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Le Printemps Arabe a Epargné les Monarchies

car elles sont plus Proches du Peuple

que les Prétendues Républiques Arabes

 

Par Dr Salman Masalha, un intellectuel druze israélien   

1/06/15

 

Le 1er mars 2015, le poète, écrivain, essayiste et traducteur druze israélien Dr Salman Masalha, écrit sur le site arabe progressiste Middle East Transparent que le printemps arabe a eu un impact sur les républiques arabes, mais a épargné les monarchies et les émirats : les républiques n’ont pas appliqué leurs propres nobles slogans de socialisme, démocratie et liberté, mais ont opprimé et tyrannisé leurs peuples, tandis que les monarchies, avec tous leurs défauts, seraient mieux adaptées à la nature des sociétés arabes, car elles sont « le prolongement naturel de cette structure sociale enracinée, dans laquelle la loyauté tribale passe avant tout ». L’article de Dr Salman Masalha : [1]

 

Voici que nous approchons de la fin de la quatrième année de soulèvements qui ont éclaté dans plusieurs pays du monde arabe, d’Est en Ouest. Je dis bien soulèvements, car ce qui est arrivé ces dernières années dans tous ces pays ne peut en aucune façon être qualifié de révolution au sens politico-scientifique du terme.

Un regard sur les systèmes politiques des pays arabes où les populations se sont soulevées nous interpelle sur des questions fondamentales auxquelles nous devons répondre honnêtement et sans équivoque, sans slogans sentimentaux qui paralysent la raison. Les questions que nous sommes inévitablement amenés à poser sont :

- Pourquoi ces crises et soulèvements sont-ils survenus dans certains pays arabes et pas dans d’autres ?

- En quoi ces pays diffèrent-ils les uns des autres ?

- Pourquoi certains pays ont-ils émergé de ces soulèvements sans effusion de sang, alors qu’ailleurs, l’effusion de sang demeure la caractéristique dominante ?

 

Quatre ans plus tard, l’observateur peut discerner plusieurs aspects dans l’image coalescente concernant le type de systèmes politiques communs au monde [arabe]. Le monde arabe semble être divisé en deux parties [en termes de régimes]. Ce qui est intéressant est que ces soulèvements populaires arabes ont principalement frappé des pays régis par des régimes républicains, tandis que les monarchies et les émirats sont épargnés par ce [cycle] de soulèvements. Ce phénomène devrait être débattu en profondeur, et nous, Arabes, devrions y réfléchir. Nous [ne pouvons pas] nous enfouir la tête dans le sable ou l’ignorer comme s’il n’existait pas.

Pour comprendre ce phénomène, nous devons examiner la nature des sociétés arabes, loin des slogans qui éveillent des émotions, mais sont inutiles et ne pavent pas la voie à un examen approfondi des événements qui nous entourent, afin d’émerger de nos crises arabes. Quand je dis "la nature des sociétés", je parle de l’héritage social qui se perpétue depuis des centaines d’années, et qui s’est transmis de l’ère préislamique à islamique, jusqu’à nos jours.

Etant donné que les sociétés arabes sont de nature tribale, les diverses formes de monarchies et d’émirats sont le prolongement naturel de cette structure sociale enracinée, dans laquelle la loyauté tribale passe avant tout. Par conséquent, une fois que le colonialisme a déserté les pays arabes, les monarchies et les émirats l’ont remplacé, naturellement, comme le font les sociétés tribales.

Mais la lutte mondiale entre les deux principaux blocs de puissances, après la Seconde Guerre mondiale, a secoué le monde arabe, et en conséquence, quelques coups d’État militaires ont eu lieu, renversant plusieurs monarchies. Il ne s’agissait pas de révolutions, bien qu’ils furent appelés ainsi, mais de simples révoltes militaires qui ont conduit à des prises de pouvoir, aidées de nobles slogans socialistes, libertaires et démocratiques, ou d’une autre rhétorique inepte. En effet, ces coups d’Etat n’étaient rien de plus qu’une usurpation des sociétés arabes. Aucun des régimes [à avoir formulé] la rhétorique de l’arabisme n’a appliqué un seul des slogans utilisés ; au contraire, ils se sont appropriés les sources de revenu de ces populations et les ont dilapidées. En outre, ils n’ont apporté aucune liberté ou socialisme quels qu’ils soient. Mais par-dessus tout, ils ont régné d’une poigne de fer, tyrannisant tout un chacun.

Oui, ces terres du prétendu arabisme sont celles-là mêmes où les peuples arabes se sont soulevés – tandis que les monarchies et les émirats arabes ont été épargnés par cette calamité et de ce carnage. Non pas en raison de leurs pétrodollars, ce que certains ignorants de gauche essayent de faire croire - puisque certaines monarchies arabes, comme la Jordanie, ne sont nullement riches, mais ont également échappé à la déstabilisation [de leur régime]. La réponse est simple : en sus de ce que je disais plus haut, il faut comparer la relation entre les monarchies et leur population à celle des régimes républicains imposteurs et la leur. Une simple comparaison fera pencher clairement la balance en faveur des monarchies.

Tyrannie dévastatrice, esclavage et paupérisation sont devenus les attributs des régimes aux slogans mensongers, tandis qu’avec le temps, les monarchies sont devenues plus empathiques à l’égard de leurs populations, en dépit d’une critique justifiée qui pourrait se mesurer aux échecs de ces régimes monarchiques. Toutefois, si nous aspirons à la vérité sur nous-mêmes et sur ceux qui nous entourent, nous devons voir la réalité telle qu’elle est, pour le meilleur ou pour le pire.

 

La nature tribale des sociétés arabes est profondément ancrée dans le passé. Ses origines remontent à l’ère préislamique et traversent l’histoire arabe. Des déclarations attribuées au nouveau roi saoudien Salman bin Abd Al-Aziz, cité dans un article de Talal Salman, [rédacteur en chef du journal libanais] Al-Safir, peuvent expliquer cette question.

Talal Salman, qui a rencontré l’émir Salman, il y a quatre décennies, a déclaré quelL’émir Salman [aujourd'hui roi] a résumé la question en termes simples : "Nous sommes les fils de cette terre, nous ne sommes pas des messagers ou des occupants étrangers. Nous ne sommes pas des Albanais comme la famille de Mohammed Ali [Pacha] [2], qui a gouverné l’Egypte pendant 150 ans, nous sommes les fils du sable et du palmier, les fils du soleil et de la lune". [Salman] a marqué une pause pendant un moment puis a ajouté avec un sourire : "Il suffit de vous dire que l’un de nos ancêtres est Musaylimah le menteur".  [3] (Al-Safir, 26 janvier 2015).

En d’autres termes, ces racines tribales qui s’étirent dans le temps sont les racines arabes authentiques, et pas seulement islamiques. Il est vrai que [ces racines tribales] – comme le roi sagace l’a franchement admis – remontent à Musaylimah le menteur lui-même, pour le meilleur et pour le pire. Sa révélation indique la profondeur de ces racines.

 

Notes 

[1] Metransparent.com, 1er mars 2015.

[2] Mohammed Ali Pacha (1769-1849), considéré comme le fondateur de l’Egypte moderne, était un musulman albanais, officier dans l’armée ottomane. Il fut nommé gouverneur ottoman d’Egypte en 1805, après avoir fait obstacle aux avancées de l’armée de Napoléon.

[3] Musaylimah bin Habib Al-Hanafi était un contemporain de Mahomet, qui se proclamait aussi prophète. Considéré comme un faux prophète en islam, il est appelé « Musaylimah le menteur ».