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Limiter la Casse
au Moyen Orient
Boston Globe 8/12/16
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Dans les 177 ambassades étrangères que compte la ville de Washington,
on tente assurément de lire dans le marc de café en se demandant à quoi pourra
bien ressembler la politique étrangère du président élu Donald Trump. Or, les incohérences et les contradictions de
ce dernier rendent toute prévision en la matière impossible.
C'est pour cette raison qu'en lieu et place de spéculations, je
vais me limiter aux priorités qui devront être celles de la politique
américaine dans une région particulière, le Moyen-Orient. Je commencerai par
définir les lignes directrices avant de parler de points plus spécifiques.
Étant donné qu'il s'agit sur le long terme de la zone la plus
instable au monde, l'objectif sera modeste : limiter la casse et éviter les
désastres. Les deux derniers présidents n'y sont pas parvenus. Ils ont même
fait tout le contraire. George W. Bush a essayé d'en faire
trop au Moyen-Orient : on se souvient de sa volonté de construire un pays en
Afghanistan, d'apporter la liberté et la prospérité en Irak, d'établir la
démocratie en Égypte et de résoudre le conflit israélo-arabe. Toutes ces
initiatives ont fini en autant d'échecs cuisants. En réaction à « l'outrance impérialiste » de Bush, Barack Obama a fait l'inverse,
décidant d'un retrait prématuré de différents conflits, traçant des lignes
rouges qu'il abandonnera par la suite, proclamant un imaginaire « pivot vers
l'Asie » et donnant pratiquement carte blanche aux ambitions du Kremlin.
La future politique américaine devra trouver une voie médiane
entre ces deux excès : protéger les Américains, promouvoir les intérêts américains
et soutenir les alliés de l'Amérique, ne pas ambitionner de remettre de l'ordre
dans la région tout en évitant le repli isolationniste, faire des promesses
raisonnables qu'il conviendra de tenir et réfléchir avant d'agir.
Comment dès lors appliquer au Moyen-Orient cette approche de bon
sens par rapport à des problèmes majeurs tels que ceux impliquant l'Iran,
l'Arabie saoudite, la Turquie, la Syrie, l'Égypte et le conflit israélo-arabe ?
L'Iran constitue de loin la plus grande préoccupation. La nouvelle
administration américaine devra abroger sans délai et dans sa totalité le
mystérieux non-traitéconnu sous le nom de Plan global d'action conjoint ou
accord sur le nucléaire iranien. Le président pourra prendre cette initiative
de façon unilatérale et accompagner celle-ci d'un ultimatum de sorte que si les
Iraniens ne s'exécutent pas à cette date déterminée, c'est le gouvernement
américain qui procédera en leur nom à l'arrêt complet de leur projet d'armement
nucléaire. C'est la seule façon certaine d'empêcher la République islamique
d'Iran de maîtriser l'arme nucléaire, un impératif non seulement pour Israël et
les autres pays du Moyen-Orient mais également pour les Américains étant donné
que Téhéran est présumé développer du matériel à impulsion électromagnétique susceptible
de détruire le réseau électrique américain et de provoquer la mort de 90 % de
la population.
Le Royaume d'Arabie saoudite est depuis longtemps un allié ennemi
des États-Unis puisque ce fournisseur capital d'énergie finance dans le même
temps une version obscène de l'islam. Depuis peu, Riyad a endossé le costume de
la grande puissance régionale qui tient tête à l'Iran, un nouveau rôle qui rend
la sécurisation de la monarchie plus importante que jamais pour Washington.
Heureusement, la jeune génération de dirigeants saoudiens montre une volonté de
modération dans l'agressivité traditionnelle déployée par les islamistes, pour
autant que le gouvernement américain exerce une pression suffisamment forte.
La romance qui liait naguère l'administration Obama
et le président turc Recep Tayyip
Erdoğan a subi un déclin fatal. Cela n'empêche
pourtant pas Washington d'affirmer qu'Ankara demeure un allié fidèle et
d'ignorer publiquement que le gouvernement turc s'est mué en dictature hostile
et de plus en plus proche de la Russie et de la Chine.
La diplomatie à l'eau de rose n'ayant manifestement pas permis de freiner les
ambitions d'Erdoğan, le temps est venu de faire
comprendre clairement aux Turcs tout ce qu'ils perdront en matière de commerce,
d'aide militaire et de soutien diplomatique s'ils ne changent pas de cap
rapidement.
L'indécision d'Obama en Syrie résulte de
l'hostilité et du dégoût suscités par trois des quatre principaux acteurs en
présence dans le pays : l'État islamique en Irak et en Syrie (Daech), les rebelles arabes sunnites soutenus par les
Turcs, les Qataris et les Saoudiens, et enfin le régime de Bachar
al-Assad soutenu par les gouvernements russe et
iranien. Seules les Forces démocratiques syriennes (FDS) composées des Unités
de protection du peuple (YPG) en majorité kurdes sont convenables et amicales.
Dans un État qui sombre pratiquement dans le schéma de Hobbes de la lutte
de tous contre tous (à l'exception de Daech
et Assad qui s'évitent mutuellement), il est
impossible à l'administration Obama de définir une
politique et de s'y tenir. Si cette situation a le mérite d'aider les FDS, le
fait de mettre exagérément l'accent sur la destruction de Daech
conduit ces Forces à nouer des alliances boiteuses avec Ankara, Téhéran et
Moscou. La solution serait que Washington soutienne les FDS, son seul allié,
tout en incitant les trois autres acteurs à s'épuiser mutuellement.
En insistant sur le principe consistant à privilégier les
dirigeants démocratiques, même hostiles et élus dans des conditions douteuses,
l'administration Obama a, en retenant l'armement et
l'aide humanitaire, cherché à punir l'Égyptien Abdel Fattah
al-Sissi pour avoir pris le pouvoir au moyen d'un coup d'État. Cette politique
d'aliénation gratuite doit être changée au plus vite de sorte que les
Américains puissent aider un dirigeant égyptien à peine compétent à conjurer le spectre de la famine et à vaincre les
islamistes et donc l'aider à rester au pouvoir et à maintenir les Frères
musulmans à l'écart.
Le conflit israélo-arabe, l'un des points de tension les plus
dangereux du Moyen-Orient, a été relégué (au moins
pour un temps) au second plan. Alors que la petite violence ne cesse pas, le
risque d'escalade est devenu moins grand, à une époque de guerre chaude et froide au Moyen-Orient.
La nouvelle administration devra indiquer sans délai qu'elle considère Israël
comme l'allié le plus proche et le plus important de l'Amérique au
Moyen-Orient. Elle devra aussi mettre fin aux incessantes pressions sur
Jérusalem en vue de concessions à l'Autorité palestinienne. Mieux encore, elle
devra rejeter le faux-semblant vieux de près de 25 ans selon lequel les
Palestiniens sont les « partenaires pour la paix » d'Israël et, au contraire,
encourager les Israéliens à convaincre les Palestiniens de la nécessité de
reconnaître Israël, de façon explicite et définitive, comme l'État juif.
Une politique élémentaire de protection des Américains et de leurs
alliés serait une formidable occasion de remédier à une série d'erreurs
catastrophiques commises ces dernières années tant par les démocrates que par
les républicains.