www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

L'AMÉRIQUE VA GAGNER LA QUATRIÈME GUERRE MONDIALE

 

par James Woolsey, a dirigé la central intelligence agency (CIA) de 1993 à 1995.

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise Cartano. ©2003, Global ViewPoint. Distribué par Tribune Media Services International, section de Tribune Media Services.

paru dans le Monde du  08.04.03

 

A présent que les forces américaines se trouvent dans Bagdad, qu'il nous soit permis de placer les événements actuels dans une perspective historique.

En un sens, comme l'a fait remarquer le professeur Eliot Cohen de l'université John-Hopkins, nous sommes entrés dans la quatrième guerre mondiale.

Plus qu'une guerre contre le terrorisme, l'enjeu est d'étendre la démocratie aux parties du monde arabe et musulman qui menacent la civilisation libérale à la construction et à la défense de laquelle nous avons œuvré tout au long du XXsiècle, lors de la première, puis de la deuxième guerre mondiale, suivies de la guerre froide – ou troisième guerre mondiale.

J'espère que sa durée n'atteindra pas les quarante ans et plus de la troisième guerre mondiale, mais il est certain qu'elle durera plus longtemps que la première et que la deuxième. Il faut probablement envisager plusieurs décennies.

 

Il y a quatre-vingt-six ans, au printemps 1917, lorsque l'Amérique est entrée dans la première guerre, le monde comptait environ dix démocraties : les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne, la France, la Suisse, avec deux ou trois autres pays de l'Europe du Nord. Le monde était alors composé d'empires, de royaumes, de colonies, et de divers types de régimes autoritaires. Aujourd'hui, 120 pays sur les 192 que compte le monde sont des démocraties.

Ces 120 pays possèdent tous un Parlement élu régulièrement ainsi que l'amorce au moins d'un Etat de droit. Cela aura constitué un changement stupéfiant, vécu par de nombreux individus encore de ce monde. Rien de comparable ne s'est jamais produit dans l'histoire de la planète.

 

Inutile de préciser que l'Amérique n'est pas étrangère à cette évolution, tant par sa contribution à la victoire pendant la première guerre mondiale que par sa victoire lors de la deuxième aux côtés de la Grande-Bretagne, avant de finalement l'emporter lors de la guerre froide. En cours de route, beaucoup de gens ont prétendu, avec le plus grand cynisme et à divers moments, que les Allemands, les Japonais, les Russes, ou ceux qui avaient le confucianisme chinois comme tradition, ne seraient jamais capables de fonctionner en démocratie. Certes, il a fallu les y aider un peu, mais les Allemands, les Japonais et, aujourd'hui, jusqu'aux Russes et aux Taïwanais ont fini par comprendre.

Dans le monde musulman, hormis les 22 Etats arabes, où la démocratie n'a pas cours, il existe des Etats relativement bien gouvernés, qui évoluent vers la modération, comme Bahreïn. Sur les 24 Etats non arabes à dominance musulmane, environ la moitié sont des démocraties. Figurent parmi elles certains des pays les plus pauvres de la planète, tels le Bangladesh et le Mali. Près de 200 millions de musulmans vivent dans une démocratie, en Inde. A l'exception d'une province, ils coexistent en général pacifiquement avec leurs voisins hindous.

 

Il n'en demeure pas moins un problème spécifique au Proche-Orient. Hormis Israël et la Turquie, il ne s'y trouve fondamentalement aucune démocratie. On observe en revanche deux types de gouvernements : les prédateurs pathologiques et les autocrates vulnérables. Ce qui ne constitue pas un mélange excellent. Outre l'Irak, l'Iran, la Syrie, le Soudan et la Libye financent et soutiennent, d'une façon ou d'une autre, le terrorisme. Les cinq ont cherché à se procurer des armes de destruction massive.

Il est clair que jamais la guerre terroriste ne disparaîtra tant que nous ne changerons pas la face du Proche-Orient, ce que nous avons précisément commencé de faire en Irak. Il s'agit d'une mission redoutable. Pas plus redoutable cependant que celles que nous avons déjà accomplies au cours des précédentes guerres mondiales. Le changement reste à entreprendre dans cette unique partie du monde à n'avoir aucune expérience historique de la démocratie, à avoir rejeté avec violence les ingérences de l'extérieur : le Proche-Orient arabe.

 

Saddam Hussein, les autocrates de la famille royale saoudienne, tout comme les terroristes, doivent aujourd'hui comprendre que, pour la quatrième fois en cent ans, l'Amérique a ouvert les yeux. Ce pays est en marche. Nous n'avons pas choisi ce combat – les fascistes du parti Baas, les chiites islamistes et les sunnites islamistes ont fait ce choix –, mais nous y sommes engagés. Et parce que nous sommes maintenant en marche, il n'existe qu'une façon pour nous de remporter la victoire. Celle dont nous avons gagné la première guerre mondiale, en combattant pour les 14 points de Wilson. Celle dont nous avons gagné la deuxième, en combattant pour la Charte atlantique de Churchill et de Roosevelt. Celle dont nous avons gagné la troisième, en combattant pour les nobles idées exprimées par le président Reagan, mais aussi, pour l'essentiel, d'abord, par le président Truman.

Cette guerre, comme les guerres mondiales d'autrefois, n'est pas une guerre contre les autres. Ce n'est pas une guerre entre pays. C'est une guerre de la liberté contre la tyrannie.

 

L'Amérique doit convaincre les populations du Proche-Orient que nous sommes de leur côté, exactement comme nous avons convaincu Lech Walesa, et Vaclav Havel,

et Andreï Sakharov que nous étions de leur côté. Ce qui prendra du temps. Ce qui sera difficile.

 

Nous sommes conscients d'inquiéter les terroristes, les dictateurs et les autocrates. Nous voulons qu'ils soient inquiets. Nous voulons qu'ils comprennent que l'Amérique est aujourd'hui en marche, et que nous sommes du côté de ceux qu'ils redoutent le plus, leurs propres peuples.