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L’Effacement
des Frontières au Moyen Orient
By Dore Gold
24/05/13
Traduit par Europe
Israel –
http://jcpa-lecape.org/leffacement-des-frontieres-au-proche-orient/
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La désintégration de la Syrie et de l’Irak est une nouvelle étape vers un
profond changement dans notre région. La vraie question se pose de savoir
si les extrémistes de la nébuleuse Al-Qaïda auront la mainmise complète sur
le Moyen Orient et domineront la situation ou si les modérés garderont toujours
un rôle d’influence ?
La majorité des observateurs s’accorde pour dire qu’une partie des frontières
du Moyen-Orient moderne, tracées suite aux Accords Sykes-Picot de 1916, est
à la veille d’une modification fondamentale qui pourrait les voir s’effacer
complètement.
La fin des Accords Sykes-Picot est actuellement sur toutes les lèvres. David
Ignatius du Washington Post avait mis en garde les Russes
en prédisant que la dissolution des frontières actuelles au Moyen-Orient les
touchera principalement. Elliot Abrams, vice-Conseiller
à la Sécurité nationale au sein de l’administration Bush, avait aussi écrit
sur l’effritement de ces accords. Et Antoine Basbous,
orfèvre en la matière et directeur de l’Observatoire des pays arabes à Paris
a prédit dans le Figaro du 12 avril dernier que "le tsunami arabe
et ses répliques ont donné un coup de grâce aux frontières artificielles tracées
dans le cadre des Accords Sykes-Picot"
Pour mieux comprendre l’importance de ce changement, il convient d’analyser
les bases de ces accords qui ont défini les frontières de cinq pays de la
région. Au cours de la Première Guerre mondiale, en octobre 1916, Sir Mark
Sykes, représentant la Grande-Bretagne, et Georges Picot,
représentant la France, sont parvenus à signer un accord secret sur le partage
des territoires asiatiques de l’Empire ottoman en les plaçant dans des sphères
d’influence sous la souveraineté des deux pays.
Ainsi, dès que la Société des Nations a établi les mandats sur les anciens
territoires ottomans, le mandat sur la Syrie et le Liban a été confié à la
France ; celui de l’Irak aux Britanniques. Au fil des années ces régimes mandataires
ont conduit à un renforcement de la minorité alaouite sur la majorité sunnite
en Syrie, et à une domination de la minorité sunnite sur la majorité chiite
en Irak.
Les Accords Sykes-Picot ont également attribué à la Grande-Bretagne un mandat
sur la Palestine, qui était en fait un territoire connu par les résidents
arabes de l’époque comme "Surya al-Janubiyya"
(la Syrie du Sud) ; le nord de la Syrie étant sous mandat français.
A l’heure actuelle, la plupart des observateurs évoquent surtout les frontières
de 600 kms séparant la Syrie de l’Irak. Selon le New York Times la Syrie se
désintègre en trois parties:
- La région loyale à Assad ;
- La région fidèle à l’opposition et aux rebelles ;
- La région kurde ayant des relations avec l’Irak du nord et certains groupes
kurdes en Turquie.
L’effacement du tracé des frontières selon les Accords Sykes-Picot est surtout
notable côté irakien. Les multiples incidents intervenus l’année dernière
font poindre en effet une dissolution éventuelle de l’Irak. En septembre prochain
un nouveau pipeline acheminera directement du pétrole via la Turquie, ce qui
reliera les Kurdes irakiens au marché turc et s’inscrira sans doute comme
une première étape vers l’indépendance du Kurdistan. En effet, les Kurdes
effectuent des affaires commerciales séparées avec des compagnies de pétrole
internationales et contournent le gouvernement central irakien de Bagdad.
Toutefois, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l’administration
américaine a déclaré publiquement que les Etats-Unis s’opposaient à l’exportation
du pétrole de toutes les régions de l’Irak « sans approbation appropriée du
gouvernement fédéral irakien ». Washington s’oppose aussi aux initiatives
économiques kurdes pouvant conduire à la dissolution de l’Irak en trois mini-Etats
: kurde, chiite et sunnite. En réalité, l’Iran dominera les zones chiites
d’Irak mais le flou demeure sur les zones sunnites telles que la province
d’Al-Anbar.
Cette dernière année, des forces djihadistes des
tribus arabes sunnites en Irak se sont jointes aux rebelles dans la lutte
contre le régime d’Assad et offrent un nouvel espoir
aux Arabes sunnites d’Irak.
L’ancien ambassadeur des Etats Unis en Irak, Ryan Crocker,
a écrit récemment dans le Washington Post qu’al-Qaïda
s’est à nouveau installée dans les régions où elle a été vaincue par les forces
américaines et irakiennes. Il n’est pas surprenant que Crocker
définisse la force djihadiste Jabhat
al-Nousra de filiale d’al-Qaïda
en Syrie.
Au mois de mars dernier, lors des exécutions de 11 soldats syriens sur la
place publique de la ville Raqqa au nord du pays, on a aperçu un drapeau d’al-Qaïda d’Irak flotter aux quatre-vents. Un commentateur
irakien avait souligné que depuis 2011 des voix religieuses appelaient aussi
à effacer l’ancienne frontière irako-syrienne et unir ainsi les régions sunnites
des deux côtés.
Avec la désintégration de la Syrie et la balkanisation de l’Irak, il est probable
que les Arabes sunnites aspireront à obtenir des alliances avec leurs voisins.
Cependant, une domination politique de la filiale d’al-Qaïda aboutirait à l’émergence d’un nouvel Afghanistan
au cœur du monde arabe.
Toutefois, si des forces plus modérées émergeaient au sein des sunnites d’Irak,
alors il serait probable qu’ils envisageraient des liens fédéraux avec leur
voisine sunnite située à l’ouest, à savoir la Jordanie qui leur permettra
d’avoir un accès direct à la mer Rouge.
En conclusion, toutes les hypothèses sur l’évolution des systèmes politiques
en Syrie et en Irak aboutiront, tôt ou tard, à une nouvelle carte du Moyen-Orient,
bien différente de celle tracée par la Grande-Bretagne et la France il y a
déjà presque un siècle.