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FAUT-IL DISSOUDRE LES NATIONS  UNIES ?

 

Par Isy Leibler, premier vice-président du Congrès Juif Mondial

Paru dans le The Jerusalem Post du 25 mars 2003

Traduit par Monique Siac  

 

"Le monde civilisé se porterait mieux si les Nations Unies, sous leur forme actuelle, pouvaient disparaître". Cette opinion est partagée par un nombre croissant de personnes, y compris par des analystes modérés de la scène internationale.

Lorsque j'étais un jeune homme n'écoutant que ses sentiments, j'étais plein de respect pour les Nations  Unies. Elles représentaient un formidable espoir pour l'humanité en tant que forum global créé par les Alliés après la défaite du Nazisme, pour s'assurer que le monde ne serait plus jamais menacé par des barbares génocidaires. Les Nations Unies se donnaient pour but de créer un environnement dans lequel la moralité et le droit domineraient la scène internationale.

 

Je me souviens d'avoir rendu hommage avec fierté à l'institution internationale qui avait avalisé la création d'un Etat juif, le 29 Novembre 1947, lorsque les Etats-Unis et l'Union soviétique farouchement antisémite avaient miraculeusement uni leurs voix en faveur de la naissance d'Israël. Hélas, les rêves et les espoirs des premiers jours se brisèrent bientôt . En dépit de sa charte généreuse attachée à la défense des Droits de l'homme, les Nations-Unies n'ont jamais été à la hauteur de leurs idéaux.

Elles ont été utilisées comme une arène où les pays occidentaux et les Russes pouvaient s'affronter au moyen de mots et non d'armes nucléaires. Mais depuis l'effondrement de l'Union Soviétique, les Nations  Unies n'ont fait que suivre la même voie que sa malheureuse devancière, la Société des Nations, faisant preuve d'impuissance dans pratiquement tous les domaines relevant de la sécurité collective et échouant ainsi lamentablement à prévenir de terribles tragédies au cours desquelles des millions d'êtres humains ont trouvé la mort.

 

Prenons par exemple le cas du Rwanda, qui subit en 1994 le génocide le plus sanglant que le monde ait jamais connu depuis les Nazis. Les Nations Unies y disposaient alors d'une force importante, mais lorsqu'un débat sur ce sujet s'embourba au Conseil de Sécurité, Kofi Annan rappela les forces de maintien de la paix, et en moins de 100 jours, plus d'un million de Tutsis furent sauvagement massacrés. Plus tard, le Conseil de Sécurité approuva une intervention militaire dirigée par la France, qui, paradoxalement, permit aux tueurs Hutus de disposer d'un asile sûr.

L'année suivante, en 1995, à Srebrenica, en Bosnie, un bataillon des Nations Unies livra plus de 8000 civils musulmans aux Serbes, qui s'empressèrent de les massacrer jusqu'au dernier. Les Nations Unies n'ordonnèrent pas la moindre enquête à la suite de cette atroce tuerie, et Kofi Annan, qui devait plus tard recevoir le Prix Nobel de la Paix, se contenta de quelques bonnes paroles moralisatrices.

Enfin, l'imbroglio yougoslave au cours duquel 250 000 personnes furent tuées, ne prit fin que lorsque les Américains, contournant le Conseil de Sécurité, intervinrent directement.

 

Mais là où l'hypocrisie des Nations  Unies est la plus révoltante, c'est dans son attitude discriminatoire envers Israël. Là, la tartufferie se manifeste sans vergogne.. Alors même que l'Irak était à l'ordre du jour, les Nations Unies continuaient à consacrer davantage de temps à blamer Israël qu'à traiter n'importe quel autre problème.

Je me souviens d'avoir demandé à Kofi Annan, lors d'une réunion publique , il y a trois ans, à Jérusalem, s'il se rendait compte de l'inquiétude ressentie par la plupart des Juifs vis-à-vis des Nations Unies, en raison de leur parti-pris contre Israël. Il reconnut que s'il était juif, la position des Nations Unies l'inquiéterait lui aussi, et il s'engagea à veiller à ce qu'il n'y ait jamais plus de discrimination envers Israël.

Inutile de dire que Kofi Annan manqua à sa parole. En fait, sous son mandat, le parti-pris et la calomnie envers Israël n'ont cessé de s'accroître de manière spectaculaire, ainsi qu'en témoigne l'absence de distinction faite entre les actions d'auto-défense israéliennes et les atrocités dues aux attentats-suicides palestiniens.

Nous avons eu un exemple flagrant de partialité en Octobre 2000, lorsque les Nations Unies ont refusé, de manière scandaleuse, de transmettre aux Israéliens des copies de cassettes vidéos filmées lorsque des terroristes du Hezbollah s'étaient infiltrés en territoire israélien et avaient enlevé trois soldats de Tsahal. Ceci cadrait parfaitement avec le peu d'empressement de l'UNIFIL à s'opposer aux incursions terroristes en territoire israélien, même après qu'Israël se soit retiré du Liban.

Mais la pire des abominations fut sans doute la conférence organisée à Durban sous les auspices des Nations Unies en Septembre 2001, qui dégénéra en curée raciste rappelant les grands rassemblements nazis de Nuremberg. L'histoire retiendra cet événement comme étant la base de lancement de la nouvelle vague "globale" d'antisémitisme anti-sioniste.

 

Au cours de l'an passé, l'hypocrisie et l'attitude discriminatoire des Nations Unies ont atteint leur apogée. La Syrie, un refuge pour les groupes terroristes, et dont le représentant à l'ONU persiste à soutenir que les Juifs utilisent le sang des enfants chrétiens pour fabriquer le pain azyme, a été élue à la présidence du Conseil de Sécurité.

Quelques mois plus tard, comble de l'hypocrisie, la Libye, ce porte-drapeau vertueux des droits de l'homme, était élue à la présidence de la Commission des Droits de l'Homme des Nations  Unies. Et, pour couronner le tout, l'Irak était choisi, un peu plus tard, pour présider la Commission du Désarmement de l'ONU, un honneur que les Irakiens eux-mêmes déclinèrent, craignant de fournir aux médias internationaux l'occasion de se livrer à des révélations peu glorieuses.

 

En vérité, les Nations  Unies, cette institution créée pour défendre les droits de l'homme, a toujours fermé les yeux sur les atrocités commises au grand jour par ses membres, même lorsqu'elles s'exercent envers leurs propres citoyens.

Pour ne citer que quelques exemples: la réponse russe à l'insurrection et au terrorisme tchétchènes, lorsque la capitale, Grozny, a été rasée, laissant 700 000 cadavres sur le terrain; la main-mise de la Chine sur le Tibet; l'assassinat ou la mise en esclavage de millions de Chrétiens et d'animistes par le gouvernement islamique du Soudan; les crimes terribles commis par Saddam Hussein contre son propre peuple, et le massacre de plus de 250 000 Algériens dans une guerre civile sans merci, sans compter tous les autres régimes tyranniques qui dénient à leurs sujets les droits les plus élémentaires.

Les démocraties européennes, à moins d'être directement impliquées, se cachent toujours la tête dans le sable et s'abstiennent, lors des votes, alors qu' elles auraient pu, parfois, jouer un rôle de leader sur le plan moral. Mais dans la plupart des conflits, plutôt que de désigner clairement l'agresseur, elles préfèrent penser que tout se vaut sur le plan moral, en répétant des clichés vides de sens sur le "cycle de la violence".

Dans ce maelström d'amoralité, Kofi Annan se présente comme le porte-parole de la sécurité collective et de la paix. Pourtant, bien qu'ayant approuvé, en quelques occasions, l'usage de la force, sans l'approbation de l'ONU, pour se débarrasser de certains tyrans, il a eu le front de déclarer illégitime la guerre menée par les Etats-Unis contre Saddam Hussein, l'homme qui a éliminé plus d'un million de ses propres citoyens, et dont l'accès aux armes nucléaires et chimiques menace l'humanité tout entière.

 

Le fait d'utiliser le Conseil de Sécurité pour empêcher les Etats-Unis de neutraliser Saddam rappelle immanquablement la Société des Nations. L'Histoire retiendra que les pays pratiquant une politique d'apaisement qui a amené Hitler au pouvoir dans les années 30 sont les mêmes qui, sans tenir compte des aspects moraux en jeu, ont encouragé les Irakiens à croire que les Etats-Unis se trouveraient dans une impasse, et ont rendu, ce faisant, la guerre inévitable.

La crise au sein du Conseil de Sécurité a provoqué une situation grotesque dans laquelle le président des Etats-Unis et son Secrétaire d'Etat ont littéralement dû prospecter, solliciter des soutiens et même acheter les voix de petits états vénaux comme la Guinée et le Cameroun.

Il est clair qu'une organisation dont le but est d'assurer une sécurité collective globale, se déconsidère si, pour pouvoir agir, ses membres les plus importants sont obligés d' exploiter le cynisme, la corruption et l'hypocrisie.

On souffrait en entendant récemment le Premier ministre anglais Tony Blair et son ministre des Affaires Etrangères recourir à tous les clichés les plus éculés sur l'importance des Nations Unies et leur rôle vital dans le maintien de la sécurité collective.

Le président Bush avait explicitement averti que tout échec des Nations Unies à mettre en œuvre leur résolution sur l'Irak, aurait pour conséquence leur disqualification. Il est donc regrettable que, dans son allocution à la veille de la guerre, et pour tenir compte de la situation politique de son loyal allié anglais, George Bush ait fait allusion à un futur rôle possible pour les Nations Unies, sous-entendant ainsi qu'elles pourraient retrouver leur pouvoir.

 

Il est temps de regarder la réalité en face et d'avoir le courage de dire nettement qu'en dépit des espoirs et des aspirations élevées des créateurs des Nations Unies en 1945, elles ont fait la preuve de leur terrible échec et n'ont plus de raison d'être. Il faut également déclarer sans équivoque qu'une organisation dominée par des dictatures et des régimes tyranniques ne pourra jamais constituer une force morale digne de ce nom. Par conséquent, les Etats-Unis, étant la seule super-puissance et la première démocratie du monde, devraient maintenant songer à créer une nouvelle association multilatérale d'Etats, limitée aux pays démocratiques faisant preuve de respect pour les droits de l'homme. Une telle institution pourrait également s'engager à une responsabilité collective réelle et se faire l'agent de promotion de la démocratie à travers le monde.

Les régimes autocratiques devraient procéder à des réformes pour pouvoir être admis , mais les dictatures et les régimes répressifs seraient tenus à l'écart.

 

Lorsque les Européens se ressaisiront de leur faux-pas dans l'irresponsabilité et réaliseront leur folie de vouloir calmer les ennemis du monde civilisé plutôt que de les affronter, ils reconnaîtront, nous l'espérons, tout le profit qu'ils retireraient à participer à une telle association volontaire de nations démocratiques.

Ce serait infiniment plus sage que de maintenir en vie de manière artificielle une institution qui permet aux régimes tyranniques et aux Etats-voyous d'exercer une influence sur des décisions politiques collectives qui influent sur la vie et la mort de millions d'individus.