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Par le Dr Emmanuel Navon dirige le
département de science politique et de communication à l'université orthodoxe
de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l'Université de Tel - Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya.
Il est également membre du Forum politique Kohelet.
i24News.tv/fr – 15/12/13
Voir note www.nuitdorient.com ci-dessous
Lorsque John Kerry annonça la reprise des négociations entre Israël et l'Autorité palestinienne (AP) en juillet 2013, il précisa que les deux parties avaient neuf mois pour résoudre leur conflit centenaire. Si Kerry avait fait son annonce le 1er juillet au lieu du 18 juillet, la date butoir pour la fin des négociations eût été le 1er avril, et Kerry aurait pu gagner le prix du meilleur poisson d’avril. Bien qu'il reste encore quatre mois avant la date butoir fixée par Kerry, Israël et l'Autorité palestinienne ont déjà commencé à s’incriminer mutuellement pour l'échec des négociations.
Je n’ai pas entendu un seul Palestinien accuser son gouvernement d’être responsable de l'impasse actuelle. En revanche, les hommes politiques, universitaires et journalistes israéliens qui accusent Netanyahou d’être un « trouble-paix » sont légion. Au lieu de perdre leur temps et leur énergie avec ces incriminations, les Israéliens feraient mieux de penser au "jour d'après."
Il y existe trois scénarios possibles pour l'après 18 avril :
1- un désengagement unilatéral
2- une annexion
3- un statu quo permanent.
La logique du désengagement unilatéral est qu’il permet à Israël de s’extirper d'un piège démographique en l'absence d'un accord de paix qui s'avère impossible. Mais les conséquences du désengagement unilatéral de 2005 ont discrédité cette option. Israël subira une pluie de missiles en provenance de Judée-Samarie et aura les mains liées par la menace d’un nouveau Rapport Goldstone (ce qui était précisément le but du Rapport Goldstone). Par ailleurs, parce qu’un retrait unilatéral israélien n’ira pas jusqu’aux lignes d’armistice de 1949 mais se limiterait à environ 80 % de la Cisjordanie, Israël continuera d’être accusé d’ « occupation » (la preuve : Israël est toujours accusé d’ « occuper » la Bande de Gaza bien qu’il s’en soit complètement retiré).
Le modèle annexionniste, quant à lui, ne s'appliquerait qu’à la Judée et à la Samarie. Israël s’étant retiré de la bande de Gaza, ce territoire est en dehors de l'équation. Bien qu'il existe des chiffres contradictoires sur le nombre exact de résidents arabes en Judée et en Samarie, Israël conserverait une majorité juive de deux tiers en annexant la Judée et la Samarie et en accordant la citoyenneté israélienne à tous ses résidents. Du fait de la natalité croissante des Juifs et du déclin de la natalité des Arabes ces vingt dernières années, cette majorité juive de deux tiers resterait probablement stable. Cependant, cela ferait augmenter la minorité arabe d'Israël de 20% à environ 35%, ce que beaucoup d’Israéliens considèrent intolérable.
La troisième option, qui reste la plus probable, est la conservation du statu quo avec certains changements qui scelleront la séparation physique entre Israël et les Palestiniens, tout en empêchant la militarisation de la Judée-Samarie et sans entraver son développement économique. Dans ce scénario, cependant, l'Autorité palestinienne redoublera sa "guerre juridique" (« lawfare ») contre Israël à l'ONU et auprès d'autres organisations internationales.
L'Autorité palestinienne s'est engagée à suspendre la « guerre juridique » pendant les négociations en cours avec Israël, mais en réalité elle poursuit cette stratégie via des pays tiers. En mai 2013, peu de temps avant la reprise des pourparlers entre Israël et l'Autorité palestinienne, les Comores (un micro-Etat voisin de Madagascar) ont déposé une plainte contre Israël à la Cour pénale internationale (CPI) parce que le navire Mavi Marmara intercepté par Israël était enregistré aux Comores. Les avocats turcs représentant les Comores affirment que selon l'article 12 du Statut de la CPI les Comores peuvent poursuivre Israël parce que le Mavi Marmara était techniquement sous la juridiction des Comores.
Il est évident que les Comores agissent pour le compte de l'Autorité palestinienne (et de la Turquie). L'Autorité palestinienne cherche à obtenir de la CPI l'inculpation d’officiers de Tsahal via un pays tiers, alors qu'officiellement elle s’abstient de ce type d’actions pendant les négociations avec Israël. Après que l’Autorité palestinienne ait été « reconnue » comme État observateur non-membre à l'Assemblée générale de l'ONU en novembre 2012, elle annonça son intention d'utiliser ce nouveau statut pour intenter des actions en justice contre Israël devant la CPI. C’est ce qu’elle fera évidemment après avril 2013.
Bien que “la guerre juridique” sera l'un des effets secondaires du scénario du statu quo, il s’agira peut-être d’un moindre mal en comparaison avec les autres scénarios. Un désengagement unilatéral soulagerait Israël de ses angoisses démographiques mais exigera des opérations militaires qui nous attireront condamnations et opprobre internationales. Une annexion ne ferait certes pas d'Israël un Etat binational mais engendrerait une réalité démographique sans doute insoutenable.
D'où le refus des « processeurs de paix » d’envisager une alternative à une paix qu'ils n'ont pas réussi à obtenir à Camp David (en juillet 2000), à Taba (en décembre 2000), et avec Olmert (en 2008), et qu’ils seraient incapables d'obtenir aujourd'hui même si le Parti travailliste remplaçait le parti de Naftali Bennett dans l’actuelle coalition, et même si Netanyahu reprenait à son compte la proposition de paix d'Olmert.
Les « processeurs de paix » se disent être réalistes, mais en réalité ils ne sont pas moins irrationnels que les idéologues qu’ils décrient. Les alternatives au modèle des deux Etats ont certes de sérieux défauts, mais le gros défaut de ce modèle est qu'il ne cesse de marcher en théorie et d’échouer en pratique.
Peut-être que John Kerry devrait prolonger sa date butoir au 25 décembre de l’année prochaine pour donner de l'espoir à ceux qui croient encore au Père Noël.
Note de www.nuitdorient.com
(1) L'annexion par étapes me
semble la solution la plus sage, en commençant par la zone C.
Annexer la zone C, comme le demande Bennett depuis un moment, ne changera rien à la
situation sur le terrain, car cette zone, comprenant toutes les implantations,
soit 350 000 juifs, et 50/80 000 arabes, est déjà administrée par Israël.
Ceci laissera le temps aux
Jordano-palestiniens du Royaume de Jordanie de choisir d'administrer ou non les
zones A et B, préalablement subdivisées en cantons autonomes.
Albert Soued