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L’Islamisme en Guerre contre l’Occident

Par Albert Soued, écrivain http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com

03/09/2021

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L’Islam est en guerre contre « les infidèles » depuis sa naissance, il y a 14 siècles, et l’Islamisme est en guerre contre l’Occident depuis la chute de l’empire ottoman et la disparition du califat d’Istamboul, il y a un siècle. L’Islamisme est le nom donné par les occidentaux à l’ensemble des groupes et organisations islamo-terroristes opérant à travers la planète. Le but commun de l’islam et de l’islamisme est de réunir toute la terre sous la seule loi de la « sharia’h » ou « voie de Allah ».

Le jihad de l’islamisme prend différentes formes, selon le lieu et le moment. Nous nous plaçons  ici dans un espace central de l’Asie comprenant l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan, que certains appellent le « Khorasan » ; et nous sommes le 11/09/01, après un évènement important, la destruction des tours jumelles à Manhattan et d’autres édifices aux Etats-Unis. Le maitre d’oeuvre de ce nouveau jihad est un saoudien, du nom de « ben Laden », qui a créé le groupe islamo-terroriste « al Qaeda» et qui opère notamment au Moyen Orient.

Les Etats-Unis et leurs alliés de l’Otan envahissent l’Afghanistan le 7/10/01 avec comme but la capture de Ben Laden qui s’y était réfugié, la destruction de l'organisation al-Qaeda qui possédait des bases dans le pays, avec la bénédiction des talibans, et le renversement de ces derniers.

Afghanistan 2001-2008

Écrasés par les bombardements, les talibans se replient dans les provinces du sud, tandis que les «brigades internationales» d'Al-Qaeda se concentrent dans le nord du pays. Le 13 novembre 2001, les troupes de l'Alliance du Nord, alliées aux Occidentaux, entrent dans Kaboul. Un groupe de factions opposées aux talibans forme un gouvernement provisoire dirigé par Hamid Karzai et protégé par des forces de l’Otan.

 A l'automne 2002 la mission semble accomplie : les talibans sont traqués dans leur réduit montagnard et Al-Qaeda s'est replié dans les zones tribales du Pakistan, sous la protection des services secrets pakistanais « ISI », jouant sur les deux tableaux, les Etats-Unis et les terroristes.

Pour des raisons stratégiques erronées, c’est alors que le président G Bush avec le général Colin Powell, se lancent dans une 2ème guerre en Irak en 2003, contre Saddam Hussein, sous prétexte qu’il détient des armes chimiques.  Cette initiative va freiner l’action en Afghanistan.

Entre 2003 et 2008, les forces armées talibanes retrouvent leur vigueur, face aux forces afghanes de Hamid Karzai, devenu président en 2004, et faiblement aidé par les Américains.

Général David Petraeus   2008-2011

Spécialiste de la guerre anti-insurrectionnelle, le général David Petraeus (1), le patron américain de la force multinationale en Irak, mène aussi la guerre en Afghanistan, depuis son poste de « Centcom », le commandement des forces américaines au Moyen-Orient.

Il découvre que l'ennemi taliban use et abuse des sanctuaires que leur offrent les zones tribales pakistanaises et alors que le Pakistan est théoriquement un allié des États-Unis, ce qui complique la situation. Il découvre aussi que la suprématie aérienne est contre-productive, car elle entraîne de nombreuses bavures et l'aliénation de la population rurale.

Il applique alors sa stratégie, surnommée « Anaconda », qui vise à neutraliser l’ennemi, non seulement par des moyens militaires, mais aussi par les voies politiques, économiques et sociales. Et il veut convaincre les villages afghans de lutter eux-mêmes contre l'infiltration et l'intimidation des talibans, afin que l'Otan puisse transférer d'ici 2014 la sécurité du pays aux autorités afghanes. « Il est vital que l'Afghanistan ne redevienne jamais plus un sanctuaire pour les extrémistes…. Et la seule façon d'atteindre cet objectif est d'aider les Afghans à assurer leur sécurité eux-mêmes  ».  

Mais ce qu’il avait réussi en Irak en 2003, il n’a pu le réaliser en Afghanistan.

Rappelons ici qu’en Irak, après avoir montré son ouverture d'esprit et établi des relations courtoises avec les élites sunnites, shiites et kurdes, administratives, policières et tribales du cru, il est parvenu à sauver la 3ème ville d'Irak, Mossoul, d’un véritable bain de sang interconfessionnel. Les peshmergas, les combattants kurdes de la cité, l’apprécient et le baptisent le "roi David". Il était parvenu à ressusciter l'économie locale, à restaurer les services publics, à maintenir un minimum d'ordre dans les rues. Dans tous les postes militaires avancés de son secteur, une affiche interpellait les soldats et les officiers : «Qu'avez-vous fait aujourd'hui pour gagner les cœurs et les esprits de la population

Il suscite ensuite l'émergence de milices sunnites qu'il finance et arme. Ces milices acceptent de prendre en charge le combat contre al-Qaeda. En parallèle, il renforce l'armée irakienne, afin qu'elle soit utilisée dans les opérations de pacification du grand Bagdad, de préférence à la police, corrompue et manipulée par les éléments shiites les plus extrémistes.

Ben Laden est éliminé dans son refuge au Pakistan en 2011. Mais la diversion de l’attention des forces américaines vers l’Irak ne leur pas permis d’obtenir en Afghanistan les succès relatifs obtenus en Irak. Le « double jeu » d’une partie des forces afghanes et du Pakistan a permis aux talibans d’avoir un havre, des refuges et de se renforcer.

Echecs des Etats-Unis

En épargnant le Pakistan, sous prétexte qu’il détient des bombes nucléaires, les Etats-Unis ont permis à ses services secrets ou « ISI », pro-islamistes, d’aider les talibans et al-Qaeda à se reconstituer, après qu’ils aient été décimés lors de l’offensive initiale.

Par ailleurs, l’armée de 300 000 hommes du gouvernement afghan n’était en réalité qu’un fantôme de quelques milliers de recrues ; car plus il y en avait sur le papier, plus les dirigeants recevaient des subsides. Du côté américain, les promotions dépendant du nombre d’engagements, on annonçait alors des actions fictives, mais rien n’était accompli sur le terrain.

Graham Platner, soldat américain, puis entrepreneur en sécurité révèle les niveaux troublants de corruption, de gaspillage et de mensonges qui ont sous-tendu le rôle des États-Unis en Afghanistan. Il parle de l’armée et de la police afghane: « Nous faisions semblant de les préparer à se débrouiller seuls. Mais comme ils étaient tout à fait incapables de le faire par eux-mêmes, nous allions en patrouille de combat et traînions avec nous quelques policiers afghans pour faire croire qu'ils effectuaient une mission… Ils ne voulaient rien faire, sauf voler les gens …Tout le monde savait que s'ils n'avaient pas d'essence, de munitions ou d'argent, c'était parce que leurs dirigeants les volaient »

Le gouvernement américain n’a pas suivi les conseils du général Petraeus qui avait eu raison de la terreur en Irak, avec l’aide des chefs de tribu et de la minorité kurde. Il y a plus d’une centaine de tribus en Afghanistan et nombre de minorités ethniques formant plus de la moitié de la population. S’ils avaient joué sur ces deux tableaux depuis le début, comme le préconisait David Petraeus, les Américains auraient maîtrisé la situation en moins de 20 ans.

Accord de Doha

Arrivé au pouvoir en 2017, Donald Trump ne voit pas d’issue victorieuse en Afghanistan, du fait de la difficulté d’appliquer le plan « Anaconda », faute de moyens financiers et du fait du jeu trouble d’une partie de l’élite afghane. Les progrès obtenus sont fragiles et réversibles.

Avec l’aide du Qatar, il négocie une sortie honorable d’une guerre devenue un guêpier. Les dispositions de l'accord de 29/02/20 incluent le retrait de toutes les troupes américaines et de l'Otan d'Afghanistan, un engagement des talibans à empêcher al-Qaeda d'opérer dans les zones sous contrôle taliban et l’amorce de pourparlers entre les talibans et le gouvernement afghan.

Cet accord devait lancer une négociation de paix inter-afghane garantissant l’arrêt permanent des combats. C’est l’un des rares cas où une grande puissance conclut un tel accord avec une partie qui n’est pas un Etat, mais un simple mouvement insurgé. Les Etats-Unis entendent ainsi mettre fin au plus long conflit de leur histoire.

Donald Trump quitte la Maison Blanche en janvier 2021 au profit du démocrate Joe Biden, ex-VP d’Obama. Que s’est-il passé pendant l’année du virus Covid-19 ?

Malgré l'accord de paix, les attaques contre les forces de sécurité afghanes ont augmenté dans les jours suivant la signature. Les talibans ont mené plus de 4 500 attaques en Afghanistan et plus de 900 membres des forces de sécurité afghanes ont été tués. Il n’y a pas eu de pourparlers, le Covid et le départ de Trump dissuadant les uns et les autres de progresser vers la paix. S’il était resté au pouvoir, Donald Trump aurait pris des mesures conservatoires draconiennes pour sauver les troupes alliées, l’équipement et les armes, et les afghans qui ont collaboré et aidé la coalition.

Conseillers et débâcle

Les conseillers de Joe Biden pour le Moyen Orient sont pour la plupart ceux de Barack Hussein Obama, affiliés ou liés aux Frères musulmans ou à l’Iran. On comprend mieux alors les décisions prises par le président américain qui s’est hâté d’évacuer les forces privées occidentales, sans lesquelles l’armée afghane et son aviation ne pouvaient plus fonctionner.

Les États-Unis ont abandonné leur base aérienne de Bagram, qui aurait pu offrir beaucoup plus de capacités et de sécurité pour une évacuation massive que l'aéroport de Kaboul, mais que les Américains ont, de manière incompréhensible, quittée dans la nuit du 1er juillet sans même en informer leurs alliés afghans - démoralisant et paniquant ainsi l'armée afghane.

Cette rapidité d’évacuation est à ajouter aux 85 milliards $ d’équipement sensible, de munitions, de matériel et de milliers d’hélicoptères et d’engins laissés intacts aux talibans. Sans parler des dizaines d’afghans qui ont coopéré avec les Américains et l’Otan pendant vingt ans, et qui ont été abandonnés à leur sort.

En quelques jours, les talibans sont parvenus à Kaboul, le président afghan Ashraf Ghani étant parti vers les Emirats avec 163 millions $ !  On pouvait lire partout dans les réseaux sociaux "L'Afghanistan est conquis et l'islam a gagné".  Pour la première fois, les medias américains de tout bord politique ont estimé que le président Joe Biden avait fomenté un désastre stratégique pour les États-Unis et leurs alliés, avec sa gestion incompétente du retrait américain de l'Afghanistan.

Selon Amir Taheri, ex-rédacteur en chef exécutif du quotidien Kayhan en Iran de 1972 à 1979, « les talibans ont utilisé un mélange de pots-de-vin, de Samsonites remplies de billets verts, de promesses de sécurité et d'appels aux affinités tribales pachtounes pour persuader les chefs de l'armée et de la police de rengainer leurs épées ».

Selon lui aussi, nombre d’Afghans ne voyaient aucune raison de se battre et peut-être de mourir pour le régime de Ghani, pourtant bien meilleur que tout ce que les talibans pouvaient avoir à offrir. En fait, la corruption, l'incompétence, le tribalisme et la lâcheté de certaines élites afghanes ont effacé toute volonté de résistance.

Conséquences

Les talibans sont des islamo-nationalistes dont le combat est voué à la construction d’un état musulman en Afghanistan. Comme plus de la moitié de la population afghane, les talibans sont essentiellement des Pachtounes, qui ne cherchent pas à diffuser l’islam par la terreur, à la différence de « l’Etat islamique au Khorasan » (EI-K).

L’EI-K est beaucoup moins bien implanté en Afghanistan, où son arrivée est récente. Il est une émanation d’un groupe créé en Irak qui projette des attentats à l’étranger et possède des ramifications dans plusieurs régions du monde, notamment en Afrique et en Asie. L’EI-K est beaucoup plus radical que les talibans, qu’il qualifie d’apostats, notamment parce qu’ils négocient avec les Etats-Unis. Il est constitué d’Afghans, de Pakistanais, d’Ouzbeks ou encore de Tadjiks.

L’EI-K a ciblé les musulmans qu’il considère comme hérétiques, en particulier les shiites de la minorité hazara. Dans les provinces où il s’est implanté, sa présence a laissé des traces profondes. Ses hommes ont tué par balle, décapité, torturé et terrorisé des villageois et laissé des mines un peu partout.

A l’ombre d’un régime Taliban surgi des cendres du précédent, alors qu’al Qaeda n’est plus, l’EI-K a commencé à faucher des vies dans ce qui était censé être la zone encore la plus protégée, notamment à l’aéroport de Kaboul.

L’avenir est plein d’incertitudes

En cherchant à se dégager de leurs interventions coûteuses au Moyen Orient, pour s’occuper de la Chine, les Etats-Unis ont justement laissé la place libre à la Chine. Ce pays n’a pas tardé à rencontrer les talibans pour les aider à reconstruire le pays, à développer les mines de lithium, de cuivre et les terres rares et à consolider la « Route de la Soie ».

Avec Joe Biden, l’Amérique apparaît comme une puissance faible sur laquelle on ne peut plus compter. Et c’est la voie ouverte à de plus grands désordres et à un terrorisme islamique encore plus envahissant sur le plan mondial. L’Afghanistan risque de devenir le sanctuaire et le havre de la terreur et de la déstabilisation.

La dissuasion américaine étant au plus bas, l’Iran a toutes les chances de devenir la prochaine puissance nucléaire, avec tous les bouleversements qui suivront dans la région.

On peut conclure avec Mike Pregent, chercheur principal à l'Institut Hudson : « L'effondrement rapide de l'Afghanistan a enhardi nos ennemis et nos adversaires géopolitiques dans le monde entier…. La perte de vies, la perte d'influence, la perte de crédibilité et la perte de confiance des alliés des États-Unis ont affaibli la position de l'administration Biden sur tous les fronts de la politique étrangère et de la sécurité nationale… La perte de l'Afghanistan assistée par Biden est si dévastatrice que l'on pourrait penser que cela donnerait à cette administration une pause au moment d'envisager les prochaines mesures qu'elle prendra avec la République islamique d'Iran »

 

Nota  

(1) David Petraeus s'intéresse très tôt aux guerres asymétriques et aux doctrines de contre-insurrection. Son maître à penser stratégique n'est pas Clausewitz, mais un saint-cyrien peu connu en France, le lieutenant-colonel David Galula (1919-1968).

Pour Petraeus, aucune puissance étrangère n'est jamais parvenue à pacifier l'Afghanistan. Les Anglais, pourtant maîtres du sous-continent indien dans sa totalité, s'y sont cassé les dents au 19ème siècle. L'Armée rouge a dû se retirer sans gloire en 1989, après dix ans d'occupation…

 

 

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