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ÉBRANLÉ PAR DES GENS CULTIVÉS
est-ce de l'ignorance, du mépris ou simplement de la
jalousie?
antisémitisme, parti-pris
anti-israélien, europe, amérique,
Par David Margolis, écrivain et journaliste israélien
Article paru dans le "The Jerusalem Report" du 14 juin 2004
Traduit par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued
Bzzzt! Je suis de plus en plus ébranlé par des amis de l'étranger quand la conversation tourne au sujet d'"Israël".
Une universitaire qui a fréquenté des juifs toute sa vie me confie qu'elle pense que la création de l'état d'Israël était une erreur. Un juif de gauche me prévient "j'ai des vues très radicales à propos d'Israël", sans m'en dire plus. L'éditeur d'un hebdomadaire de New York merveilleusement intelligent par ailleurs ne publie que des articles peu compatissants à l'égard d'Israël. Une femme libérale avoue ne "rien connaître du Moyen Orient", mais cela ne l'empêche pas d'émettre des opinions tranchées contre Israël.
À partir de quel moment ce qui est anecdotique devient-il le reflet d'une évidence? De plus en plus de gens corrects de gauche semblent mépriser mon pays ou voir sa disparition comme la nécessaire étape vers un "monde parfait".
À la manifestation de San Francisco de l'an dernier contre la guerre d'Irak, un certain nombre d'ahuris ont empêché Michael Lerner du Magazine "Tikkoun" de parler, car il défendait le droit à l'existence d'Israël, et les organisateurs de la "gauche normale" n'ont même pas bronché.
Une étude de l'ADL (anti-defamation league) de 2002 montre une brusque montée du sentiment anti-israélien en Europe, confirmé par un sondage récent affirmant que 59% des Européens considéraient Israël comme la plus grande menace pour la paix. La journaliste anglaise Mélanie Philips rapporte que "des manifestants de gauche défilant avec des islamistes fanatiques ont chanté "Hamas! Hamas! tous les juifs au gaz!". Même aux Etast-Unis, l'écrivain féministe Phyllis Chester rapporte avoir été bombardée d'insultes à l'Université Barnard, parce qu'elle a eu le malheur de défendre Israël devant un auditoire de femmes hispaniques et noires.
Cette plaie internationale a infecté aussi la gauche sioniste. Ceux qui sont branchés à l'Internet peuvent se rendre compte du dénigrement gratuit d'Israël. Quand un rabbin libéral connu de la côte Est me dit que le Hamas et Ariel Sharon sont au fond identiques – même si Israël accepte un compromis territorial avec les Palestiniens, alors que le Hamas s'en tient à le destruction d'Israël – je désespère de la logique et de la fraternité.
L'alliance de la gauche avec les forces d'oppression n'est pas nouvelle, bien sûr. La "gauche d'antan" aimait l'Union Soviétique avec toutes ses perversions et sa cruauté, et ses enfants dans la "nouvelle gauche" ont glorifié l'énorme machine du meurtre de la Chine maoiste (le viol-"génocide" du Tibet a disparu de la mémoire de la gauche). Je ne parle pas d'idéologues durs, mais de gens ordinaires qui allient des sentiments libéraux de gauche avec la haine d'Israël.
Les experts ont analysé ce phénomène et ont donné diverses explications: ignorance de l'histoire du conflit israélo-arabe; assimilation d'Israël avec le "colonialisme" américain; le lien entre Ariel Sharon avec Sabra et Shatila, et maintenant, avec "l'odieux Bush"; le manque de relations publiques d'Israël et la réussite des Palestiniens à se faire passer pour des victimes; une campagne arabe anti-israélienne et antisémite, bien huilée…
Tout cela est vrai sans doute, mais ceci n'explique pas pourquoi des gens intelligents à San Francisco sont devenus des partisans de la cause palestinienne, pourquoi le prix Nobel de littérature José Saramago compare la Palestine à Auschwitz et pourquoi le compositeur Mikis Theodorakis appelle les juifs "la racine du mal", et ce sont des gens tout à fait corrects.
Je ne prétend pas que ce que fait mon pays est toujours bien. Mais comment se fait-il que des gens ayant un tropisme automatique à l'égard de la démocratie, des droits de l'homme et de la femme, d'une société libre, se lient aussi facilement avec des régimes despotiques et corrompus et avec des gens qui envoient d'autres se faire exploser dans des lieux publics ? Comment se fait-il qu'il importe peu qu'Israël, avec toutes ses erreurs, soit "le seul pays dans cette région stérile…dans lequel n'importe quel féministe, athée, homosexuel ou syndicaliste puisse supporter d'y vivre ", comme dit la journaliste Julie Burchill, en démissionnant du journal "The Guardian", afin de protester contre son étonnant parti-pris contre Israël.
Mes amis sont des gens cultivés et tolérants avec lesquels je partage un large éventail d'opinions politiques et le même mode de vie. Cependant ils ne sont pas émus par le fait que l'objectif d'une partie non négligeable des Palestiniens reste la destruction de mon pays. Ils ignorent ou occultent le refus obstiné de compromis des Palestiniens, alors que les électeurs israéliens votent pour un compromis à chaque opportunité… L'ampleur morale des réalisations israéliennes face à une hostilité sans limite de ses voisins n'a apparemment pas de poids pour eux.
Je suis donc à la recherche d'autres explications, peut-être que la métaphysique se mélange-t-elle au politique. La renaissance quasi-miraculeuse de la nation juive et de son retour n'insulte-t-elle pas la religion universaliste de la gauche, en suggérant une fois de plus le caractère unique du judaïsme ? Ou bien la rancœur de la gauche n'est-elle qu'une simple expression de leur antagonisme ancestral, comme si cette hostilité a été conçue dès le début par D. lui-même? Mes amis ne sont certainement pas antisémites, mais je me demande s'ils ne sont pas comme ces "canaris dans une mine", inconscients alors qu'ils sombrent sous l'effet de gaz mortels. Et, au delà de la politique et de la métaphysique, comment vais-je m'en sortir personnellement, alors que mes bons amis deviennent aussi mes ennemis?
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