www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
Qui Bluffe ? Abbas
ou Netanyahou?
Par
Jackson Diehl, chroniqueur américain
Washington
Post du 13 septembre 2010-
Traduit
par Albert Soued, http://soued.chez.com pour www.nuitdorient.com
Voir
aussi les 50
derniers articles
et toutes les informations de politique
générale au Moyen Orient
Alors qu'il s'acheminent cette semaine vers la 2ème
série de pourparlers directs en vue d'un accord au Moyen Orient, ce qui est
communément admis à propos de Mahmoud Abbas et Binyamin
Netanyahou peut être résumé ainsi: "Abbas est un "modéré"
qui souhaite vraiment un accord sur la base de 2 états, mais qui est trop
faible sur le plan politique local, pour pouvoir finaliser un tel accord.
B Netanyahou est un faucon qui a une bonne assise politique en Israël, mais
qui, au fond de lui en réalité, n'accepte pas un foyer national palestinien".
Alors
comment se fait-il que Netanyahou ait passé la semaine dernière à parler du
"compromis historique avec nos voisins palestiniens", promettant des
"idées nouvelles" pour y parvenir, même si des ministres de son
cabinet proclament à tue-tête qu'il y sont opposés ?
Et pourquoi alors, précisant à qui veut l'entendre qu'il a été entraîné de
force dans les pourparlers, Abbas menace-t-il sans cesse dans ses interviews de
quitter les négociations (si ses conditions n'étaient pas satisfaites) et
écarte-t-il publiquement toutes concessions, que les sondeurs palestiniens
disent acceptables pour la majorité de son peuple ?
Bien sûr,
au Moyen Orient, les choses – comme les annonces publiques – ne sont pas
toujours ce qu'elles semblent. Mais la contradiction entre les jugements
habituels portés sur les 2 dirigeants et ce qu'ils disent réellement constitue
l'aspect le plus étonnant de ce dernier processus de paix.
Ces
pourparlers ont été organisés de manière à obtenir le maximum de négociations
directes, dans des conversations privées. Cependant aujourd'hui personne – ni
les experts habituels, ni l'administration d'Obama,
ni même la plupart des gens en Israël et les gouvernements palestiniens –
personne n'est absolument sûr des intentions réelles des 2 dirigeants.
A
commencer par B Netanyahou. Comme 1er ministre dans les années 90,
le chef du Likoud a plus que fait pour faire échouer le plan Oslo à 2 états et
il n'a jamais dit publiquement qu'il pourrait accepter un état souverain
palestinien, avec comme capitale Jérusalem. Comme l'a observé la semaine
dernière, le journaliste Herb Keinon
du Jerusalem Post, la rhétorique de B Netanyahou a
changé très rapidement, appelant M Abbas "un partenaire pour la paix",
employant la terminologie "Cisjordanie" plutôt que celle,
nationaliste, de Judée-Samarie
Keinon
propose 3 explications possibles pour ce revirement, notamment celles de mettre
sur la sellette M Abbas et "apaiser" B Obama.
Mais il semble plausible que B Netanyahou soit sérieux quand il a dit à son
cabinet qu'il pourrait accepter un état palestinien à 2 conditions: qu'Israël
soit reconnu comme "un état national du peuple juif" et que "des
mesures rigoureuses de sécurité puissent assurer que ce qui s'est passé après
avoir quitté le Liban et Gaza ne se répète pas en Cisjordanie" – les 2
territoires évacués ayant été aussitôt occupés par des milices soutenues par
l'Iran qui, entre autres, ont déployé des milliers de missiles dirigés vers les
villes israéliennes.
A cela,
j'ajouterai une 3ème condition: Netanyahou souhaite l'installation par
étapes d'un état palestinien – même si les clauses finales sont conclues dès le
début -- Au moins au début, des
patrouilles israéliennes contrôleraient la vallée du Jourdain et certaines implantations
qui demeureraient sur place.
Ceci est
jouable ou non. Mais il faut noter qu'après son 1er et long
entretien privé avec Netanyahou à Washington, Abbas a passé le plus clair de
son temps au retour à donner des interviews aux médias arabes où il rejetait
publiquement chacune de ces conditions. Il disait que les Palestiniens ne
reconnaîtraient jamais un état juif et ne laisseraient jamais les forces
israéliennes patrouiller en Cisjordanie. Sur le sujet des pressions pour des
concessions, il a dit au quotidien "al Qods":
"je saisirai ma serviette et m'en irai". Ses partisans
palestiniens se sont empressés d'expliquer: "Abbas dit ce genre de
choses parce qu'il subit de terribles pressions localement, pas seulement le
Hamas, mais la rue palestinienne" –
Vraiment ?
Une étude récente de l'opinion palestinienne réalisée par David Pollock du
"Washington Institute for Near East policy" remarque que 60% des Palestiniens
accepteraient, dans une reconnaissance mutuelle, "Israël comme l'état du
peuple juif" et la Palestine comme l'état du peuple palestinien. 50%
pourraient tolérer une présence israélienne intérimaire à la frontière
jordanienne pour "des raisons de sécurité".
Abbas a
réussi à convaincre l'administration Obama qu'il
était sérieux en vue d'un accord de paix. Il l'est peut-être. Peut-être aussi
que Netanyahou – passé maître dans les relations publiques politiques – a
réussi à créer une image de ses intentions qui ne soit pas réelle. En tout cas,
les 2 hommes devront bientôt décider si leurs déclarations se transforment en
réalité ou non.
On peut
espérer seulement que c'est M Abbas qui bluffe et non pas Netanyahou. (1)
Note de la traduction
(1)
N'ayant rien à dire de factuel, mais obligés de remplir des colonnes, les
journalistes s'ingénient à raconter leurs états d'âmes. Les concessions que
peuvent faire les Israéliens sont connues depuis plus de 20 ans, en tout cas
depuis Oslo. Or à ce jour, on ne sait absolument rien des concessions que
peuvent faire les divers interlocuteurs palestiniens, appuyés ou non par des
états arabes. Nous en sommes là, et on peut se demander où est le bluff ?