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REMPORTER LA GUERRE CONTRE LA TERREUR

Rumsfeld, Irak, démocratie, Moyen Orient, terrorisme 

PAR DONALD H. RUMSFELD,  Secrétaire américain à la Défense.

Paru dans le Figaro du 12 octobre 2004

 

Nous avons assisté, le mois dernier, au troisième anniversaire du jour qui a éveillé l'Amérique à un nouveau monde – ce jour où des extrémistes ont tué des centaines d'innocents sur le sol américain. La semaine dernière a marqué le troisième anniversaire du commencement de l'opération «Liberté immuable», le jour où l'Amérique s'est résolue à mener la guerre contre les extrémistes eux-mêmes et où nous avons attaqué al-Qaida et les talibans en Afghanistan. Trois années après le début de la guerre mondiale contre la terreur, certains se demandent si l'Amérique est plus sûre et si le monde est plus riche.

Ce sont là des questions pertinentes.

Mais adoptons tout d'abord un point de vue historique. Nous avons souvent entendu dire que cette guerre mondiale contre l'extrémisme constituera la tâche d'une génération et qu'il s'agit d'une guerre susceptible de se poursuivre pendant des années, tout comme la guerre froide, qui a duré des décennies.


Nous considérons désormais la guerre froide comme une grande victoire de la liberté. Mais rien n'était certain ni prédéterminé. Les cinquante années de cette bataille épique entre le monde libre et l'empire soviétique ont été remplies de divisions, d'incertitudes, de doute de soi, de revers et d'échecs.

Même avec nos alliés les plus proches, des conflits ont existé concernant la politique étrangère, la diplomatie, le déploiement des armes et les stratégies militaires. Dans les années 60, en 1966 exactement, la France s'est retirée du volet militaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan). Aux Etats-Unis, les chroniqueurs et les éditorialistes de cette époque se sont interrogés et ont émis des doutes sur la politique américaine. Des citoyens américains ont même parfois vu leur propre gouvernement accusé d'être belliciste ou agresseur.


Mais les Etats-Unis, sous la gouvernance des deux partis politiques, et nos alliés ont fait preuve de persévérance et ont résolu le conflit, année après année. Les stratégies ont varié, de la coexistence à l'endiguement, de la détente à la confrontation. Nos dirigeants ont continué à résister à ce que beau coup considéraient comme un ennemi invincible, et le régime soviétique s'est finalement effondré.

Cette leçon a dû être réapprise à travers les âges : elle consiste dans l'idée que la faiblesse est une provocation, et qu'un refus de faire face aux risques qui menacent peut accroître, et non réduire, les dangers futurs, et que la victoire revient en fin de compte à ceux qui sont résolus et inébranlables.

Depuis le 11 septembre et le début de notre offensive contre le terrorisme, il est apparu clairement que notre coalition avait en face d'elle un ennemi sans pays ni cerveau véritables.


Un peu plus de trois années auparavant, al-Qaida constituait déjà un danger grandissant. Son chef, Oussama Ben Laden, était en sécurité et à l'abri en Afghanistan. Son réseau était disséminé dans le monde entier et s'attaquait aux intérêts américains depuis des années.

Trois années plus tard, plus des trois quarts des membres et associés importants d'al-Qaida ont été soit emprisonnés soit tués. Oussama Ben Laden est en fuite, un grand nombre de ses associés importants sont sous les verrous ou sont morts, et ses réseaux d'aide financière, affaiblis.


L'Afghanistan, jadis contrôlé par les extrémistes, est aujourd'hui dirigé par Hamid Karzaï. Il se trouve parmi les premiers récipiendaires des efforts de ceux qui, dans le monde, soutiennent les modérés contre les extrémistes. Les stades de football jadis utilisés pour les exécutions publiques sous le régime des talibans sont aujourd'hui utilisés, encore une fois, pour le football. Plus de 10 millions d'Afghans, dont 41% de femmes, se sont inscrits sur les listes électorales pour voter lors de la première élection nationale du pays.

La Libye, qui soutenait les terroristes et cherchait secrètement à se doter de la puissance nucléaire, est devenue une nation qui a renoncé à ses programmes d'armement illégaux et qui se dit désormais prête à rejoindre à nouveau la communauté des nations civilisées.


Le réseau de prolifération nucléaire du savant pakistanais A. Q. Khan – lequel apportait une aide meurtrière à des nations telles que la Libye et la Corée du nord –, a été démasqué et démantelé. En effet, le Pakistan, jadis bien disposé envers al-Qaida et le régime des talibans, s'est rangé, sous le président Pervez Musharraf, aux côtés du monde civilisé et constitue désormais un allié inconditionnel contre le terrorisme.

L'Otan dirige désormais la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan et aide à former les forces de sécurité irakiennes, une nouvelle importante responsabilité «hors zone». L'ONU aide à l'organisation d'élections libres en Afghanistan et en Irak. Plus de soixante pays travaillent de concert pour arrêter la prolifération des armes de destruction massive.


Trois ans auparavant, en Irak, Saddam Hussein et ses fils dirigeaient brutalement une nation au coeur du Moyen-Orient. Saddam Hussein tentait régulièrement de tuer des équipages américains et britanniques en violant les zones interdites de survol. Il ignorait les dix-sept résolutions du Conseil de sécurité des Nations-unies. Il versait des allocations de 25 000 dollars aux familles des auteurs d'attentats suicides.

Trois années plus tard, Saddam est prisonnier et attend son procès. Ses fils sont morts. La plupart de ses associés sont derrière les barreaux.

L'Irak est doté d'une Constitution provisoire qui inclut une déclaration des droits et une magistrature indépendante. Des conseils municipaux ont été constitués dans quasiment toutes les grandes villes et dans la plupart des villes et villages.

Les Irakiens sont désormais autorisés à s'exprimer, écrire, regarder et écouter tout ce qu'ils souhaitent, chaque fois qu'ils le souhaitent.


Y a-t-il eu des revers en Afghanistan et en Irak ? Bien sûr. Mais l'ennemi ne peut pas gagner militairement. Ses armes sont la terreur et le chaos. Il attaque l'espoir ou le progrès pour tenter de miner le moral. Il sait que s'il parvient à gagner la bataille de la communication, nous perdrons notre volonté et nous partirons.

Nous vivons là une période difficile. Du coeur de Manhattan et de Washington DC à Bagdad, Kaboul, Madrid, Bali et les Philippines, un appel aux armes a retenti et le résultat de ce combat déterminera la nature de notre monde pendant les décennies à venir.

Aujourd'hui, comme jadis, la tâche ardue d'écrire l'histoire incombe à l'Amérique, à notre coalition, à notre peuple. Nous y parviendrons en sachant que la liberté est de notre côté, et que c'est nous qui l'imposerons.

 

Copyright : Project Syndicate et le Conseil des relations étrangères, octobre 2004. Traduit par Valérie Bellot.