www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
par Daniel Pipes
New York Sun, 3 octobre 2006
Traduit par Alain Jean- Mairet - ajm@ajm.ch
Colin
Powell, alors secrétaire d’État, dit un jour de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
qu’elle était «la plus grande et la plus fructueuse des alliances de
l’histoire». Cette affirmation est difficile à contredire; en effet, l’OTAN a
déclaré et mené la guerre froide avec tant de succès qu’elle n’a même pas eu à
combattre.
Mais cette grande
alliance se trouve actuellement en proie à ce que José María Aznar,
l’ex-premier ministre d’Espagne, appelle «probablement la crise la plus
profonde et la plus sérieuse de toute son histoire». Il y règne selon lui un
«climat de crise permanente» créé par la perception de la perte «de la raison d’être [en français
dans le texte] de l’organisation, de l’absence d’une mission».
Les origines de
cette crise sont aisément explicables. Depuis sa fondation, en 1949, et jusqu’à
l’écroulement de l’Union soviétique, en 1991, l’OTAN était le principal moyen
de contenir l’expansionnisme soviétique. Après sa victoire contre la menace
soviétique, sa mission changea. Dans les années 1990, l’OTAN devint un
instrument permettant d’envoyer des troupes chargées de favoriser la sécurité
dans des régions telles que la Bosnie et le Kosovo. Et maintenant, dans
l’après-11 septembre?
Une étude brève,
brillante et concrètement réalisable, intitulée NATO:
An Alliance for Freedom (L’OTAN – une
alliance pour la liberté) et publiée par le think-tank
d’Aznar, la Fundación para
el Análisis y los Estudios
Sociales (FAES), nous apprend que la résistance à l’Union soviétique
n’était pas le principe fondateur de l’organisation. L’OTAN avait en fait un
objectif plus positif, à savoir de «sauvegarder la liberté, l’héritage et la
civilisation commune des populations [des États membres], fondée sur les
principes de la démocratie, des libertés individuelles et de l’État de droit».
En guise de
preuve que l’OTAN a toujours eu pour mandat de défendre la démocratie contre
bien davantage que le simple communisme, on peut avancer le fait qu’elle a
renoncé à la valeur stratégique du territoire et des forces militaires
espagnoles aussi longtemps que le pays resta sous la coupe du gouvernement
fasciste de Francisco Franco. Ce n’est qu’après sa mort, en 1975, et après la
démocratisation de son gouvernement, que l’Espagne a été invitée à rejoindre
l’alliance, en 1981.
Un signe
pointant vers ce que devrait être la nouvelle orientation de l’OTAN apparût au
lendemain du 11 septembre, lorsque l’OTAN, pour la toute première fois,
invoqua l’article V de
son Traité, prévoyant qu’une attaque armée contre l’un de ses membres sera
considérée comme une attaque contre toutes les parties signataires. Ainsi,
après une décennie de «guerre
en tant que travail social», l’OTAN prenait brusquement conscience de la
menace de l’Islam radical.
Aznar et
l’équipe de la FAES se sont basés sur cette décision cruciale pour
déclarer que «le terrorisme islamiste est une nouvelle menace partagée
d’envergure mondiale, faisant peser un risque sur l’existence même des membres
de l’OTAN». Rappelant les idéologies totalitaires des années 1930, ils
préviennent à juste titre que «nous devons prendre [les] ambitions [islamistes]
très au sérieux, peu importe à quel point elles peuvent paraître ridicules ou
délirantes». Animés d’une réelle inspiration, ils soulignent également que le
terrorisme «n’est que la partie strictement guerrière d’une offensive beaucoup
plus large lancée contre le monde libéral et démocratique».
La mission de
l’OTAN doit donc consister «à combattre le djihadisme
islamique et la prolifération des armes de destruction massive essentiellement,
mais pas uniquement, parmi les groupes et les gouvernements islamiques». Cela
implique de «placer la guerre contre le djihadisme
islamique au centre de la stratégie de l’Alliance» et de faire de la victoire
contre le djihadisme islamique «la mission clé» de
l’organisation pour de nombreuses années.
L’étude NATO: An Alliance for Freedom
avance une deuxième recommandation centrale: celle d’inviter les pays qui sont
à la fois démocratiques, stables et désireux de contribuer à la guerre contre
le djihadisme islamique, à adhérer pleinement à
l’OTAN. Le document met l’accent sur l’adhésion d’Israël, qu’il présente comme
«un pas extrêmement important», et il approuve d’emblée l’adhésion à part
entière du Japon et de l’Australie. Je proposerais peut-être d’ajouter à cette
liste Taiwan, la Corée du Sud et le Chili. Pour encourager d’autres États en
difficulté, l’étude suggère d’offrir un statut de membre associé à des pays
tels que la Colombie et l’Inde. Je pense pour ma part que le Mexique et le Sri
Lanka pourraient les rejoindre.
Un thème que la
FAES se contente d’effleurer sans le traiter explicitement est la possibilité
que l’OTAN remplace les Nations Unies dans son rôle d’organe mondial central. À
mesure que les NU s’enfoncent, passant d’un niveau déjà très bas
à des profondeurs toujours
plus vaseuses, il devient de plus en plus manifeste que pour se comporter
de manière adulte, une organisation internationale ne doit accepter pour
membres que des États démocratiques. Bien sûr, il serait possible de créer une
organisation entièrement nouvelle, mais il serait plus aisé, plus économique et
plus rapide de construire sur la base d’une structure existante, surtout si
celle-ci a prouvé sa valeur. L’OTAN est ici un candidat tout désigné, à plus
forte raison après la révision conceptuelle proposée par la FAES.
Ce que José
María Aznar et son équipe soumettent ainsi est le meilleur plan jamais proposé
pour affronter l’Islam radical. Les politiciens sauront-ils prendre la balle au
vol?