des objectifs politiques et promeut un modèle
de société incompatible avec les valeurs des droits de l’homme et les normes de
la démocratie ; dans sa pire forme, l’intégrisme islamique préconise
l’usage de la violence pour atteindre son but. …. Parallèlement à ces efforts,
il appartient aux gouvernements européens en particulier de s’attaquer aux
causes qui forment le terreau fertile de l’extrémisme – telles que la pauvreté,
la discrimination et l’exclusion sociale – ; de garantir le plein respect
de la liberté de pensée, d’expression et de religion, telle qu’énoncée dans la
Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), et de contribuer à
instaurer un climat de respect de toutes les religions quelles qu’elles soient,
ou de l’absence de religion. A cet égard, les États membres du Conseil de
l’Europe doivent continuer à être vigilants dans leur action de prévention et
de lutte contre le phénomène de l’islamophobie.
En outre, les États membres du
Conseil de l’Europe devraient prendre une série de mesures concrètes pour
permettre aux immigrés et aux citoyens issus de l’immigration, dont les membres
de communautés musulmanes, de s’intégrer dans la société grâce à un accès sans
discrimination à l’emploi, à l’éducation, à la formation professionnelle, au
logement et aux services publics. L’engagement et la participation active des
immigrés et des personnes d’origine immigrée dans la société doivent aussi être
encouragés et soutenus par l’ensemble de la société, qui doit faire davantage
pour s’adapter à la diversité et supprimer les obstacles à l’intégration.
De même, comme l’Assemblée l’a
déjà recommandé, les gouvernements européens, dans le but de créer une
citoyenneté qui soit inclusive et participative, devraient remédier au fait que
les immigrés et les citoyens issus de l’immigration n’ont actuellement que des
possibilités limitées de participer activement à la vie publique et politique.
Sur le long terme, cette situation, due à des obstacles législatifs mais aussi
sociaux, ne peut que renforcer les griefs et le sentiment d’injustice d’une
partie de la population.
Autres points importants :
À condamner et à combattre
l’islamophobie ;
À agir résolument contre les
discours de haine et toutes les autres formes de comportement contraires aux
valeurs fondamentales des droits de l’homme et de la démocratie, même lorsque
leurs auteurs invoquent des motifs religieux pour tenter de les justifier.
En prenant une série de mesures
concrètes pour permettre aux immigrés et aux personnes issues de l’immigration
de s’intégrer dans la société grâce à un accès équitable et libre de toute
discrimination à l’emploi, à l’éducation, à la formation professionnelle, au
logement dans des quartiers mixtes, aux services publics et grâce, à terme, à
une participation démocratique par le biais de la citoyenneté ; …
En encourageant la participation
des personnes issues de l’immigration aux partis politiques, aux syndicats et
aux organisations non gouvernementales ; …
À encourager la tenue d’un débat
public et ouvert à tous sur les répercussions que peut avoir leur politique
étrangère sur le phénomène de la radicalisation ;
À encourager des projets informatifs
sur la contribution de l’islam aux sociétés occidentales afin de surmonter
les stéréotypes le concernant.
À promouvoir la transmission des
valeurs européennes fondamentales au sein des communautés musulmanes, notamment
parmi les jeunes, en mettant l’accent sur leur compatibilité avec la religion
musulmane ;
À veiller à ce que les valeurs
européennes fondamentales soient enseignées dans les écoles religieuses
musulmanes ; aussi aux modérés ;
À élaborer des lignes directrices
éthiques pour lutter contre l’islamophobie dans les médias et en faveur de la
tolérance et de la compréhension culturelles, en collaboration avec les
organisations de médias appropriées.