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En forme d'espoir : ma communauté idéale
Par Moïse Rahmani, journaliste et écrivain, www.sefarad.org
J'ai écrit ce texte il y a plus de dix ans, en mai 1992,
pour le cinquantième numéro de Contact J, le mensuel juif belge que j'avais
aidé à naître en octobre 1987. Dix ans après, je continue à rêver mais le
rêve est rendu chaque jour, hélas, un peu plus difficile...
Cette communauté idéale c'est celle du grand-père qui emmène à pied, à travers n'importe quel quartier de la ville, ses petits-enfants le vendredi soir à la synagogue. Celle-ci est grande ouverte. Nul besoin de service de sécurité - pourquoi faire -. Les gens devisent à la porte. Autant de monde au dehors que dedans. Des voisins, chrétiens et musulmans, viennent leur souhaiter « Chabbat Chalom ».
Cette communauté idéale serait d'entendre Oum Kalsoum à la radio juive et Hava Naguila sur la fréquence arabe lors de la messiba, de la fête annuelle judéo-musulmane. A cette occasion il y aurait le grand tournoi de tric-trac. Les commentaires seraient, comme d'habitude, savoureux.
Les mouvements de jeunesse juifs entraîneraient ceux de la jeunesse arabe dans une Hora et ces derniers leur enseigneraient la danse du ventre. Nous dégusterions, tous ensemble, le chawarma et le houmous en buvant du Sidi Brahim cachère ou de la bière israélienne sans alcool, et le silence de l'amitié.
Cette communauté idéale, je la vois recevoir des cartes de voeux du Club Chalom-Salam-Paix en visite sur les sites archéologiques de Palmyre, avant de « faire » en bus Damas-Tel-Aviv car il a choisi le circuit Israël, Palestine, Jordanie, Syrie et Liban. Ce voyage est cependant déjà démodé. L'endroit « in » est le Chatt el Arab où un club Moriah vient d'ouvrir ses portes.
Cette
communauté idéale, c'est de voir aussi bien à Jérusalem qu'à Riyad, Rome, Paris
et Bruxelles ou à Bagdad, Sanaa et Téhéran comme à Tel-Aviv, Gaza et Jéricho,
s'implanter une succursale de l'Ecole des Traducteurs de Tolède où des
chercheurs juifs, musulmans et chrétiens travailleraient de concert afin que
nos enfants et les enfants de nos enfants transmettent à leur tour cet héritage
de l'Age d'Or : tolérance et respect de l'autre. Où les extrêmes, de droite ou
de gauche seraient celles des places à table et où le Grand Satan ne serait que
le diable et rien d'autre.
Dans ma communauté idéale je ne serais plus étonné lorsque le chef de l'Etat d'Israël se rendrait dans un pays arabe ou quand l'un de ses homologues d'un état voisin visiterait l'Etat hébreu. Ce serait de ne pas être envahi d'une joie sauvage et d'une intense émotion lorsque le CHAI (vivant) , la Communauté Harmonieuse Arabe-Israël fêtera l'anniversaire de sa fondation. Quand les médailles commémoratives frappées à Jérusalem et au Caire le seront pour le lancement d'un satellite de télécommunications arabo-israélien ou pour fêter la première transplantation cardiaque entre un habitant de Tel-Aviv et un de Tripoli avec un coeur en provenance de la banque commune d'organes. Quand les timbres saoudiens ou libyens porteront « Moyen-Orient » et seront en hébreu et en arabe et quand la finale de la coupe du monde de football verra le match nul entre la sélection israélo-jordano-palestino-syro-saoudo-égypto-christiano et celle de la christiano-égypto-saoudo-syro-palestino-jordano-israélo et où Juifs, Musulmans et Chrétiens feraient ensemble le V de l'Amitié.
Cette communauté idéale... Dring ! Le réveil grelotte ; dehors, le temps est gris, il crachote. La radio vomit le décompte des morts dus aux attentats et à la répression, ce cycle quotidien infernal ! Je voudrais me rendormir et reprendre mon songe. Difficile. Mais, un jour, inch'Allah, be ezrat Hachem, si Dieu le veut, ce rêve sera réalité. A nous seulement de le réaliser.