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Changements Stratégiques au Moyen-Orient
Par Youval Steinitz,
Extraits d’une conférence tenue par le ministre des Affaires internationales et
des Affaires stratégiques, devant la presse étrangère et le corps diplomatique
au JCPA-CAPE.
10/7/13
Israël espère reprendre les négociations avec l’Autorité Palestinienne.
Nous nous préparons à la création d’un Etat palestinien indépendant et sommes
prêts à faire des concessions douloureuses si l’on obtient en retour une paix
réelle et durable.
Israël ne présente pas de conditions préalables à la reprise du dialogue, mais
il est clair que toute solution pacifique doit prendre en compte la sécurité de
l’Etat juif.
Une paix véritable nécessite une reconnaissance palestinienne au droit d’Israël
à exister et non pas seulement une reconnaissance de son existence. Cela
signifie la reconnaissance de pouvoir vivre dans notre propre Etat juif, aux
côtés d’un Etat destiné au peuple palestinien. Jusqu’à présent cette
revendication légitime et naturelle était absente du processus.
Concernant la crise syrienne, Israël suit une politique
claire de non-ingérence. Toutefois, nous sommes très préoccupés par l’éventuel
transfert d’armes sophistiquées à des groupes terroristes, en particulier le
Hezbollah. Ces armes, notamment les batteries antiaériennes S-300 de
fabrication russe, peuvent tomber dans des mains iraniennes. Israël est engagé
avec la Russie dans la poursuite des pourparlers, mais il s’oppose farouchement
à la fourniture de ces armes à la Syrie.
Le programme nucléaire iranien présente une urgence
particulière. Bien que les Iraniens n’aient pas encore produit leur première
bombe, leur industrie nucléaire n’a pas été planifiée dans le but de construire
quelques bombes et de les mettre à l’abri. Bien au contraire, leur programme a été conçu pour produire des centaines de
bombes et les monter ensuite sur des missiles balistiques à longue
portée. Il s’agit d’une menace d’une ampleur totalement différente de celle de
la Corée du Nord ou même du Pakistan. C’est une menace existentielle qui
pourrait changer non seulement le cours de l’histoire du Moyen-Orient, mais de
le la planète entière.
Au cours des derniers mois, et depuis l’installation du
troisième gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahou, le président Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry déploient de
sérieux efforts pour relancer les pourparlers de paix entre Israël et
l’Autorité Palestinienne. J’ai moi-même participé aux consultations avec le
président Obama durant sa dernière visite en Israël,
ainsi qu’aux réunions ultérieures tenues avec le secrétaire d’Etat Kerry et le
secrétaire à la Défense, Chuck Hagel.
Je suis profondément impressionné par leur détermination à amener les
Israéliens et les Palestiniens à la table des négociations, sans condition
préalable, et à trouver une solution pacifique au conflit.
La position d’Israël est sans équivoque : nous voulons reprendre les
négociations. Le Premier ministre Netanyahou a fait savoir très clairement
qu’il était lui-même, avec l’ensemble du gouvernement, totalement engagé sur la
formule de deux Etats pour deux peuples. Même s’il existe des opinions
différentes au sein de la coalition ou du gouvernement, chaque membre du
cabinet est engagé à respecter cette solution.
Une paix véritable signifie la fin de toutes les revendications et une
reconnaissance sincère d’Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif. La
Résolution 181 sur le plan de partage, adoptée par les Nations unies le 29
novembre 1947, ne mentionnait pas le nom d’Israël pour la simple raison que
tous ignoraient, y compris Ben Gourion lui-même, que
le nom Israël serait prononcé le 14 mai 1948, jour de la proclamation de notre
Etat. En réalité, la dite Résolution envisageait la création d’un Etat juif.
Six décennies plus tard, les Palestiniens comme d’ailleurs les Iraniens
reconnaissent notre existence. De fait, même ceux qui appellent à nous détruire
doivent reconnaître l’existence de notre Etat, car on ne peut détruire ce qui
n’existe pas.
Pour nous, il s’agit surtout de la reconnaissance et du droit du peuple juif à
vivre dans son propre Etat, de la même manière qu’on pourrait exiger un Etat
palestinien pour le peuple palestinien. Seule une vraie reconnaissance d’Israël
peut conduire à la fin du conflit, à l’acceptation d’un réel partage de cette
terre entre le peuple palestinien et le peuple juif.
Quant à la sécurité, cela doit signifier des mesures réelles et adéquates sur
lesquelles nous pouvons garantir notre défense en dépit de l’instabilité
générale que traverse ces-jours-ci l’ensemble du Moyen-Orient. Personne ne peut
prédire avec certitude quelle sera la situation dans les cinq ou dix prochaines
années. Après le retrait israélien de la bande de Gaza, le Hamas y assure le
contrôle et il est fortement soutenu par l’Iran.
Dans ce contexte, nous devrions exiger la démilitarisation totale du futur Etat
palestinien. Je m’oppose farouchement à l’installation de forces étrangères
dans la vallée du Jourdain ou dans des zones frontalières. Notre principe est
clair : les Palestiniens devraient être capables de contrôler leur quotidien et
nous devrions, nous, assurer le contrôle de notre propre sécurité, à savoir
notre survie.
Nos précédentes expériences avec des forces
étrangères furent amères au Liban et à Gaza ; de tels scénarios ne doivent
jamais se produire en Cisjordanie.
Pour pouvoir remettre les négociations sur des rails, nous travaillons très
étroitement avec le secrétaire d’Etat Kerry et avec l’envoyé du quartet au
Moyen-Orient, Tony Blair. Nous déployons de gros efforts pour faire avancer des
projets qui permettront de développer l’économie palestinienne tout en avançant
sur les plans politique et sécuritaire. Il est clair qu’un progrès dans ce
sens, avec une amélioration du niveau de vie des Palestiniens, créera un
meilleur climat et éventuellement une plus grande adhésion de l’opinion
publique aux pourparlers de paix.
En ce qui concerne la situation syrienne, Israël suit une politique définie de
non-ingérence, mais nous devons être vigilants. Nous sommes bien entendu
préoccupés par le transfert possible d’armes sophistiquées aux organisations
terroristes, en particulier le Hezbollah.
Nous devons également garder à l’esprit que le conflit syrien n’est pas
seulement une guerre civile locale. Il s’agit d’un conflit beaucoup plus vaste
entre l’axe chiite iranien et le monde arabo-musulman sunnite, et cela accroît
les dangers et les risques d’escalade.
Enfin, la menace nucléaire iranienne demeure en priorité et elle doit être
traitée en urgence. Certes, l’impact des sanctions sur l’économie iranienne est
significatif et les Iraniens en payent un lourd tribut. Nous apprécions les
tentatives déployées par les Etats-Unis et les pays européens pour renforcer
ces sanctions. Je n’envie pas le ministre iranien des Finances, car selon notre
estimation, l’Iran a déjà perdu plus de 70 milliards de dollars de revenus.
Pour une économie de la taille de l’Iran avec un PIB annuel de 400 à 500
milliards c’est impressionnant et les pertes sont bien lourdes. Toutefois, les
sanctions sont insuffisantes, car dans l’esprit des ayatollahs la capacité
nucléaire vaut la chandelle : le peuple iranien peut bien accepter des
sacrifices pour atteindre l’objectif de devenir une puissance nucléaire. Pour
la stabilité et la paix de notre région et de toute la planète, nous devons, faire
tout ce qui est dans notre pouvoir pour les convaincre d’abandonner leur
désastreux projet.
Dans les mois à venir, le monde occidental devra trancher sur ce dossier et
prendre une décision ferme afin d’empêcher la nucléarisation de l’Iran, sinon
il sera trop tard. La seule approche diplomatique efficace devrait
s’accompagner d’une menace militaire crédible. Les Iraniens savent qu’ils sont
très vulnérables et ils craignent un raid aérien précis et décisif de l’OTAN ou
des Etats-Unis. Dans ce contexte, ils pourront alors reconsidérer leur attitude
et opter pour un véritable compromis. Mais le temps presse et une telle
démarche devra se faire au pas de course.