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Après le Printemps Arabe, Adieu à la Solution à 2 Etats

 

Par Amir Taheri, journaliste et écrivain

New York Post du 25/07/12

Traduction adaptée par Albert Soued écrivain http://soued.chez.com  pour www.nuitdorient.com  

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Le printemps arabe a fait dégonfler de nombreuses idées reçues en Occident sur la politique au Moyen Orient, y compris celle de la solution à 2 états à propos du conflit arabo-israélien.

Cette formule de 2 états vivant en paix côte à côte dans des frontières reconnues était basée sur 2 fausses prémisses:

- les Palestiniens sont capables de se reconnaître en tant que nation parmi d'autres nations et ils sont désireux de créer un Etat à eux

- Israël pouvait seul par magie présider à la création d'un état de Palestine

 

Le printemps arabe a sérieusement ébranlé la 1ère croyance en propulsant 2 idéologies qui couvaient sous la surface, durant des décennies de despotisme régional. Nées au 19ème siècle, les 2 idéologies résultaient en partie du contact avec les empires européens naissants. Je veux parler du panislamisme, dont le but ultime est la restauration du califat et du "modernisme", c'est-à-dire en fait l'occidentalisation avec un vernis de culture locale, recette adoptée par de nombreuses cultures, comme en Inde ou au Japon.

 

Alors que le résultat dudit "Printemps arabe" prend forme, l'affrontement entre ces 2 idéologies, -- panislamisme et modernisme -- va dominer la politique au Moyen Orient, lors des prochaines décennies. Le mouvement panislamiste n'a jamais été intéressé par la création d'un état "Palestine". Bien au contraire, car, en 1947/8, ce mouvement a tout fait pour l'empêcher. Le grand Moufti Haj Amine al Hussaini, chef des premiers  groupes de guerrilla et Ahmed Shouqeiri, fondateur du Hamas -- acronyme de "mouvement de résistance islamique", sans rapport avec la Palestine – ont maintes fois répété que leur but n'était pas la création d'un état palestinien, mais la libération de tout territoire musulman occupé par les Infidèles !

En d'autres termes, ils ne voulaient pas d'un état Palestine, mais plutôt la destruction de l'état naissant d'Israël.

 

Certains Palestiniens laïcs ont adopté le concept d'état Palestine, pour de simples motivations tactiques, dans l'attente de satisfaire à terme l'objectif stratégique d'effacer l'état d'Israël de la carte du Moyen Orient. La semaine dernière, le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh a bien défini sa position panislamiste lors de la prière, à la veille du jeûne du Ramadan. Il a annoncé qu'il partait au Caire à la tête d'une délégation pour inviter le nouveau président égyptien, le Frère Musulman Mohamed Morsi à relancer et faire revivre "le combat pour le califat": "L'ordre nationaliste arabe a réussi à faire échouer la renaissance du califat islamique. Il a de même réussi à maintenir la nation musulmane au bas de l'échelle des nations, tout en perpétuant l'hégémonie américaine et la poursuite de l'occupation sioniste (1)… Le printemps arabe a ouvert la voie à la restauration du Califat, après la libération de Jérusalem et de la Mosquée d'al Aqsa"

Parallèlement, le Jihad Islamique, autre organisation palestinienne panislamiste, a lancé une campagne contre ce qu'il appelle "la conspiration des 2 Etats". Selon le chef de ce groupe, Ramadan Shalah, Washington ravive le débat sur ce sujet comme une "diversion", au moment où les masses musulmanes cherchent à libérer tous les territoires perdus de l'Islam !

 

Malgré l'enthousiasme montré par Hanyeh et Shalah, dans leur stratégie politique, la renaissance d'un califat demeure un concept encore opaque, car de nombreuses questions restent sans réponse.

Qui sera le prochain calife ? La dynastie ottomane a gardé le califat pendant 4 siècles, califat qui s'est effondré sans laisser d'héritier mâle au dernier calife, Abdel Majid II. De nombreuses revendications sont restées sans suite, celle de l'arrière grand père du roi de Jordanie, Sharif Hussein, de l'Aga Khan, du roi Farouk d'Egypte… Les efforts faits par le Guide Suprême d'Iran Ali Khamenei pour se propulser comme Imam, -- lointain équivalent du calife dans la shia'h – ne sont pas pris au sérieux par l'élite iranienne.

S'il est difficile de trouver un candidat accepté par tous pour le prochain califat, il est encore plus laborieux d'identifier les territoires perdus de l'islam qu'on doit libérer. Certes la propagande arabe tourne toujours autour de ce minuscule territoire "occupé" par les Juifs – en fait le ¼ de la Palestine historique – auquel on ajoute le nord de l'Inde et toute la péninsule balkanique. Certains y ajoutent l'Espagne et le Portugal, le sud de la France aussi et le sud de l'Italie jusqu'à Rome ! D'autres voudraient libérer aussi la Russie qui était sous la domination des Tatars pendant 2 siècles. Enfin de nombreux autres territoires sont mentionnés comme devant être libérés: Thaïlande méridionale, nord-ouest de la Birmanie, le Turkestan oriental en Chine (Xinjiang), des îles aux Philippines…, et, en Afrique une grande partie du Kenya, l'Ethiopie, l'Ouganda, la Tanzanie et le Mozambique…

Bref, les panislamistes ont de quoi se nourrir et ils n'ont vraiment pas de temps à perdre avec le mirage d'un état Palestine, encore une duperie putative.

 

Note de la Traduction

(1) Première rectification utile: l'Occident a adopté la notion d'un territoire "occupé" par Israël au sein de la Palestine du mandat britannique, celui de la Judée-Samarie. En réalité, Israël n'occupe qu'une portion minime de cette contrée, appelée "zone C" où il a tous les pouvoirs, et dans laquelle ne résident que 50 000 bédouins…! Il n'y a pas de quoi fouetter un chat… (voir Israël et la Palestine)

2ème rectification: quand les Arabes parlent de "territoire occupé", ils visent toute la Palestine du mandat britannique, y compris le territoire israélien.

L'Occident et les Arabes ne parlent pas du même "territoire occupé" par Israël et l'Occident devrait rectifier le tir, tout en surveillant ses "arrières" cours.

 

 

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