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OTAGES DE LA QUESTION
PALESTINIENNE
Par Abdel Rahman
al-Rached, journaliste à "Asharq al-Awsat", Londres
Traduit et paru
dans Courrier International le 12-6-2003
Le règlement du
problème palestinien ouvrira une nouvelle page dans tout le Moyen-Orient.
L’heure pour les Arabes est à la lucidité, affirme le quotidien panarabe de
Londres.
Nous sommes tous dans le
pétrin ! Les Palestiniens ont tellement “arabisé” leur cause que le pouvoir de
décision n’est plus entre leurs mains. Et les Arabes ont tellement
“palestinisé” leur politique qu’elle en est devenue une simple affaire locale
pour laquelle on leur demande des comptes. Tout le monde est embarqué sur le
même bateau et il est sur le point de couler. La seule chance de survie qui
s’offre aux occupants de l’embarcation, c’est leur bouée de sauvetage,
c’est-à-dire la “feuille de route” - le plan de paix israélo-palestinien- où se trouvent inscrits le retrait
israélien, l’arrêt des colonies, un Etat palestinien, la sécurité d’Israël
conditionnée par la coexistence. En fait, si le bateau palestinien s’en sort,
ce sont tous les Arabes qui atteignent la terre ferme, mais s’il coule, tous
périssent avec lui.
Il n’est plus impensable de parvenir à une solution
C’est pourquoi le bateau doit survivre, non seulement pour que les Palestiniens recouvrent leurs droits qui sont indiscutables mais aussi pour que tout le monde arabe, de la Mauritanie au sud, à la Syrie au nord, puisse jouir de la paix. Aidons les Palestiniens dans leurs négociations au lieu de leur lancer nos protestations au visage. Protégeons leurs arrières au lieu de les poignarder dans le dos. Le négociateur palestinien est plus inquiet de ce qui se passe dans sa propre rue que des interlocuteurs auxquels il fait face. Et il a raison de s’inquiéter, car il risque de se retrouver tout seul face aux terribles machines de propagande qui cherchent à le piéger, à le condamner et exigent qu’il verse son sang. L’on doit reconnaître que cela en a terrifié plus d’un, depuis les premiers contacts entre Israéliens et Palestiniens jusqu’à la fin des négociations de Taba (en janvier 2001).
Nous sommes de tout coeur avec les Palestiniens car ils sont victimes d’Israël, victimes des luttes entre Arabes, victimes des surenchères régionales et, aujourd’hui, otages des querelles personnelles de leurs dirigeants. Nous les soutenons car de nombreuses crises dans le monde sont apparues et ont été résolues, alors qu’ils attendent toujours que leurs droits leur soient restitués. Alors que se présente une nouvelle feuille de route, nous ne pouvons que répéter qu’il faut donner aux Palestiniens l’occasion de tenter cette chance. Notre rôle est d’abord de les protéger de nous-mêmes, de notre habitude de définir ce qui est politiquement bon ou mauvais et qui leur a fait rater tant d’occasions qu’ils ne retrouveront peut-être plus. Avec ce nouveau projet politique, le temps est venu de laisser les Palestiniens dire et décider de leur propre chef ce qu’ils veulent. Et que les Américains sachent que la solution de la question palestinienne réglera les autres problèmes du Moyen-Orient et marquera la fin de l’antiaméricanisme dans la région.
Reconnaissons que
le différend israélo-arabe en est arrivé au point où il n’est plus impensable
que l’on puisse parvenir à une solution équitable. Les Israéliens ont renoncé à
une occupation du Liban-Sud, qui s’est avérée un échec. Leurs pertes humaines
face aux Palestiniens dans les cinq dernières années ayant dépassé celles des
cinquante années écoulées, ils se sont rendu compte que le rêve d’assimilation
des Territoires occupés est devenu un cauchemar dont il faut absolument se réveiller.
Pour nous aussi,
les Arabes, nous ne pouvons plus ignorer d’une part qu’il est impossible
d’imposer une solution militaire et, d’autre part, que de parquer trois
millions de (réfugiés) Palestiniens dans des tentes et des taudis en tôle
durant les trente ou cinquante prochaines années est aussi inhumain et cruel
que l’occupation israélienne. Il est temps aussi pour nous d’avouer que la
plupart des slogans que nous lançons à propos de la cause palestinienne sont
mensongers, comme l’étaient les appels à la libération lancés par le régime de
Saddam Hussein, qui s’est effondré en trois semaines.