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MERCI L'AMÉRIQUE

 

 

Par Kanan Makiya, ancien exilé irakien, militant antibaathiste engagé, architecte, écrivain et cinéaste, professeur à l'université Brandeis,

Article paru dans le NewYork Post du 15 avril 2003.

Traduit par Albert Soued www.chez.com/soued

 

Le baathisme est mort en Irak la semaine dernière. Le spectacle de l'énorme tête en bronze de Saddam Hussein, roulant dans la poussière, piétinée par des Irakiens exubérants, est peut-être l'image politique la plus importante de l'Irak des 50 dernières années. C'était la fin de la république de la terreur. Les deux Irakiens avec qui je me trouvais à Washington DC me réveillèrent à 5 h du matin, afin que nous puissions voir ces image de l'Irak libre. Nos larmes coulèrent, incontrôlables.

 

L'accueil triomphal des troupes de la coalition que nous pensions voir à Basra eut lieu plutôt à Bagdad, deux semaines plus tard. On peut l'expliquer par le fait qu'à l'opposé de Basra, Bagdad ne s'était pas insurgée contre le dictateur en 1991 et son enthousiasme n'était pas refroidi par des promesses non tenues par les Américains. Il faut rappeler la souffrance des habitants de Basra où au moins 10 000 personnes sont mortes quand le dictateur écrasa leur soulèvement. Des dizaines de milliers disparurent dans les prisons et il ne faut pas donc s'étonner de leur prudence, voire de leur suspicion à l'égard des intentions de la coalition en 2003!

 

La liberté retrouvée a quelque chose de grisant. Pour un Irakien, c'est comme s'il était réveillé par la clarté blanche d'une lumière aveuglante, après un cauchemar qui a duré 30 ans. Quand un jeune homme vole un poste de télévision au Ministère de l'Education

il pense qu'il assène un coup au régime Baathiste défunt. Il n'a pas encore conscience qu'en fait il vole un objet d'un bâtiment qui lui appartient et dont il aura besoin; il croit qu'il appartient toujours à ses tortionnaires. Entre ces deux états d'esprit, on trouve le début d'un pouvoir responsable et proche des gens, "la loi et l'ordre" comme un allié et un ami plutôt qu'un persécuteur ou un bourreau. Dans ce but, les Forces Irakiennes Libres rassemblées par le nouveau Congrès Irakien dans le sud de l'Irak est le noyau autour duquel sera construite la nouvelle force de police. À partir de quelques 700 hommes, cette force a besoin de s'étoffer, avec l'aide de la coalition.

 

Je frissonne à l'idée de voir des Américains et des Britanniques faire la police dans les villes d'Irak. Cette tâche doit être entreprise par les Irakiens eux-mêmes. Faisons les inéluctables erreurs, mais pas longtemps. Nous avons besoin de voir les soldats américains et anglais drapés d'une image de libérateurs, comme le jour où les statues de Saddam Hussein ont été descellées (et non comme des occupants).

Ce jour n'était pas non plus ordinaire pour l'Américain de la rue: son armée venait de triompher après avoir mené une guerre juste, pratiquement seule, malgré l'opposition mercantile de pays cherchant leur propre intérêt plutôt que la destruction d'une tyrannie. Comptez sur nous pour nous souvenir de ceux qui étaient de notre côté.

 

Devant nous, la route est difficile sans aucun doute. Et maintenant le fardeau nous incombe, et il doit être porté par les irakiens de l'intérieur comme de l'extérieur.

 

Ô peuple de la Grande Amérique, nous vous remercions pour le cadeau que vous nous faîtes! Je ne peux pas promettre que nous réussirons à coup sûr, mais je vous promet que nous nous y emploierons.

 

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