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LA SECONDE GUERRE FROIDE

Similarités entre l’Iran islamiste et l’Union soviétique.

 

Par DAVID HAZONY, rédacteur en Chef de la revue Azure dont le numéro de printemps comportait le présent article. www.azure.org.il

4 avril 2007 – Opinion Journal, émanation du Wall Street Journal

Article traduit par Fred Rothenberg pour www.nuitdorient.com

 

Nous vivons une nouvelle guerre froide. Bien qu’il n’y ait plus aujourd’hui d’Union Soviétique, les ennemis des démocraties occidentales, soutenus par un conglomérat d’Etats islamiques, de groupes terroristes et d’insurgés ont entrepris de travailler ensemble avec une unité rappelant la menace soviétique. Non seulement en fournissant des fonds, une formation et des armes à ceux qui cherchent à détruire la démocratie, non seulement en organisant des attaques contre Israël, les Etats-Unis et leurs alliés autour du monde, non seulement en recherchant des progrès technologiques qui leur permettraient de menacer la vie de chaque citoyen occidental, mais aussi en élaborant une vision claire d’une lutte permanente, intraitable et finalement victorieuse contre l’Occident—une idée qu’ils répandent de manière claire et consistante, avec une efficacité brutale. 

 

C’est cette conception stratégique claire qui donne aux ennemis de l’Occident un avantage certain, même s’ils sont de loin inférieurs en nombre, opulence ou armement. De Téhéran à Tyr, de Tchétchénie aux Philippines, du sud irakien aux montagnes d’Afghanistan, aux madrassas de Londres, Paris et le Caire, ces forces sont unifiées vers l’objectif de mettre en déroute l’Occident, son mode de vie, ses systèmes politiques et ses valeurs de liberté. Et tous les jours à cause de cette clarté, leur pouvoir et leurs ressources s’accroissent, lorsqu’ils attirent des alliés extérieurs au monde islamique : au Vénézuela, en Afrique du Sud, en Corée du Nord. 

Au centre de tout ceci bien sûr est l’Iran. Un état jadis ami qui s’est engagé dans une campagne résolue, à grands frais pour sa propre économie, pour gagner le titre de puissance globale. Par infusion massive de fonds, de matériel, de formation et de personnel aux forces anti-occidentales du Liban (le Hezbollah), à l’Autorité Palestinienne (Hamas et Djihad islamique) et aux rébellions Sunnite et Shiite en Irak. Par une poursuite sans relâche de la fabrication d’armes nucléaires, et de programmes de développement de missiles à longue portée et de satellites. Par des forces armées hors de proportions et par de gigantesques stocks d’armes chimiques et biologiques. Par des initiatives diplomatiques partout dans le monde. Et par un combat idéologique contre la démocratie, le Sionisme et le souvenir de la Shoa. Pour les combattants de l’extrémisme Islamique et du Djihad politique, l’Iran est devenu le modèle de la détermination.   

L’Occident par contre ne bénéficie pas d’une même intelligibilité. Aux Etats-Unis, l’Irak est devenu une préoccupation majeure, largement comparé à un "bourbier" de type vietnamien coûtant des milliers de vies américaines, sans qu’on puisse envisager une fin heureuse ou malheureuse.

(Alors que résonnent encore les résultats des élections législatives de 2006, il est dur d’entendre les muezzins du Moyen-Orient appeler les croyants à profiter du malaise occidental).  Les Européens continuent à rechercher des solutions diplomatiques,

Alors même qu'ils affrontent en leur propre sein des islamistes puissants et riches ou leurs alliés dans les médias et les milieux intellectuels—des forces qui agitent les opinions publiques, non pas contre l’Iran ou la Syrie qui recherchent leur destruction, mais contre leurs alliés naturels, les Etats-Unis et Israël.

 

On entend dire maintenant partout en Occident, et de plus en plus, qu’un Iran nucléaire est un fait avec lequel on devrait "apprendre à vivre", que l’Irak nécessite une "stratégie de sortie" et que la vraie clé pour la paix n’est pas dans la victoire, mais dans la négociation d’accords entre Israël et les Palestiniens et d’engagements avec la Syrie et l’Iran. Les Israéliens eux-mêmes souffrent d’un manque de clarté: en séparant la question palestinienne de la lutte contre le Hezbollah et l’Iran et en déplaçant le débat vers les concessions territoriales et l’échange de prisonniers, les Israéliens dopent l’agression et la terreur, ignorent le rôle du Hamas dans l’ensemble du conflit et envoient des signaux contradictoires aux Syriens. Comme les Américains en Irak, les Israéliens ont perdu de vue la nature de leurs ennemis, la détermination de ceux-ci et ce qui sera nécessaire pour les défaire.        

 

Les grands dangers pour l’Ouest et Israël ne sont donc ni les armes ni les plans de bataille, mais le processus de réflexion. Comme la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide, ce conflit ne pourra pas être gagné sans des objectifs clairs. Même les actions les plus immédiatement nécessaires, comme arrêter l’effort nucléaire iranien, nécessitent des leaders qui comprennent la nature de la menace et bénéficient d’un support de l’opinion publique leur permettant d’agir de manière effective. Mais pour réaliser ceci un investissement considérable est nécessaire dans le domaine des idées—une bataille pour l’esprit doit être gagnée avant que la bataille pour la liberté ne soit effectivement engagée 

 

Israël en particulier a un rôle central à jouer. En tant qu’état de la ligne de front du conflit et en tant que symbole pour l’agression islamiste, c’est Israël que le monde entier regarde pour savoir comment il va réagir. Dès sa naissance Israël a servi de modèle à l’Occident. Lorsqu’il approfondissait ses valeurs démocratiques malgré la série de guerres qui lui étaient imposées. En combattant opiniâtrement la terreur depuis la défaite de l’OLP au début des années 1970 à Gaza, puis le raid d’Entebbe en 1976, jusqu’à l’opération Bouclier Défensif en 2002. En frappant préventivement ses ennemis qui combinaient leur rhétorique génocidaire avec l’achat d’armes sophistiquées comme le faisaient l’Egypte et la Syrie en 1967 et l’Irak en 1981.

 

Israël peut à nouveau servir d’état modèle fier de son héritage, une démocratie qui sait comment combattre des adversaires tyranniques sans perdre son propre caractère. Mais pour réaliser ceci Israël devra aussi disperser la brume conceptuelle au milieu de laquelle il opère, reconnaître les coûts stratégiques de résultats ambigus, comme ceux de la guerre du Liban l’été dernier, et adopter une vision et un plan d’action clairs et cohérents. Pour que l’Occident puisse agir de manière claire et décisive, il peut avoir besoin qu’Israël lui montre la voie.

 

A quoi devrait ressembler une telle lutte ? Nous ne devrions pas craindre d’appeler ce conflit par son nom: la Seconde Guerre froide, où l’Iran jouerait à peu près le même rôle que l’Union soviétique. Comme l’U.R.S.S., l’Iran est un ennemi que les puissants Etats-Unis ne rencontreront probablement jamais directement sur le champ de bataille, mais qu’au contraire ils doivent combattre par alliés interposés là où ils le peuvent. Comme l’Union soviétique, le régime des ayatollahs est basé sur une révolution idéologique qui réprouve la liberté humaine et soumet ses opposants politiques à l’emprisonnement et à la mort, un régime qui pour garder le soutien populaire doit continuer à fomenter de semblables révolutions partout où il le peut, pour montrer qu’il est historiquement du côté des vainqueurs. Et comme l’Union soviétique des années 1980, le régime iranien aujourd’hui a deux faiblesses claires qui pourraient entraîner sa chute: la stagnation économique et la désaffection idéologique.

 

Avec un chômage et une inflation à plusieurs chiffres, une dépendance structurelle croissante au pétrole, des investissements étrangers directs négligeables et un marché boursier qui a perdu plus de 30% depuis l’élection du Président Mahmoud Ahmadinejad, les dépenses importantes de l’Iran dans des guerres extérieures, pour son propre armement et pour celui de groupes terroristes, doit peser sur le soutien au régime, en fin de compte. De plus aujourd’hui la majorité des iraniens ne s’identifie pas avec l’idéologie du gouvernement islamiste et parmi les jeunes le régime est largement décrié.

 

Est-il possible de faire chuter l’Iran révolutionnaire ? En dépit des différences évidentes l’Ouest peut tirer de nombreux enseignements de la façon dont la victoire a été obtenue dans la Première Guerre froide. Conduits par les Etats-Unis, les pays occidentaux ont monté au cours des années 1980 une campagne sur plusieurs fronts—militaire, technologique, diplomatique, relations publiques, opérations secrètes pour convaincre les élites soviétiques que leur régime échouait sur toute la ligne et courait à l’effondrement. En intensifiant délibérément la course aux armements et par des sanctions commerciales contre les Soviets, les américains accentuèrent la pression sur leur économie. En soutenant des groupes dissidents, en diffusant des émissions de radio vers l’Europe soviétique et en multipliant les déclarations dramatiques comme le fameux discours de Ronald Reagan devant le mur de Berlin en 1987, l’Ouest renforça les opposants internes au régime. Et en soutenant les forces anticommunistes partout dans le monde de l’Amérique latine à l’Afrique, de l’Europe Occidentale à l’Afghanistan, l’Occident arrêta l’expansion du bloc communiste et même commença à le repousser. Dans tous les cas l’objectif était le même, faire clairement savoir aux élites soviétiques dont dépendait la légitimité du régime qu’ils étaient du mauvais côté de la barrière historique.

 

En combinant l’économie défaillante de l’Union Soviétique et la désaffection idéologique répandue du peuple—ressemblant bien à ce que l’on voit aujourd’hui en Iran—la stratégie multiforme occidentale réussit à renverser ce qui du temps de Jimmy Carter était considéré comme un mastodonte historique en expansion irrépressible, qu’au mieux l’Occident pouvait contenir, ou avec lequel il pouvait pratiquer la détente. Ses vastes arsenaux nucléaires, ses prétentions à une domination globale, son idéologie cohérente sur l’histoire du monde—rien de tout cela ne réussit à le protéger contre les efforts déterminés et unis du monde libre. Mais cela nécessita avant tout une évolution spirituelle qui commença dans le monde libre: la croyance en la possibilité de la victoire, que l’Union soviétique n’était pas éternelle et qu’un effort concerté pouvait changer l’histoire. Cela requit une nouvelle intelligibilité de l’objectif.

 

Dans beaucoup de domaines l’Iran est un adversaire plus facile à contrer que l’Union soviétique. Il n’a pas encore d’armes nucléaires ou de missiles intercontinentaux. Son idéologie islamiste est bien moins attractive. Ses systèmes de contrôle de la pensée sont considérablement inférieurs au goulag et au KGB. Et sa révolution n’est pas assez ancienne pour avoir fait oublier à son peuple les souvenirs de jours meilleurs. En théorie au moins il devrait être plus facile pour l’Ouest de monter une campagne de pressions sans relâche sur le régime—depuis la fomentation de dissensions par internet, à la déstabilisation du régime par des groupes insurgés à l’intérieur de l’Iran, à la destruction du projet nucléaire iranien, à des sanctions économiques toujours plus lourdes, à une lutte victorieuse contre les guerres par procuration que l’Iran suscite sans arrêt—pour réussir à changer l’impulsion et permettre au peuple iranien d’abattre son régime, comme l’ont fait les peuples des pays communistes dans les années 1980 et 1990.

 

En fait, c’est à cause de l’apparente fragilité des ayatollahs que l’Ouest a négligé de faire attention aux similitudes entre la menace d’aujourd’hui et celle des soviets, il y a une génération. Car malgré leur faiblesse sur le papier, les forces du Djihad sont en parfait ordre de bataille et sont prêtes à se battre jusqu’au bout. Si la technologie et le progrès industriel leur manquent, elles compensent ces carences par le charisme, la finesse en relations publiques, la détermination, la cohérence idéologique et l’esprit de suicide. Par-dessus tout elles possèdent l’assurance, la clarté et la volonté de sacrifice qui améliore sensiblement leurs chances de victoire et d’expansion continue jusqu’à ce qu’elles soient arrêtées par un ennemi aussi déterminé.

 

La chute du régime iranien ne mettra pas un terme au Djihad global. En dehors du mouvement messianique Shiite, il y a un monde de révolutionnaires Sunnites ou Wahabites, d’Al Qaeda au Hamas, déterminé à combattre l’Occident même sans l’aide iranienne—de la même manière que le communisme antiaméricain ne s’est pas arrêté avec la chute de l’Union Soviétique. Pourtant il ne peut y avoir de doute qu’aujourd’hui c’est l’Iran qui s’est acquis le plus de lauriers, a fourni au Djihad global ses plus grands espoirs et aussi ses plus abondants fonds et a obtenu les plus impressionnantes victoires contre l’Ouest et ses alliés au Moyen-Orient – en particulier en Irak où les insurgés par procuration ont rendu vains les efforts américains et ont même causé des mouvements en politique intérieure des Etats-Unis. L’Iran n’est pas l’unique adversaire, mais c’est le meneur parmi eux. Ce n’est que par la défaite de l’Iran que la vague de la Seconde Guerre froide pourra être endiguée.        

 

           

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