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Les Evénements au Yémen sont un Indicateur d'une Dynamique Régionale plus Large

Le désir de mettre fin à la guerre au Yémen est compréhensible. Mais malheureusement, les États-Unis n'ont de pouvoir que sur une seule des parties.

Par Jonathan Spyer   

25 février 2021

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Texte en anglais ci-dessous

Largement ignorés par les médias mondiaux, les combats au Yémen entre le gouvernement du président Abd-Rabbu Mansour Hadi, soutenu par l'Arabie Saoudite, et le mouvement Ansar Allah (Houthi), soutenu par l'Iran, sont actuellement à leur plus forte intensité depuis 2018. Les Houthis -- du nom du clan qui a créé et dirige le mouvement --  assiègent la ville de Marib, située dans une région du pays riche en gaz. Cette offensive est importante en raison de l'impact qu'elle a sur la vie des habitants du Yémen, dont plus d'un million de personnes déplacées vivant à Marib. Mais elle est également importante du fait qu’elle met en relief  les changements plus larges en cours dans l'équilibre géostratégique du Moyen-Orient.

La région de Marib contient une raffinerie de pétrole et fournit du gaz à l'ensemble du Yémen. C'est la dernière zone du nord du Yémen encore contrôlée par le gouvernement Hadi. Sa perte porterait un coup stratégique majeur à la cause du gouvernement. Les Houthis, qui ont lancé la phase actuelle de leur insurrection contre le gouvernement en 2014, contrôlent la capitale yéménite, Sanaa.

L'insurrection houthi a suivi la chute en 2012 du régime du président Ali Abdullah Saleh, soutenu par l'Occident depuis longtemps. Abandonné par ses anciens soutiens occidentaux, Saleh  s'est allié aux Houthis soutenus par l'Iran contre le nouveau gouvernement, et ensemble ils ont pris la capitale. Les Houthis se sont ensuite retournés contre Saleh et l'ont tué en décembre 2017. Depuis lors, des preuves ont été apportées pour suggérer que ce meurtre a été perpétré sous les ordres directs de Qassem Soleimani, alors commandant du GRI/ Force al Qods.

Une intervention dirigée par les Saoudiens et soutenue par les Émirats arabes unis pour empêcher la conquête de tout le pays par les Houthis a débuté en 2015. Le Yémen est d'une importance stratégique, car à son extrémité sud, le détroit de Bab el-Mandeb (Porte des larmes) contrôle l'accès du golfe d'Aden à la mer Rouge.

C'est un point d'étranglement pour les navires qui se dirigent du golfe Persique vers le canal de Suez. Chaque jour, un volume considérable de gaz naturel, de pétrole et de produits dérivés du pétrole est acheminé vers le canal et les marchés européens et américains par le détroit. Au total, environ 9 % de tout le pétrole brut et les produits pétroliers raffinés échangés par voie maritime passent par le détroit.

Le contrôle de l'accès à cette porte représenterait un gain stratégique énorme pour Téhéran. Il donnerait aux Iraniens la possibilité de perturber ou d'arrêter d'un seul coup un volume important de trafic pétrolier vers l'Occident. L'intervention soutenue par l'Arabie saoudite et les Émirats a réussi à empêcher les Houthis de s'emparer de la pointe sud du Yémen, et donc d'acquérir le contrôle du détroit. Ils se sont toutefois avérés incapables de vaincre Ansar Allah dans son intégralité.

Au cours de la dernière décennie, le Moyen-Orient a connu une situation qui s'est révélée très familière. Le pays s'est alors divisé en zones de contrôle de facto et a été soumis à une crise humanitaire massive. L'offensive actuelle sur Marib est l'épisode de combat le plus intense depuis 2018, et constitue une tentative des Houthis et de leurs partisans pour sortir de la longue impasse et reprendre leur élan vers leur objectif de conquête du pays tout entier.

Les défenses pro-gouvernementales de Sirwah, à l'ouest de la ville de Marib, se sont effondrées ces derniers jours. En conséquence, la ligne de front est maintenant située à environ 20 km. (12 miles) de Marib City, selon Reuters. Des centaines de combattants des deux côtés ont été tués. Cependant, à l'heure actuelle, les lignes tiennent bon et le gouvernement maintient sa supériorité aérienne, ce qui pourrait s'avérer crucial pour empêcher la prise de la ville par les Houthis dans la période à venir.

Marib abrite entre un million et 1,5 million de réfugiés. Plus de 1 500 familles ont été déplacées depuis le début des combats, le 6 février dernier. Environ 116 000 personnes ont quitté leur foyer au Yémen au cours de l'année dernière, selon l'Organisation internationale pour les migrations des Nations unies.

L'offensive Houthi a commencé le 6 février. Le timing est crucial pour comprendre la dynamique. Le 4 février, le président américain Joe Biden a annoncé le retrait du soutien américain à l'effort de guerre saoudien.

"Cette guerre doit prendre fin", a déclaré le président. "Pour souligner notre engagement, nous mettons fin à tout soutien américain aux opérations offensives dans la guerre contre le Yémen, y compris les ventes d'armes pertinentes"

Deux jours plus tard, l'administration américaine a révoqué sans condition la désignation des Houthis comme terroristes étrangers. L'offensive houthi contre Marib a commencé le même jour. Les Houthis ont également commencé une série d'attaques de drones sur l'Arabie Saoudite.

Le désir de mettre fin à la guerre au Yémen est compréhensible. La crise humanitaire est aiguë et nécessite une attention urgente. Quelque 250 000 personnes ont perdu la vie en une demi-décennie de guerre.

Malheureusement, les États-Unis n'ont d'influence que sur une seule des parties. Le résultat net de la suppression du soutien à la partie dirigée par les Saoudiens n'a donc pas conduit, comme on pouvait s'y attendre, à un mouvement visant à mettre fin aux hostilités. Il a plutôt entraîné une agression accrue de la part de la partie pro-iranienne, qui se perçoit désormais comme faisant face à un adversaire isolé et en perte de vitesse plutôt qu'à un adversaire bénéficiant du soutien d'une grande puissance.

La séquence des événements qui ont conduit à la poussée houthi vers Marib est révélatrice d'un changement de perception radical à Washington, DC, qui produit des résultats rapides au Moyen-Orient. L'élément de l'administration précédente qui s'occupait du Moyen-Orient partageait la perception fondamentale de la région qu'avaient les principaux alliés des États-Unis, notamment Israël, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Selon cette conception, une lutte pour le pouvoir au Moyen-Orient est en cours entre les camps rivaux.

Cette compétition se fait en partie par procuration. Il s'agit d'une bataille pour l'espace stratégique, le contrôle des ressources et des lieux géostratégiques clés. Le camp dont font partie l'Arabie Saoudite et Israël est un camp qui s'est engagé à s'allier avec l'Occident et à préserver l'architecture stratégique en place dans la région depuis la fin de la guerre froide. Il est principalement opposé par l'Iran et ses alliés et mandataires. On peut dire que la Turquie et ses alliés constituent un axe de pouvoir supplémentaire contre le statu quo.

A la lecture de cette carte, le soutien à la cause saoudienne au Yémen est évident et axiomatique. Le pays est d'une importance stratégique. Une alliance pro-occidentale combat une alliance pro-iranienne. Il faut empêcher l'Iran d'atteindre Bab el-Mandeb. Aucune autre discussion n'est nécessaire.

Le revirement de l'administration Biden de cette position directe à l'égard du Yémen est la dernière preuve qu'elle lit sur une carte très différente. Avec la tentative de l'administration de mettre sur la touche le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, cela suggère qu'une dynamique antérieure a été rétablie. Cette dynamique, connue depuis la période Obama, est celle où les alliés sont freinés et où des concessions unilatérales sont faites à Téhéran, dans l'espoir que cela produise un changement de comportement plus en aval.

Vu sous cet angle, les alliés locaux qui souhaitent adopter une position ferme contre l'agression iranienne commencent rapidement à passer pour une nuisance, un obstacle plus important au progrès que le supposé adversaire.

L'Arabie saoudite semble avoir déjà acquis cette distinction à l'égard de la nouvelle administration. La défense désespérée de Marib actuellement en cours en est la conséquence directe. En ce qui concerne l'intention plus large de l'administration qui se cache derrière tout cela, l'offensive au Yémen, combinée à la vague d'attaques à la roquette contre des cibles américaines en Irak par des milices liées à l'Iran, laisse penser qu'à partir de maintenant, elle semble produire une agression iranienne accrue plutôt que son contraire prévu.

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Events in Yemen are an indicator of broader regional dynamics

The desire for an end to war in Yemen is understandable. Unfortunately, however, the US has leverage over only one of the sides.

By JONATHAN SPYER   

FEBRUARY 25,

 Largely ignored by the global media, the fighting in Yemen between the Saudi-supported government of President Abd-Rabbu Mansour Hadi and the Iran-supported Ansar Allah (Houthi) movement, is currently at its most intense since 2018. The Houthis (named after the clan that established and leads the movement) are besieging the city of Marib, located in a gas-rich region of the country. The offensive matters because of the impact it is having on the lives of the people of Yemen, including more than a million displaced persons who live in Marib. But it is also important because of what it indicates regarding broader changes under way in the strategic balance and direction of the Middle East.

The Marib region contains an oil refinery and supplies gas to all of Yemen. It is the last area in Yemen’s North still controlled by the Hadi government. Its loss would thus represent a major strategic blow to the government’s cause. The Houthis, who launched the current phase of their insurgency against the government in 2014, control the Yemeni capital, Sana’a.

The Houthi insurgency followed the toppling of the Western-backed, long-standing regime of president Ali Abdullah Saleh in 2012. Saleh, abandoned by his former Western backers, allied with the Iran-supported Houthis against the new government, and together they took the capital. The Houthis then turned on Saleh and killed him in December 2017. Evidence has since emerged to suggest that this killing was carried out under the direct orders of then IRGC/Quds Force commander Qassem Soleimani.

A Saudi-led and United Arab Emirates-backed intervention to prevent the conquest of the entire country by the Houthis commenced in 2015. Yemen is of strategic importance because at its southern tip, the Bab el-Mandeb (Gate of Tears) Strait controls access between the Gulf of Aden and the Red Sea.

This is a choke point for vessels making their way from the Persian Gulf toward the Suez Canal. A massive volume of natural gas, oil and petroleum-based products on the way to the canal and to European and US markets makes its way through the strait every day. In all, around 9% of all seaborne-traded crude oil and refined petroleum products pass through the strait.

Control of access to this gateway by an Iranian client would represent an enormous strategic gain by Tehran. It would give the Iranians the ability to disrupt or shut down a significant volume of oil traffic to the West at a stroke. The Saudi- and Emirates-supported intervention succeeded in preventing the Houthis from capturing the southern tip of Yemen, and thus acquiring control of the strait. They proved unable, however, to defeat Ansar Allah in its entirety.

In a pattern that has become wearingly familiar in the Middle East over the last decade, the country then became divided into de facto areas of control, and subject to a massive humanitarian crisis. The current offensive on Marib is the most intense episode of fighting since 2018, and is an attempt by the Houthis and their backers to break the long stalemate and regain momentum toward their objective of conquering the entire country.

Pro-government defenses at Sirwah, to the west of Marib City, have collapsed in recent days. As a result, the frontline is now located roughly 20 km. (12 miles) from Marib City, according to Reuters. Hundreds of fighters on both sides have been killed. At present, however, the lines are holding, and the government maintains air superiority, which may prove crucial in preventing the taking of the city by the Houthis in the period ahead.

Marib is home to between one million and 1.5 million refugees. More than 1,500 families have been displaced since the current round of fighting began on February 6. Around 116,000 people left their homes in Yemen in the course of the last year, according to the UN’s International Organization for Migration.

THE HOUTHI offensive commenced on February 6. The timing is crucial to understanding the dynamic. On February 4, US President Joe Biden announced the withdrawal of US support for the Saudi war effort. 

“This war has to end,” the president said. “To underscore our commitment, we are ending all American support for offensive operations in the war on Yemen, including relevant arms sales.”

Two days later, the US administration unconditionally revoked the designation of the Houthis as a foreign terrorist designation. The Houthi offensive toward Marib began on the same day. The Houthis also commenced a series of drone attacks on Saudi Arabia.

The desire for an end to war in Yemen is understandable. The humanitarian crisis is acute and urgently in need of attention. Some 250,000 people have lost their lives in a half decade of war.

Unfortunately, however, the US has leverage over only one of the sides. The net result of the removal of support for the Saudi-led side has thus predictably not led to a move toward ending hostilities. Rather, it has resulted in increased aggression by the pro-Iranian side, which now perceives itself as facing an isolated and crumbling opponent rather than an adversary enjoying the backing of a major power.

The sequence of events leading to the Houthi push toward Marib is indicative of a sharp change of perception in Washington, DC, which is producing rapid results in the Middle East. The element of the previous administration that dealt with the Middle East shared the core perception of the region held by key US allies, including Israel, Saudi Arabia and the UAE. According to this conception, a contest for power in the Middle East is under way between rival camps. 

This contest is fought partly through proxies. It is a battle for strategic space, and the control of resources and key geo-strategic locations. The camp of which Saudi Arabia and Israel are members is one committed to alliance with the West, and to preserving the strategic architecture in place in the region since the end of the Cold War. It is opposed principally by Iran and its allies and proxies. Arguably, Turkey and its allies constitute an additional anti-status quo power axis.

Reading from this map, support for the Saudi cause in Yemen was obvious and axiomatic. The country is of strategic importance. A pro-Western alliance is fighting a pro-Iranian one. Iran must be prevented from reaching Bab el-Mandeb. No further discussion required.

The Biden administration’s reversal of this straightforward stance with regard to Yemen is the latest evidence that it is reading from a very different map. Together with the administration’s attempt to sideline Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman, it suggests that an earlier dynamic has been reestablished. This dynamic, familiar from the Obama period, is one in which allies are reined in and unilateral concessions are made to Tehran, in the hope that this will produce a change in behavior further downstream.

Seen from this perspective, local allies who wish to take a firm stance against Iranian aggression rapidly start to look like a nuisance, a greater impediment to progress than the supposed adversary.

Saudi Arabia appears already to have acquired this distinction with regard to the new administration. The desperate defense of Marib currently underway is the direct result. With regard to the broader administration intent that lies behind all this, the offensive in Yemen, combined with the flurry of rocket attacks against US targets in Iraq by Iran-linked militias, would suggest that as of now, it appears to be producing increased Iranian aggression rather than its intended opposite.