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Jérusalem, le Billet
d’Humeur d’un Réalisateur Franco-Israélien
Par
Pierre Rehov, reporter, écrivain et réalisateur de documentaires
sur les conflits du Proche Orient. Son dernier film Jérusalem Dévoilée retrace l’histoire
de la ville trois fois sainte.
FigaroVox - 29/12/17
Le réalisateur Pierre Rehov revient sur la décision de Trump
de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Il s’étonne de l’indignation
internationale provoquée par cette décision.
Suite à la décision du Président Trump
d’exécuter la loi bi-partisane du congrès américain
de 1995 qui reconnaît à Israël le droit de définir Jérusalem sa capitale et
invite le département d’état à y transférer son ambassade, il fallait
s’attendre aux révoltes d’une grande partie du monde musulman qui considère de
son côté le Mont du Temple ( Haram
Al Sharif ) comme son troisième lieux saint.
Il fallait également s’attendre aux réactions inquiètes de
nombres de gouvernements, notamment européens, qui, tout en ayant établi des
chancelleries à Jérusalem, et s’y rendant régulièrement ne serait-ce que pour
rendre visite à leurs homologues israéliens, s’offusquent de ce changement de
cap de l’administration américaine qui n’en est pas vraiment un. Clinton, Bush
et Obama l’avaient promis. Trump
a raison d’affirmer qu’il est le seul à avoir tenu cet engagement.
Ainsi que je l’écrivais dans Le Figaro en juin dernier, Jérusalem n’est pourtant devenue vraiment
importante pour les Arabes de Palestine qu’après la reconquête de la vieille
ville, y compris le Mont du Temple, en 1967.
Sous occupation jordanienne, ce secteur était totalement laissé
à l’abandon, ainsi qu’en témoignent nombre de photos d’époque. Il est également
à souligner que seuls les Musulmans avaient droit d’accès aux lieux saints des
trois monothéismes jusqu’à leur reconquête par Israël.
Des voix s’élèvent maintenant qui voudraient faire croire que la
reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat Hébreu est désormais un
obstacle au processus de paix.
Ce processus n’a, malheureusement, à ce jour, accouché que de
violences, tant les dirigeants palestiniens ont l’impression que la menace et
le recours à la terreur, tout en accusant Israël d’effet miroir, sont des
moyens plus efficaces d’obtenir la reconnaissance internationale, qu’un retour
à la table de négociations.
En Israël, nous le savons: ce processus, qui dure depuis vingt
ans, a surtout fait des victimes des deux côtés. Car, pour parvenir à un
accord, encore faudrait-il qu’Israël ait un authentique partenaire, qui ne se
contente pas de crier à «l’occupation» dès qu’il lui est demandé la moindre
concession. La réconciliation «attendue» entre l’Autorité Palestinienne et le
Hamas, est également un sujet d’inquiétude tout autant que le refus de Mahmud
Abbas de cesser de verser des salaires aux terroristes emprisonnés.
Israël devrait
avoir les mêmes droits, y compris celui de définir sa capitale à l’emplacement
de son centre administratif et de se dessiner des frontières défendables.
Il faut parfois le rappeler: Israël a beau être le pays des
Juifs, c’est un pays comme les autres, qui devrait avoir les mêmes droits, y
compris celui de définir sa capitale à l’emplacement de son centre
administratif et de se dessiner des frontières défendables. Le droit, aussi, de
ne pas être systématiquement calomnié et condamné par les Nations Unies, par le
truchement d’agendas qu’il est le seul à subir.
Comment, par exemple, l’UNESCO, a-t-elle pu arracher au peuple
Juif tout attachement à sa ville sainte, en déclarant Jérusalem ville occupée
et en renommant le Mont du Temple «Haram al sharif»? Personne n’avait cru bon intervenir entre 1948 et
1967, lorsque la quasi-totalité des synagogues et des cimetières juifs de
Jérusalem étaient détruits par l’occupant jordanien.
Il faut également se révolter contre une réécriture de
l’histoire, qui a conduit, par exemple, récemment, les Arabes de Palestine à
exiger de l’Angleterre qu’elle renie la déclaration Balfour.
Car l’on pourrait reprocher à Lord Balfour d’avoir promis au
peuple Juif la création d’un Foyer National sur cette terre à l’abandon, aride
et sans avenir qu’était la Palestine, après la victoire des démocraties
occidentales contre l’Empire Ottoman, mais le principal crime de l’Angleterre
ne serait-il pas plutôt d’avoir édicté en 1939 le «Livre Blanc» qui y
autorisait une immigration arabe massive tout en limitant celle des Juifs?
Petite parenthèse, ce «Livre Blanc» qui participa passivement à
l’extermination des Juifs d’Europe en les empêchant de trouver refuge en
Palestine mandataire, était signé Neville Chamberlain. Ce même Chamberlain qui,
en compagnie de Daladier, avait cru apaiser Hitler en lui abandonnant la
Tchécoslovaquie en 1938.
Je voudrais, un instant, faire appel à des témoins de renom, qui
ont décrit en leur temps cette région et qui, par leurs écrits, effacent la
mythologie d’une Palestine anciennement peuplée, dans laquelle les religions
vivaient en harmonie.
· Mark Twain, Les innocents, 1867
«La désolation présente est telle que l’imagination la plus
fertile ne pourrait gratifier ce paysage d’un semblant de vie ou de mouvement.
Nous n’avons pas vu un seul être humain sur notre
trajet. À peine ça et là un arbre ou un caroubier. Même l’olivier et le cactus,
derniers amis des sols pauvres, semblent avoir déserté ce pays. Aucun peuple ne
l’a considérée comme sa terre, son pays. Elle n’est plus qu’une province
lointaine, pauvre et perdue, livrée à des nomades. Les forêts ont disparu, les
villes tombent en ruine et pendant des siècles pas une ville nouvelle n’y sera
construite.»
· Chateaubriand, Voyage en Orient, 1811
«Tandis que Jérusalem sort ainsi du désert, brillante de clarté,
jetez les yeux entre la montagne de Sion et le Temple; voyez cet autre petit
peuple ( les Juifs ) qui vit séparé du reste des habitants
de la cité. Épris, il baisse la tête sans se plaindre; il souffre toutes les
avanies sans demander justice; il se laisse accabler de coups sans soupirer; on
lui demande sa tête: il la présente au cimeterre.»
Lorsque Federica Mogherini
et certains gouvernements affirment qu’il faudrait maintenant reconnaître
Jérusalem comme capitale de la Palestine, sur quel fondement juridique et
historique le font-ils? La sélection de certaines résolutions de l’ONU
suffirait-elle, quand le péché originel n’est autre que le rejet par tous les
pays arabes de la décision 181 déclarant la partition de la Palestine
mandataire et accordant de facto un état au peuple Juif?
Loin de moi, pour autant, d’affirmer que les Arabes de Palestine
n’ont aucun droit sur cette terre. Le propos de ce billet est à l’opposé de ce
que mes détracteurs voudront me faire dire. Car, pour citer Einstein, repris
d’une certaine manière par la Président Trump dans
son annonce du 6 décembre: «La folie c’est de toujours faire la même chose en
espérant obtenir des résultants différents».
Or, qu’ont fait l’Europe et les présidents américains successifs
jusqu’à l’élection de Donald Trump concernant le
Moyen Orient?
Trop de
dirigeants occidentaux croient bon de jouer l’apaisement en affirmant leur amitié
à Israël, tout en évitant les sujets qui fâchent.
Sachant parfaitement qu’une grande partie du monde arabe n’est
pas prête à reconnaître l’existence de ce que nombre de pays musulmans,
notamment l’Iran, continuent d’appeler «l’entité sioniste», trop de dirigeants
occidentaux croient bon de jouer l’apaisement en affirmant leur amitié à
Israël, tout en évitant les sujets qui fâchent.
N’était-il pas temps de mettre quelque barrière à cette
déliquescence politiquement correcte et d’affirmer des vérités? Ceux qui ont
écouté attentivement le discours de Trump, y ont
trouvé, contrairement aux déformations qu’il a automatiquement entrainé, une maturité et un réalisme encourageant pour le
processus de paix.
Jérusalem est la capitale d’Israël. Elle l’est car Israël n’a
pas établi son centre administratif dans la partie est, mais bien du côté
occidental de la ville qui, à terme, quelle que soit l’issue des négociations
avec l’Autorité Palestinienne, restera partie intégrante du pays. Mais la porte
est-elle pour autant fermée à la création d’une Palestine autonome et paisible,
avec l’aide de la communauté internationale?
N’était-il pas temps de se souvenir qu’Israël était victime au
quotidien d’attentats terroristes depuis sa renaissance, bien avant que l’état
Juif ne soit accusé d’occupation? Cette «occupation» qui sert désormais de
prétexte aux pires actes criminels, comme l’assassinat d’enfants et de jeunes
filles dans leur sommeil, ou le lancement de roquettes visant délibérément les
populations civiles par des organisations terroristes reconnues comme telles
par l’Europe et les Américains?
N’était-il pas temps, en reconnaissant Jérusalem comme capitale
d’Israël, de dire au monde arabe et musulman qu’il faut apprendre à partager,
que le nombre ne peut changer l’Histoire, et, pour citer Benjamin Netanyahu,
devant les ministres des affaires étrangères européens, que l’on ne «peut
construire la paix sur des mensonges»?
N’était-il pas temps d’expliquer, sinon imposer à Mahmud Abbas
qu’il ne peut continuer d’affirmer que Jérusalem est la capitale éternelle de
la Palestine, alors qu’elle ne l’a jamais été, puisque la Palestine n’a jamais
été un état ou un pays?
La déflagration consécutive à l’annonce pourtant prévue et
attendue de Donald Trump a permis de passer quasiment
sous silence une initiative pourtant encourageante de l’Arabie Saoudite et des
Etats-Unis en matière de paix régionale.
Selon le New York Times et plusieurs sources sérieuses, le
prince Mohammed Bin Salman aurait invité Mahmud Abbas à accepter une Palestine démilitarisée
dans les zones A et B – qui sont déjà totalement sous son contrôle – et Gaza,
avec Abu Dis pour capitale (il s’agit d’une banlieue peuplée de Jérusalem) plus
quelques échanges territoriaux correspondant aux réalités démographiques du
terrain et l’attribution par l’Egypte d’un vaste territoire dans le nord du
Sinaï, destiné à accueillir les descendants de réfugiés maintenus depuis trop
longtemps dans des camps, au Liban, en Syrie et en Jordanie.
L’Arabie
Saoudite et les Etats-Unis semblent prendre en compte les besoins sécuritaires
d’Israël tout autant que la nécessité d’aider les Palestiniens à développer une
économie indépendante.
Il s’agit d’un plan réaliste, qui permettrait enfin aux deux
aspirations nationales d’aboutir sans se chevaucher et par là même d’atténuer
les tensions régionales. Le prince Bin Salman aurait même indiqué à Abbas qu’il
devrait accepter ou céder la place à un dirigeant plus pragmatique.
Avec cette initiative plus réaliste qu’idéologique, l’Arabie
Saoudite et le nouveau gouvernement américain semblent prendre en compte les
besoins sécuritaires d’Israël tout autant que la nécessité d’aider les
Palestiniens à développer une économie indépendante dans des territoires
gérables. Le réalisme de terrain n’est-il pas la première qualité qui ait
manqué à toutes les initiatives précédentes?
En attendant, oui, la rue arabe est en pleine révolte. Gaza a
déjà envoyé quelques roquettes sur Israël, qui a répliqué par des tirs de tanks
et des bombardements ciblés, et l’armée a repoussé plusieurs manifestations
violentes faisant, hélas, des morts et des blessés.
Mais est-il vraiment bon, à long terme, de céder au chantage par
souci d’apaisement?
Il faudra donc attendre que le pragmatisme et le réalisme de la
nouvelle administration américaine fassent tache d’huile, car il y a bien
d’autres problèmes, éminemment plus urgents, à résoudre au Moyen Orient, que le
statut de Jérusalem. Même si certains s’en servent comme prétexte pour échapper
à la réalité ou pour pousser leur agenda politique.