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Un
intellectuel irakien à Londres : l’ingérence des nationalistes arabes dans
les affaires irakiennes achèvera d’enfoncer le clou dans le cercueil irakien
Par Memri n°545
Défiant les voix qui, dans le monde arabe, font l’éloge
des attaques contre les forces américaines en Irak, le chroniqueur Khaled
Al-Qishtini écrit deux articles, tous deux parus dans Al-Sharq
Al-Awsat : « La Palestine d’abord, l’Irak ensuite » (1) et
« Adieu l’arabisme », (2) où il condamne les intellectuels arabes qui
soutiennent encore Saddam Hussein. En voici quelques extraits :
« (…) Les problèmes dans le monde arabe ne proviennent pas
des Palestiniens, mais du retard et de l’égocentrisme. La question
palestinienne – à différencier des Palestiniens – a toutefois contribué à
accroître la complexité de [ces problèmes]. Aujourd’hui, la plupart des Arabes
en ont conscience, ressentent de la colère face aux événements subis par leur
patrie au nom de la cause palestinienne, et ne souhaitent pas faire davantage
de sacrifices pour cette dernière.
Je choisis prudemment mes termes : je n’accuse pas les
Palestiniens, mais plutôt les intellectuels palestiniens et leurs dirigeants
(…) J’ai consacré de longues années de ma vie à étudier et défendre [les
Palestiniens] (…) J’ai également passé quatre ans à faire des recherches pour
mon ouvrage « l’Essence du sionisme ». Aujourd’hui, je suis en proie
à une grande amertume (…)
Cette amertume provient du fait que, en fin de compte, les
intellectuels palestiniens ne se soucient pas véritablement des souffrances de
leur peuple. Ils vivent pour la plupart dans de belles demeures américaines et
européennes, conduisent des voitures de luxe et envoient leurs enfants dans de
prestigieuses écoles. Et à chaque fois qu’on propose une solution au problème
palestinien, ils répondent ‘non’, préférant l’entêtement, les sacrifices et la shahada
[le martyre]. Et qui sera le shahid [le martyr] ? Pas un de leurs
fils. Cela non. Mais plutôt l’un des enfants des malheureux [Palestiniens].
Pendant près de cinquante ans, nous avons vu des images de
mères en pleurs en et deuil, de leurs habitations démolies, et nul n’envisage
la fin de ces souffrances. La pierre est devenue plus importante que l’homme.
Ce n’est plus la terre qui est au service de l’homme, mais l’homme qui est au
service de la terre. L’histoire de la Palestine représente un siècle entier
d’actes idiots d’intellectuels, d’égoïsme, d’arrogance, d’irresponsabilité
nationale, lesquels ont entraîné le morcellement de leur terre et amené des
catastrophes sur leur peuple.
Ils veulent maintenant traîner l’Irak et le peuple irakien
dans leur sillage, avec les mêmes slogans, les mêmes actes imbéciles et le même
égocentrisme. Pour moi, chaque goutte de sang de fellah (3) irakien est
plus précieuse que tout ce que l’Irak possède, toutes ses montagnes, ses
rivières, son pétrole, ses âges d’or, d’argent ou d’étain.
Cher [lecteur] (…) pourquoi ne pas condamner avec moi les
intellectuels arabes qui continuent de soutenir Saddam Hussein et d’attendre
son retour, et ne pas remercier avec moi tous les pays qui ont sacrifié leurs
fils pour renverser son régime ? Pourquoi ne pas condamner avec moi les
attaques [des partisans de Saddam Hussein] qui ont pour objectif d’empêcher
l’Irak de revivre, et de rétablir le pouvoir malfaisant de Saddam ?
(…) »
« Tous ceux qui parlent au nom de l’arabisme et du
nationalisme, de la souveraineté et de l’indépendance arabes sont aujourd’hui
devenus les assassins mêmes [du nationalisme arabe], comme par le passé ; la
plupart des catastrophes et des défaites que nous [Arabes] avons essuyées ont
été provoquées par ces personnes, qui nous ont trompés avec des slogans d’unité
et de nationalisme arabe. Maintenant, en intervenant dans les affaires
irakiennes, elles enfoncent le dernier clou du cercueil.
Dans un ouvrage récent, des experts américains s’interrogent
sur l’invasion [de l’Irak]. Pourquoi la démocratie ne prend-elle pas dans le
monde arabe ? Même dans les pays africains les moins développés, [la
démocratie] a commencé à poindre et à se stabiliser. Mais pas dans le monde
arabe, et l’on se demande s’il y a lieu d’espérer que la démocratie y deviendra
[un jour une réalité].
Ces derniers temps, les intellectuels arabes ont commencé à
découvrir la personnalité d’un dictateur sous ses aspects les plus
infâmes : non seulement [ce dictateur] soutient-il la dictature sur sa
terre et contribue-t-il à l’asseoir ; non seulement agit-il de façon
dictatoriale envers sa femme [ou ses femmes], ses enfants, ses élèves, ses
employés dans le secteur [public], mais nous le voyons aujourd’hui qui essaie
d’imposer sa volonté aux autres peuples également.
De nombreux rapports de statistiques établis par des
instituts de recherche indépendants ont été récemment publiés. Ils révèlent que
80% des Irakiens sont pour que les forces de la coalition demeurent deux ans
dans leur pays, et que plus de la moitié d’entres eux serait favorable à ce que
les Nations unies prennent les rênes du pays.
[Si telle est la situation], de quel droit un journaliste
palestinien ayant tourné le dos à son pays et au monde arabe pour vivre à
Londres sous la protection de la reine Elizabeth, ou un présentateur de la
télévision du Qatar ou du Liban, encouragent-ils les terroristes, les voleurs
et les assassins en Irak à poursuivre leurs actes, et de quel droit les
anoblissent-ils de l’aura de la résistance nationale ? Qui a accordé à ces
personnes (…) le droit de défier la volonté des trois quarts des Irakiens,
leurs intérêts, leur droit à vivre en sécurité, leur volonté de remettre sur
pied leur patrie à l’ombre de la seule puissance capable d’imposer la sécurité
et la paix [les Etats-Unis], de préserver l’unité du pays et l’intégrité de ses
frontières, de le protéger de la désintégration sociale et de la guerre
civile ?
Si les forces de la coalition se retiraient aujourd’hui du
pays, les différents responsables en Irak s’écraseraient mutuellement, comme
ils l’ont fait pendant treize ans, parce qu’ils sont incapables d’arriver tous
seuls à un accord. Et si toute cette bagarre menait à la guerre civile et au
conflit armé, comme en Somalie, au Liban, et dans les pays d’Afrique centrale,
qui appellerait-on [à l’aide] pour éteindre les flammes ? [Le secrétaire
général de la Ligue arabe] Amr Moussa ? [Le président de l’Autorité
palestinienne] Yasser Arafat ? La Ligue arabe ? Messieurs,
aucun d’entre vous [ne ferait appel à ces personnes], alors restez où vous
êtes. Nous avons déjà eu affaire à vous, de jour comme de nuit.
Les forces de la coalition ne se retireront pas d’Irak avant
d’avoir terminé leur mission. Elles se trouvent en Irak conformément à la
volonté de l’écrasante majorité du peuple, et leur mission est noble et bénie.
Elles renforcent chaque jour davantage leur présence [en Irak], à l’aide de
forces envoyées par des chefs d’Etats qui ont compris la noblesse de la mission
des forces de la coalition. Cette mission consiste à semer les graines de la
légitimité du pouvoir et de la loi, à instaurer un gouvernement démocratique, à
libérer les femmes de l’esclavage et du retard qu’elles subissent, à propager
la transparence dans l’administration [publique], la rationalité et l’esprit de
la science dans l’éducation, ainsi qu’à défendre les droits de l’homme.
Les terroristes, les mercenaires et les arriérés doivent
être bannis. Ne prenez pas un malin plaisir à [la période] passagère des
pillages. Le peuple irakien sera bientôt de nouveau sur pied, prêt à apprendre
une nouvelle leçon (…) qui représentera le premier pas de leur marche vers la
liberté de pensée et de choix (…) Et de cette obscurité où l’Irak est
actuellement plongé surgira une lumière qui éclairera toute la région de
l’éclat de la citoyenneté moderne, du règne du peuple, de celui de l’intellect
et de la science (…) »
Notes :
(1) Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 23 juillet 2003
(2) Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 20 juillet 2003
(3) Terme arabe qui signifie « paysan »