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LE TERRORISME EST EN DÉSACCORD AVEC LA TRADITION ISLAMIQUE
par Khaled Abou el Fadl, professeur intérimaire à lEcole de Droit UCLA, auteur de "Rébellion et violence politique dans la loi islamique" (Cambridge University Press, 2001)
Article publié par l'Institut culturel de la Communauté Islamique Italienne et traduit par Menahem Macina pour CJEE - 22 août 2001
Avec l'escalade récente dans les attentats-suicide à lexplosif contre des cibles civiles en Israël, et la menace continuelle des attaques terroristes d'Osama bin Laden, le rapport entre l'Islam et le terrorisme fait à nouveau lobjet de multiples spéculations.
Quelques savants musulmans ont qualifié de jihad de tels
actes de terrorisme et considéré les auteurs dattentats-suicide à lexplosif
comme des martyrs pour la cause divine.
Certains commentateurs non musulmans sont allés jusquà suggérer que la loi
islamique ordonne réellement aux Musulmans de perpétrer des actes de terrorisme
contre des infidèles. Laissant de côté, pour l'instant, le fait que les
musulmans eux-mêmes ont souvent été victimes du terrorisme, je suis sûr quun
certain nombre de musulmans croient quà un certain niveau le terrorisme est
justifié. Cependant, il convient tout au moins de noter que cette croyance est
en désaccord avec la loi islamique. La tradition juridique islamique, qui est
semblable à la tradition rabbinique juive, a témoigné dune hostilité absolue
envers la terreur comme moyen politique de résistance. Durant les trois
premiers siècles de l'histoire islamique, les juristes musulmans ont fait
preuve dun remarquable degré de tolérance envers la rébellion politique, en
soutenant qu'on ne peut exécuter un rebelle politique ni confisquer ses
biens. Par contre, les juristes musulmans classiques étaient dune sévérité
inflexible envers les rebelles qui avaient employé ce que les juristes
définissaient comme des attentats clandestins et, dont le résultat était de
répandre la terreur. Les juristes musulmans considéraient les attentats
immoraux, et traitaient les auteurs de ces actes comme les pires criminels.
Dans la catégorie des crimes de terreur, les juristes classiques incluaient les enlèvements, lempoisonnement des puits, les incendies criminels, les attaques contre ceux qui se rendent dun lieu à un autre et les voyageurs, les attaques à la faveur de la nuit, et les viols. Pour ces crimes, indépendamment des convictions religieuses ou politiques de leurs auteurs, les juristes musulmans requéraient les peines les plus lourdes, y compris la mort. Mais ce qui est le plus important : la plupart des juristes musulmans soutenaient que les peines devaient être identiques, que lauteur de lacte ou sa victime soient musulmans ou non. Cest en raison de cette tradition que les terroristes davant la période moderne sont devenus si mal famés dans lhistoire de lIslam.
Certains Islamistes arguent du fait quaujourd'hui, le terrorisme est le seul moyen efficace de résistance à l'oppression ou à loccupation, et quen conséquence, il est devenu un mal nécessaire. Mais ce type de logique immorale et opportuniste na pas lappui du strict héritage classique. Bien qu'il n'y ait aucun doute sur le fait que la loi islamique approuve le droit à lautodéfense, elle nen fixe pas moins des règles à ce dernier pour éviter quon en fasse un usage abusif. Pour reprendre les termes dun juriste classique : "Si le motif de convenance politique devient la loi, rien ne subsistera de cette religion".
En outre, même en supposant que des pays tels que les Etats-Unis et Israël perpètrent des attaques aveugles ayant pour conséquence des victimes civiles, néanmoins, du point de vue théologique, cela ne justifierait pas des actes de terrorisme. C'est un précepte coranique bien établi que l'injustice des autres ne peut servir dexcuse à notre propre injustice. En clair, un massacre, par des hélicoptères israéliens, de civils musulmans tranquillement assis dans leur salon, ne justifie pas le massacre, par un porteur de bombes palestinien, denfants israéliens joyeusement attablés avec leurs parents dans un restaurant.
Il y a également une autre dimension à ce problème.
Les groupes terroristes musulmans modernes sont plus enracinés dans les idéologies de libération nationale des XIXe et XXe siècles que dans la tradition islamique. Bien que ces groupes terroristes invoquent divers arguments théologiques pour justifier leur comportement, leurs idéologies, leur symbolisme, leur langage et leur structure organisationnelle reflètent l'influence de la lutte anti-coloniale des pays en voie de développement. Par exemple, ces groupes utilisent souvent des expressions telles que hizb (parti), tahrir (libération), taqrir al-masir (autodétermination), harakah (mouvement), al-kawadir al-fa'alah (les cadres militants), ou harb muqaddasa (combat sacré). Ces expressions sont importées des luttes nationales de libération contre le colonialisme et ne sont pas un produit de l'héritage islamique.
En résumé, le terrorisme musulman moderne fait partie du
legs historique du colonialisme, et non du legs de la loi islamique. Aux yeux
de la tradition islamique, les terroristes ne bénéficieraient daucune grâce.