L'ISLAM SOUS LA NEIGE

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Par Ouri Dan, journaliste

Article paru dans le Jerusalem Post du 20 Février 2003

Traduit par Albert Soued, écrivain www.chez.com/soued

L'histoire de la synagogue de Alma Ata, capitale du Kazakhstan est aussi celle du Rab Yeshaya Cohen, diplômé de la yéshiva (centre d'études) Loubavitch de Crown Heights-New York. C'est aussi l'histoire de l'attitude de ce grand pays Musulman favorable aux Juifs en général et à l'Etat d'Israël en particulier.

Né à Jérusalem, ce rabbin a 41 ans; il a demandé aux adeptes du centre Loubavitch de l'envoyer quelque part où il pourrait construire une synagogue, "avec ses propres mains", à partir de rien. La semaine dernière, à Alma Ata, il m'a expliqué que c'était le lieu où l'avant dernier rab de la dynastie Loubavitch était enterré. Ayant échappé de justesse à la mort du fait de sa foi juive, Levy Yitsh'aq Schneerson a été exilé par Staline à Alma Ata où il mourut en 1944.

Avant d'épouser sa femme Hannah, le rabbin Yeshaya Cohen avait réussi à la convaincre de le suivre, même dans les endroits les plus éloignés, où il pourrait rendre service. Le couple a maintenant trois enfants et la synagogue fonctionne en permanence.

L'autre vendredi, Yeshaya était très excité à l'idée de recevoir une grande délégation américaine issue de la "Conférence des Présidents" (organe regroupant les organisations juives les plus importantes), qui lui apportait un "rouleau de la loi" pour sa synagogue. Il m'a aussi décrit avec émotion leur visite sur la tombe du rebbe en pleine tempête de neige: "c'était une véritable révolution! Une garde d'honneur de la police nous a accompagné jusqu'à la tombe de l'homme qui était pourchassé par la police secrète soviétique, et cela en pays musulman!"

Le président du Kazakhstan Narsultan Nazarbayev a déroulé le tapis rouge pour la délégation venant de Etats-Unis, d'Israël et d'ailleurs et a souhaité marquer ainsi l'indépendance d'un pays d'Asie Centrale, cinq fois plus grand que la France, avec une population de seulement 15 millions d'habitants. Les ressources naturelles du Kazakhstan sont le pétrole, l'uarnium et d'autres métaux qui font qu'une révolution économique y est possible. Au delà de l'économie, le président Nazarbayev et les responsables Juifs américains ont souhaité montrer ainsi que malgré les différences religieuses, Juifs et Musulmans pouvaient se parler et avoir des relations pacifiques.

Le président dit à ses invités "l'Islam fondamentaliste n'est pas l'Islam véritable du Coran. Cet extrémisme n'est que de la manipulation politique! On doit combattre la terreur en la terrorisant! Les Arabes ne constituent pas la majorité du monde de l'Islam, simplement le cinquième; il y a 300 millions de musulmans en Indonésie, 150 millions en Inde, 100 millions en Chine…"

Le Président invita à cette réunion avec les responsables Juifs, non seulement les représentants des autres pays Musulmans de la région (Kirgizstan, Afghanistan, Turquie…), mais également des chefs religieux. Ils se sont réunis avec toute la délégation, et notamment avec le rabbin de Moscou, Pinh'as Goldshmidt et ont parlé de la coexistence entre les deux religions.

À une époque où au nom de l'Islam, les Palestiniens commettent en permanence des actes de terreur tuant des civils au cœur d'Israël, au cri de "Allah est grand!" , se faisant sauter au milieu d'innocents. À une époque où un Osama ben Laden entraîne l'Islam à procéder à des massacres dans le monde entier, le dialogue judéo-musulman dans le lointain Kazakhstan entretient l'espoir qu'autre chose est possible et doit être trouvé.

On doit savoir que cette réunion au palais présidentiel du Kazakhstan a eu lieu pendant que les Etats-unis se préparent à une guerre contre l'Irak et que le conflit isrélo-palestinien se poursuit.

Le secrétaire général du Congrès Juif euro-asiatique, Michael Chlenov de Moscou, me dit: "Nous avons réussi à démontrer ici qu'il était possible de converser avec l'Islam … sous la neige!"

Alma Ata était toute couverte de neige et on enregistrait des températures très en dessous de zéro.

La remarque de Chlenov m'a amené à penser à la malchance d'Israël d'avoir à affronter un terrorisme né dans les sables Moyen Orient et se réclamant de l'Islam! Le chef de la délégation américaine Mortimer Zuckerman me dit: "Le bloc des pays islamiques d'Asie Centrale cherche à se démarquer très nettement du reste du monde de l'Islam". Son secrétaire général Malcolm Honlein ajouta "On n'entend souvent pas les voix modérées Musulmanes "

Il faut préciser que de nombreux Juifs dans le monde sont prêts à aider et à renforcer Israël, en cette période cruciale et la plus dangereuse depuis sa création. L'initiative actuelle d'établissement de liens avec l'Asie Centrale devrait donc être étendue.

Quand on pense qu'Israël a toujours eu des relations pacifiques avec le plus grand pays Musulman, l'Indonésie, et qu'elle a même noué des relations discrètes avec des princes saoudiens, on peut aussi penser que les grains semés au Kazakhstan ont beaucoup de chance de germer en un dialogue judéo musulman beaucoup plus large.