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MEMRI présente une compilation d’articles du journaliste
saoudien Raid Qusti, chroniqueur du quotidien saoudien Arab News, édité en
arabe. Qusti est l’auteur d’articles défendant les droits de la femme,
d’articles sur la réforme de l’éducation et la modernisation, et se montre
fréquemment critique de l’islam. Lors des attentats d’Al-Qaïda, intervenus
l’année dernière en Arabie Saoudite, Qusti a été interviewé à plusieurs
reprises par la CNN pour décrire et analyser la situation. Voici quelques
extraits d’articles de Qusti, parus entre mai 2003 et janvier 2004. L’ensemble
de ces extraits peut être consulté en anglais sur http://www.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP66504
« De nombreux savants
musulmans ont une structure mentale héritée d’un passé lointain »
Le 19 novembre 2003, Qusti a publié dans Arab News un
article intitulé « Un signe positif de changement », dont voici
quelques extraits:
« L’apparition télévisée du cheikh Ali Khudair, savant
religieux peu enclin aux compromis, qui a appelé au soulèvement contre le
gouvernement et aux attaques contre les non-musulmans, a fait beaucoup parler d’elle.
Tous les grands journaux saoudiens ont raconté comment Khudair est revenu sur
ses croyances antérieures et a annulé ses fatwas. Le fait qu’un des renommés
‘durs’ soit apparu en direct sur la télévision saoudienne, interviewé par le
cheikh Aaid Al-Qarni – autrefois sur la liste noire du gouvernement et
emprisonné pour ses opinions – n’est pas seulement révolutionnaire dans
l’histoire des médias saoudiens ; elle est aussi, pour un grand nombre de
personnes, le signe longtemps attendu de changements idéologiques chez certains
de nos érudits religieux.
Le cheikh a confié à Al-Qarni qu’il avait pleuré en
apprenant la nouvelle des attentats de l’enceinte d’Al-Muhaya. Il a ajouté que
qualifier les militants de ‘moudjahidin’, avant les événements de Riad, avait
été une grave erreur. Il a assuré que les militants s’étaient ‘écartés de la
vérité (…)’ et qu’il ne convenait pas d’appeler au djihad contre les
non-musulmans du Royaume : ‘Seul le souverain a le droit d’initier le
djihad. Ces gens [non-musulmans en Arabie Saoudite] devraient bénéficier de la
protection de l’islam.’
Il a en outre admis que ses fatwas, au nom desquelles de
nombreux jeunes Saoudiens mal informés avaient agi, avaient causé un tort
important : elles ont ‘sali la réputation des musulmans et obscurci les
véritables efforts de propagation religieuse’. Interrogé sur la justification
du meurtre de non-musulmans par le hadith ‘Sortez les polythéistes de la
péninsule arabique’, Al-Khudair a répondu : ‘Ce hadith existe bien mais a
été mal interprété.’
Tout cela m’a fait réfléchir. Si ce cheikh a pu inciter de
jeunes Saoudiens à recourir à la violence, combien d’autres cheikhs ont
corrompu d’autres jeunes esprits ? Ceux en Algérie qui en ont massacré des
milliers – hommes, femmes et enfants – ont des croyances qui, pensent-ils,
justifient leurs actions. Leurs croyances sont soutenues par les fatwas de
savants religieux. Les frères musulmans ‘Al-Ikhwan Al-Muslimin’, qui se sont
levés contre le gouvernement en Egypte, suivaient aussi les directives d’érudits
religieux. Et n’oublions pas les 19 jeunes musulmans qui ont détourné les
quatre avions et tué près de 3000 personnes le 11 septembre. Eux aussi ont été
endoctrinés par l’idéologie religieuse d’Oussama Ben Laden. La déclaration
(d’Al-Khudair) m’a aussi rappelé les propos de Mahathir Mohammed, ancien
Premier ministre de Malaisie, selon qui ces savants sont responsables de la
situation stagnante dans le monde arabe. Je ne peux qu’être d’accord avec lui.
Il est malheureux que plusieurs dignitaires religieux aient
une structure mentale héritée d’un passé lointain. Autrefois, les souverains
musulmans encourageant la traduction d’ouvrages grecs et romains, afin de
profiter des connaissances qu’ils contenaient. Se basant sur ces connaissances,
les musulmans sont devenus des pionniers de l’astrologie, de la médecine, la
géologie, la physique, les mathématiques et la biologie, à une époque où
l’Europe s’efforçait de sortir du Moyen-Age.
Le plus malheureux est que certains oulémas affirment qu’une
telle science est ‘terrestre et s’évanouira’. Pour eux, seule la science
religieuse devrait être encouragée. Tout aussi affligeants sont ces dignitaires
religieux qui, sur la MBC, déclarent qu’il est interdit aux femmes de conduire,
car cela pourrait entraîner de graves péchés. Ils affirment en outre que les
femmes ne devraient pas travailler, à moins de nécessité absolue, et que si
elles travaillent, ce ne peut être que dans un environnement exclusivement
féminin.
Si elles adhéraient à de tels propos, des millions de
musulmanes partout dans le monde cesseraient de participer au développement de
leurs pays, d’être de bonnes citoyennes, et ne rempliraient pas les tâches qui
leur incombent dans le cadre de leurs familles.
Quoi qu’il en soit, le fait qu’Al-Khudair soit revenu sur
ses fatwas représente un grand pas en avant, pour le Royaume et tout le monde
islamique.
Les érudits qui émettent des fatwas pour pousser les
musulmans dans une mauvaise voie, les endoctrinent et corrompent leur esprit,
devraient prendre exemple sur lui. » (1)
Le 10 décembre 2003, Qusti a publié dans Arab News un
article intitulé « Sommes-nous prêts à recevoir des touristes
étrangers ? » dont voici quelques extraits :
« Voilà des dizaines d’années que notre pays dépend du
pétrole et des produits pétrochimiques comme seule source de revenu. Maintenant
que le boom pétrolier est révolu, que nous avons un gros déficit budgétaire,
une croissance démographique en plein essor et un revenu par tête d’habitant en
déclin, le pétrole ne peut plus constituer l’unique source de revenu d’une
nation en plein développement.
Nous avons pensé que le tourisme pourrait représenter une
ouverture économique supplémentaire. Quoi ? L’Arabie Saoudite comme
destination touristique ?! Un visiteur intéressé par la région envisagera
de se rendre à Dubaï, Oman ou Bahrayn, mais certainement pas en Arabie
Saoudite. Pour commencer, nous n’émettons pas de visas de touristes. Les seuls
visas que nous avons sont des visas d’affaires ou de travail. Les journalistes
eux-mêmes doivent parfois patienter des mois avant de finalement recevoir un
visa par l’une de nos ambassades à l’étranger.
Et même s’il existait des visas de touristes, un visiteur
aurait du mal à s’adapter à nos manières strictes. Les premiers signes d’une
société conservatrice, pour ne pas dire rigide, accueilleraient les visiteurs à
leur arrivée. Une tête coupée de Ronald Macdonald à Al-Faisaliah (à Riad)
montre bien que l’occidentalisation – même sous la forme d’une chaîne
alimentaire – n’est pas désirée ici.
Puis vient l’atmosphère tranquille et ennuyeuse – la musique
n’étant pas autorisée – des cafés de la ville. Dans les coins réservés aux
familles, des rideaux obligatoires entourent toutes les tables, donnant aux
personnes ainsi cachées le sentiment de se trouver dans une cellule. Le fait de
dîner dehors et de voir d’autres personnes passer une bonne soirée à table dans
un lieu public n’existe pas dans cette partie du monde. En effet, les autres ne
veulent pas que vous les regardiez, pas plus qu’ils ne souhaitent vous voir. Et
quand approche l’heure de la prière, que vous soyez ou non musulman, vous et
votre famille êtes mis à la porte – poliment bien sûr – dix minutes avant
l’heure de la prière, même si vous vous trouvez au beau milieu de votre
repas.
D’autres signes dérangeants reflétant notre intolérance et
notre rigidité apparaissent dans nos rues et nos centres commerciaux, comme ces
êtres sans visage sur les pancartes. Les visages des hommes sur les publicités
sont recouverts de peinture, de scotch ou de plâtre. Les pancartes qui
affichent des femmes ont droit au même traitement. Même les visages d’enfants
sont effacés, et n’oublions pas les produits féminins vendus en pharmacie. A
cela s’ajoutent la ségrégation sexuelle et le sentiment quasi-phobique qui
prévaut quand hommes et femmes se retrouvent ensemble. Combien de fois un vol
aérien saoudien a-t-il été repoussé parce que les hôtesses et les stewards
étaient occupés à réarranger les sièges, vu qu’un homme et une femme – pour des
raisons culturelles – estiment ne pas pouvoir s’assoire côte à côte ?
Je me demande comment le ministre des Transports et la Haute
commission pour le développement de Riad envisagent la construction de notre
premier métro. Certains trains seront-ils mixtes ou seront-ils tous séparés
(…), avec les femmes l’arrière, derrière une barrière ?
Quant à faire de nouvelles rencontres – d’hommes et de
femmes n’appartenant pas à sa propre famille - et à les inviter dehors à dîner,
vous pouvez le faire à vos risques et périls. Les familles prévoyant une sortie
seront choquées de constater qu’il y a des jours pour hommes et des jours pour
femmes. En d’autres termes, les familles se retrouveront divisées, les fils
sortant avec leurs pères un jour, et les filles avec leurs mères le jour
suivant. La vérité est que quoi que nous fassions, nous ne sommes pas prêts à
recevoir des touristes étrangers. » (2)
(1) Arab News (Arabie Saoudite), le 19 novembre 2003
(2) Arab News (Arabie Saoudite), le 10 décembre 2003