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Un ou deux Etats, il faut Sortir de l’Impasse

L’important n’est pas la forme de l’Etat, mais le sort des humains qui y vivent.

 

Propos recueillis par Sylvie Arsever auprès de Sari Nusseibeh, directeur de l’Université Al Qods

Le Temps 26/09/11

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Professeur de philosophie, spécialiste notamment d’Avicenne, président de l’Université Al Qods de Jérusalem, Sari Nusseibeh n’est pas précisément un provocateur.

Depuis quelques années, celui qui a participé à la première Intifada et représenté l’OLP à Jérusalem s’est pourtant fait l’avocat d’une proposition pour le moins surprenante: plutôt que de courir après une solution à deux Etats toujours plus éloignée de la réalité sur le terrain, pourquoi ne pas s’engager à très petits pas dans un processus pouvant déboucher sur une forme d’Etat fédéral unique où Juifs et Arabes vivraient ensemble? Il s’en explique.

 

Le Temps: Mahmoud Abbas demande la reconnaissance de l’Etat palestinien à l’ONU et vous, vous dites qu’un tel Etat est impossible

Sari Nusseibeh : Officiellement, tout le monde est pour deux Etats. Mais personne ne fait rien en ce sens et, en pratique, une telle solution devient toujours plus irréaliste. Or l’essentiel n’est pas la forme choisie – un ou deux Etats – mais la situation des humains qui y vivent. Pour moi, les buts essentiels ont toujours été la liberté et l’égalité. S’il faut deux Etats pour y parvenir, pourquoi pas? Mais s’il y a un meilleur moyen d’y parvenir, il mérite d’être étudié.

 

T– Et votre moyen, c’est un Etat où les Palestiniens accepteraient, dans un premier temps du moins, un statut politique inférieur?

SN– Ce que je propose, c’est d’évoluer à partir de la situation actuelle. Concrètement, cela impliquerait pour les Israéliens de conférer progressivement plus de droits aux Palestiniens – celui par exemple, de circuler, de travailler, voire de s’installer librement sur l’ensemble du territoire israélien – à charge de revanche, bien sûr. Politiquement, les Palestiniens resteraient affiliés à l’Autorité palestinienne, dont les responsabilités pourraient être progressivement augmentées, elles aussi. Les questions économiques devraient être décidées en commun: comment partager les sources d’énergie, les eaux, les investissements et les revenus du tourisme, etc. Mais Israël garderait la main sur les affaires étrangères, sur l’armée et sur la sécurité.

 

T– Au risque de faire des Palestiniens des citoyens de seconde zone dans un régime d’apartheid?

SN– C’est actuellement que nous vivons dans un régime d’apartheid. Je propose d’en sortir graduellement, d’apprendre à nous connaître mutuellement, à travailler ensemble et de donner aux Palestiniens les moyens d’un développement économique qui serait bon pour la sécurité des Israéliens.

 

T– Reste la question démographique…

SN– Le fait que les Palestiniens resteraient affiliés à l’AP et ne participeraient donc pas directement à la vie politique israélienne relativise ce problème.

 

T– Jusqu’à quand une telle subordination est-elle tenable?

SN– Il faut voir cela comme un processus, non comme un but. A long terme, on peut imaginer que les méfiances réciproques s’estompent et que l’AP participe toujours plus à la vie politique du nouvel Etat fédéral.

 

T– Et cela vous paraît réaliste?

SN-- Ça l’est dans la mesure où nous sommes dans une impasse absolue dont il faudra bien sortir. On entend dire que la démarche actuelle à l’ONU est la dernière chance d’un Etat palestinien. Si cette chance est la bonne, tant mieux. Si elle nous échappe, il faudra bien trouver quelque chose d’autre car la situation actuelle est intenable. Pour tout le monde.