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Employer la Tactique de la Guerre Froide pour s'Attaquer à l'Iran

 

Par Daniel Pipes
The Washington Times- 9 janvier 2013

http://fr.danielpipes.org/12452/tactique-guerre-froide-iran

Version originale anglaise: Using Cold War Tactics to Confront Iran
Adaptation française: Anne-Marie Delcambre de Champvert

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Alors que les Américains cherchent à trouver une alternative au choix difficile et peu réjouissant, consistant soit à accepter que le leadership enragé de l'Iran possède des armes nucléaires ou bien, pour empêcher cela, bombarder ses installations nucléaires, un analyste propose une troisième voie possible à laquelle on peut croire. Fait intéressant, cet homme s'inspire d'une politique qui ne date pas d'hier et qui visait un ennemi différent – il s'agit de moyens utilisés par l'administration Reagan pour manipuler l'Union soviétique -- mais ce modèle, que l'on jugera démodé et peu probable aujourd'hui, offre un modèle utilisable.

Abraham D. Sofaer, un ancien juge de district et conseiller juridique du Département d'Etat, maintenant "senior fellow", directeur à la Hoover Institution, soutient dans Taking On Iran : Strength, Diplomacy and the Iranian Threat ou "Se battre contre l'Iran: la force, la diplomatie et la menace iranienne" (Hoover Institution, 2013) que depuis la chute du shah pendant l'administration Carter, Washington "a répondu à l'agression iranienne par des sanctions inefficaces et des avertissements et des condamnations vaines"

Jamais, depuis 1988, note-t-il, le gouvernement américain ne s'est intéressé à la force militaire iranienne qui protège tout particulièrement l'ordre islamique du pays et le plus souvent fomente des attaques à l'étranger, force diversement appelée les Pasdaran ou Sepah en persan et le Corps des Gardiens de la Révolution iranienne CGRI, ou IRGC en anglais. Cette force d'élite d'environ 125.000 hommes, créée en 1980, joue un rôle démesuré dans la vie politique et économique de l'Iran. Elle possède sa propre armée, sa propre marine et ses propres unités aériennes; elle contrôle les programmes de missiles balistiques, et participe au contrôle du programme nucléaire iranien. Elle utilise les Basijis (une force paramilitaire iranienne fondée par Khomeyni), qui veille à l'application stricte de la morale islamique à la population iranienne. Ses forces militaires sont plus importantes que les forces armées régulières. Sa force Al Qods (Jerusalem Force) d'environ 15.000 agents propage la révolution de Khomeiny à l'étranger, via l'infiltration et l'assassinat. Ceux qui ont un titre universitaire occupent aujourd'hui des postes clés au sein du gouvernement iranien.

L'IRGC a joué un rôle de premier plan dans l'attaque contre des Américains, leurs alliés et leurs intérêts, surtout si l'on inclut ses substituts et sespartenaires classiques, tels que le Hezbollah, le Hamas, le mouvement irakien de Moqtada al-Sadr, et  et même certains talibans et membres d'Al-Qaeda. Les hauts faits de l'IRGC sont le bombardement en 1983 de la caserne des Marines et de l'ambassade américaine au Liban, les bombardements de 1992 et 1994 des cibles juives en Argentine, le bombardement en 1996 des casernes Khobar en Arabie Saoudite, la tentative de 2011 de tuer l'ambassadeur saoudien à Washington, et l'approvisionnement du Hamas avec des missiles pour sa guerre de 2012 avec Israël (et déjà en cours de réapprovisionnement).

Dans l'ensemble, les attaques de l'IRGC ont causé la mort de plus de 1.000 soldats américains , de nombreux membres de plusieurs autres forces armées et des non-combattants. Le gouvernement américain a condamné l'IRGC comme un soutien  du terrorisme et l'a rendu responsable de la prolifération d'armes de destruction massive.

 

Sofaer prône une approche souple à deux volets vis-à-vis de Téhéran: "Faire face à l'agression de l'IRGC en l'attaquant directement et négocier avec l'Iran."

Dans la confrontation, Washington doit exploiter "l'éventail complet des options disponibles pour empêcher des attaques préventives de l'IRGC contre les sites nucléaires". Il soutient que les forces américaines en ont le droit de le faire et devraient le faire, à savoir cibler les usines et les installations de stockage d'armes, les installations de l'IRGC (bases, ports, camions, avions, navires), les livraisons d'armes sur le point d'être exportées, et les unités de l'IRGC. L'objectif de Sofaer n'est pas seulement d'arrêter stopper la violence de l'IRGC, mais aussi de "saper sa crédibilité et son influence", et aider à convaincre l'Iran de négocier sérieusement sur son programme d'armement nucléaire.

Dans la négociation  il propose de discuter avec l'Iran plutôt que d'essayer de chercher à faire pression et à punir. Sofaer cite James Dobbins, ancien envoyé spécial américain en Afghanistan, qui exprime un point de vue semblable: "Il est temps d'appliquer à l'Iran les politiques qui ont gagné la guerre froide, ont libéré les pays du Pacte de Varsovie, et ont réuni l'Europe: la détente et l'endiguement, la communication chaque fois que c'est possible, et la confrontation en cas de besoin. Nous avons parlé à la Russie de Staline. Nous avons parlé à la Chine de Mao. Dans les deux cas, la grande dénonciation publique réciproque a changé leur système, pas le nôtre. Il est temps de parler à l'Iran, sans condition, et totalement"-

Plus largement, avec Chester A.Crocker, un autre ancien diplomate américain, Sofaer voit la diplomatie comme "le moteur qui convertit l'énergie brute et la puissance tangible en résultats politiques significatifs"

En confrontant et en négociant simultanément, Sofaer s'attend à ce que cette façon de faire amènera Téhéran à changer de comportement général (par exemple, en matière de terrorisme) et éventuellement à arrêter le programme nucléaire, tout en gardant disponible l'hypothèse d'une frappe préventive "si tout le reste échoue"

L'ancien secrétaire d'Etat George P. Shultz, dans sa préface à Taking on Iran, qualifie l'idée de Sofaer "une alternative qui aurait dû être mise en place il y a longtemps" - En effet, il est bien trop tard pour répondre aux atrocités de l'IRGC, avec le langage de la force, le seul langage que les dirigeants iraniens comprennent - et laquelle idée a l'avantage supplémentaire d'éviter éventuellement des hostilités plus importantes.