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Le Moyen-Orient, l'Homme Malade du Monde
Par Daniel Pipes
The Washington Times - 24 janvier 2014
Version originale anglaise: The Sick Middle East
Adaptation française: Johan Bourlard
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générale au Moyen Orient
La chute de Falloujah en Irak,
tombée récemment aux mains d'un groupe lié à Al-Qaïda, rappelle le souvenir
amer des ressources et des vies consacrées entre 2004 et 2007 par les
Américains au contrôle de la ville – autant d'efforts qui n'ont servi à rien.
De la même manière, les centaines de milliards de dollars dépensés pour la
modernisation de l'Afghanistan n'ont pas empêché la libération de 72
prisonniers auteurs d'attaques contre des Américains.
Ces deux exemples illustrent un constat plus général : les maux affectent si
profondément le Moyen-Orient (à l'exception notable d'Israël) que les
puissances étrangères ne peuvent y remédier.
En voici un rapide aperçu :
- L'eau est en train de manquer. Un barrage en construction sur le Nil Bleu en
Éthiopie risque gravement de couper l'Égypte de sa principale source
d'approvisionnement en eau en engloutissant des tonnes d'eau pendant des
années. La Syrie et l'Irak souffrent de crises liées à l'eau en raison de
l'assèchement du Tigre et de l'Euphrate. Au Yémen, la culture du qat, plante
narcotique, y absorbe tellement les ressources en eau déjà limitées que Sanaa
pourrait devenir la première capitale moderne à être abandonnée pour cause de
sécheresse. En Arabie Saoudite, les systèmes mal pensés de culture du blé ont
épuisé les nappes aquifères.
À l'opposé, le barrage mal conçu de Mossoul en Irak menace ruine et risque de
noyer directement un demi-million de personnes et d'en priver plus encore
d'électricité et de nourriture. Gaza est envahie par les eaux usées. De
nombreux pays subissent des coupures d'électricité et particulièrement durant
les chaleurs estivales accablantes qui atteignent régulièrement les 50 degrés.
- La population est également en train de manquer. Après avoir connu une
explosion démographique perturbante, la région voit à présent ses taux de
natalité s'effondrer. L'Iran, par exemple, a subi la plus forte chute de taux
de natalité qu'un pays ait jamais connue, passant de
6,6 naissances par femme en 1977 à 1,6 en 2012. Cela a créé ce qu'un analyste
appelle une « panique apocalyptique » qui nourrit l'hostilité de Téhéran.
- Le dénuement des écoles, la répression exercée par les gouvernements et
l'archaïsme des mœurs génèrent des taux de croissance économique ridicules. La
famine menace l'Égypte, la Syrie, le Yémen et l'Afghanistan.
- Les énormes réserves de pétrole et de gaz ont dénaturé presque tous les
aspects de la vie. Les minuscules monarchies de type médiéval comme le Qatar
deviennent des puissances mondiales surréalistes qui jouent à la guerre en
Libye et en Syrie, sans tenir compte des vies qu'elles brisent, alors qu'une
foule de travailleurs étrangers opprimés et exclus travaille dur et qu'une
princesse consacre à l'acquisition d'œuvres d'art un budget inégalé dans
l'histoire de l'humanité. Les privilégiés, protégés par leurs réseaux et leur
argent, peuvent assouvir leurs envies cruelles. Le tourisme sexuel dans les
pays pauvres comme l'Inde se développe.
Al-Mayassa bint Hamad bin Khalifa Al-Thani (née en
1983), sœur de l'émir du Qatar et présidente de l'Autorité des Musées du Qatar,
consacrerait annuellement environ un milliard de dollars pour ses dépenses en
œuvres d'art.
- Les tentatives pour instaurer la démocratie et la participation politique
tournent à l'échec comme en Égypte ou portent au pouvoir des fanatiques qui
dissimulent adroitement leurs objectifs, comme en Turquie. Les tentatives pour
renverser des tyrans cupides amènent soit des tyrans idéologiques pires encore
(comme en Iran en 1979) soit l'anarchie (comme en Libye ou au Yémen). En
général on soutient les deux camps pour perdre et l'État de droit demeure un
mirage.
- L'islamisme, qui est actuellement l'idéologie politique la plus dynamique et
la plus menaçante, est illustré par une déclaration morbide adressée par le
Hamas aux Israéliens : "Nous aimons la mort plus que vous n'aimez la
vie" - La polygynie, la burqa, les
mutilations génitales et les crimes d'honneur font des femmes au Moyen-Orient
les plus opprimées au monde.
- La vie au Moyen-Orient est marquée par des préjugés tenaces – souvent
officiels – fondés sur la religion, la confession, l'ethnie, la tribu, la
couleur de peau, la nationalité, le genre, l'orientation sexuelle, l'âge, la
citoyenneté, le travail et le handicap. L'esclavage demeure un fléau.
- La vie politique dans la région est dominée par les théories du complot, le
zèle, le ressentiment et la répression politiques, l'anarchie et l'agressivité.
Les notions modernes relatives à l'individu demeurent marginales dans des
sociétés où les liens familiaux, tribaux et claniques restent dominants.
Alaa Hussein Ali (à gauche) a dirigé la République du
Koweït pendant 6 jours en août 1990 avant que le pays ne soit annexé à l'Irak
par Saddam Hussein (à droite).
Le Moyen-Orient souffre d'un besoin de faire disparaître les pays stables.
Israël est la victime potentielle la plus connue, mais le Koweït a en fait
cessé d'exister il y a six mois alors que le Liban, la Jordanie et le Bahreïn
peuvent être engloutis à tout moment.
Les États du Moyen-Orient dépensent des sommes colossales pour leurs services
de renseignements et leurs armées et créent des forces inutiles chargées de se
surveiller mutuellement. À l'étranger, ils se lancent dans des achats superflus
de tanks, de bateaux et d'avions. Ils consacrent des revenus exorbitants aux
armes chimiques, biologiques et nucléaires et à la livraison de celles-ci. Même
les groupes terroristes comme Al-Qaïda cherchent à acquérir des armes de
destruction massive. Les méthodes terroristes de pointe se développent au
Moyen-Orient.
- L'échec économique et politique produit un grand nombre de réfugiés : depuis
les années 1980, la population de réfugiés la plus importante au monde est
constituée par les Afghans désormais en passe d'être supplantés par les Syriens
qui sèment la pauvreté et le chaos dans les pays où ils sont accueillis. Des
âmes désespérées tentent de quitter la région pour les pays occidentaux en
laissant en chemin de nombreux morts. Celles qui y arrivent importent les
maladies de leur région dans des pays aussi sains que la Suède et l'Australie.
Au XIXe siècle, des diplomates ont surnommé l'Empire ottoman "homme
malade de l'Europe". À présent, c'est le Moyen-Orient dans son
ensemble que je nomme l'homme malade du monde. Il faudra des décennies pour
trouver un remède aux haines, à l'extrémisme, à la violence et au despotisme
qui sévissent dans la région.
En attendant l'avènement de ce processus, le monde extérieur ferait mieux de ne
pas verser son sang ni son argent pour le salut du Moyen-Orient – c'est sans
espoir – mais devrait se protéger lui-même contre les menaces multiples en
provenance de cette région, qui vont du syndrome respiratoire du Moyen-Orient
(MERS) aux harems en passant par le méga-terrorisme ou l'impulsion
électromagnétique.