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La Solitude des Kurdes

Par Dov Zerah

10 Avril 2018

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Comptant 30 à 40 millions de personnes, les Kurdes sont présents dans plusieurs pays, l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie. Quoique majoritairement musulmans sunnites, ils sont malaimés dans leur pays au point de vouloir créer leur propre Etat.

Il convient de relever qu’existent des Kurdes de confession israélite. Dans les années cinquante, ils sont nombreux à quitter l’Iran et l’Irak et à rejoindre Israël où on en compte aujourd’hui 200 000, principalement dans la région de Jérusalem. Ce fait peu connu constitue une des raisons du soutien israélien au mouvement indépendantiste kurde.

L’Etat kurde fut une réalité de 1844 à 1846 lorsque l’émir Bédir Khan a créé une principauté kurde qui s’étendit de la Perse au Tigre.

En 1920, le traité de Sèvres relatif au devenir de l’Empire ottoman envisage la perspective de l’autonomie pour les provinces kurdes avec la possibilité de la création d’un Etat. Mustapha Kemal refuse de signer le traité. Les Occidentaux acceptent le diktat turc. Trois ans plus tard, le traité de Lausanne revient sur cette ouverture politique. La revendication nationaliste kurde est sacrifiée dans le cadre de la relation avec une Turquie renaissante par la révolution kémaliste.

En 1946, la République kurde de Mahābād en Iran est durement réprimée par le Shah Mohammad Reza Palhavi.

La relation entre les Kurdes et l’Irak est conflictuelle depuis la formation de l’Etat au début des années vingt. Jusqu’au milieu des années quarante, la contestation armée des Kurdes s’est développée, mais n’a pas débouché, car le leadership kurde était trop divisé. Depuis, elle n’a cessé de perdurer.

En 1970, le leader nationaliste emblématique, Mustapha Barzani, a fini par obtenir la signature d’un traité reconnaissant l’autonomie des provinces kurdes d’Irak, mais Saddam Hussein ne l’a pas respecté.

Soutenue par les Kurdes, l’intervention américaine de 2003 va conduire à l’adoption de la constitution de 2005 qui reconnait une très large autonomie au Kurdistan. Les Kurdes vont chercher à profiter du chaos qui règne dans le pays d’abord avec la rébellion sunnite, puis avec Daesh. Ils sont abandonnés une nouvelle fois par l’Occident, et plus particulièrement par les Américains, qui refuse la partition du pays et la remise en cause de la construction vieille d’un siècle.

En Syrie, les Kurdes sont principalement localisés dans les trois cantons nord, à la frontière avec la Turquie, Afrin, Jézireh et Kobané. Régulièrement persécutés par Damas, comme en 2004 à Qamichli, les Kurdes vont être courtisés par le régime avant de s’engager contre l’Etat islamique ; le Président Bachar El Assad décide de naturaliser 300 000 kurdes réfugiés sur le sol syrien et jusque-là considérés comme apatrides.

 

Au cours des dernières années, soutenus par les Américains, les Kurdes se sont particulièrement distingués dans la bataille pour Kobané de septembre 2014 à juin 2015.

Les Kurdes ont progressivement consolidés leur présence sur ce territoire syrien, et annoncent en mars 2016 la création d’une « région fédérale », se dotent en décembre de la même année d’un « contrat social » qui s’apparente à une constitution ; en 2017 les habitants de cette province élisent leurs conseils municipaux.

La perspective de la création d’un Etat kurde, « le Rojava », inquiète la Turquie qui craint une contagion sur son propre territoire en réveillant l’irrédentisme kurde qu’il combat depuis de nombreuses années sans aucune complaisance.

Le 10 février, les forces armées turques ont fini par intervenir dans la zone d’Afrin. Après avoir subi de lourdes pertes, les Turcs l’ont emporté dans l’indifférence totale. Le Président Erdogan veut affaiblir les Kurdes, tant en Turquie qu’à l’extérieur ; il cherche aussi à renforcer son influence en Syrie quelque peu écornée après l’amélioration de la situation de son ennemi Bachar El Assad grâce au soutien russe.

Après avoir été utilisés, voire instrumentalisés dans la lutte contre DAESH, les Kurdes sont abandonnés une nouvelle fois au voisin turc, même si la France et Israël continuent de les aider, et que le Président Donald TRUMP a repris l’aide interrompue à son arrivée. Cela sera-t-il suffisant ?

Aujourd’hui, la question se pose de savoir si le courage et la résilience des Kurdes leur permettra ou non de casser la barrière d’indifférence à leur égard ?