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CONFLIT ISRAELO-HEZBOLLAH : TOUS LES MORTS SE VALENT

Par Victor Diatta

Paru dans le quotidien de Dakar (Sénégal), le Soleil, le 3/8/06

 

La principale information de toutes les chaînes de radio, de télévision et de la presse écrite est réservée à la guerre entre Israël et le Hezbollah basé au Liban. Les images de morts, d’immeubles effondrés et défoncés, de populations désemparées ne laissent personne indifférent. Et une troisième guerre mondiale hante les esprits.

La presse sénégalaise, particulièrement la télévision, par la magie de l’image, nous donne de constater essentiellement des cadavres de victimes des bombardements israéliens, des destructions d’immeubles et autres infrastructures vitales pour la vie d’une nation, la nation libanaise. Les reportages insistent sur le fait que les victimes sont des civils. Et c’est vrai, il y a beaucoup de civils dans le décompte, ce qui contribue à raffermir la colère des vrais militants de la paix dans cette région. Cependant, on oublie généralement de dire que cette guerre ne se situe pas seulement en territoire libanais, mais se vit aussi avec la même horreur en terre israélienne. En effet, au nord d’Israël, Haïfa, Kyriat Shmona, Tibériade et Nahariya vivent sous des pluies de roquettes du Hezbollah faisant de nombreuses victimes juives et arabes et des milliers de personnes sont dans des abris. C’est cela aussi la vérité qu’il faut dire. Il y a donc, de part et d’autres, des victimes tant civiles que militaires. Et tous ces morts, qu’ils soient
d’un côté ou de l’autre, se valent. Tous ces actes d’horreur doivent être dénoncés avec la dernière énergie par la Communauté internationale et combattus par tous ceux qui sont épris de paix, de cohabitation pacifique des peuples de la région.

Pour ce faire, il faut sûrement se demander comment en est-on arrivé à cette situation qui risquerait de s’embraser. Au moment où l’espoir d’une paix au Moyen-Orient se dessine avec le retrait de l’État hébreu du Liban en 2000, de Gaza l’année dernière et s’apprête à le faire pour la Cisjordanie, pourquoi ce réchauffement subit dans la région ?

Une dépêche de l’Organisation des Nations Unies du 18 juillet situe l’origine de la crise: "La crise actuelle au Moyen-Orient s’est développée sur deux fronts, à Gaza et au sud Liban ces derniers jours, après des attaques menées contre Israël depuis Gaza par des partisans du Hamas et depuis le Sud Liban par le Hezbollah".

C’est clair et net, ce que la Communauté internationale nous apprend à travers l’Onu, de façon impartiale. Il est même facile de comprendre qu’il y a concertation dans
l’action. Quelle peut être alors la réaction d’Israël pris en étau ? Elle est simple. Quand quelqu’un cherche à vous étouffer, pour se débarrasser de son étreinte, il vous faut développer une force supérieure. Il n’y a pas mille solutions. C’est dire que c’est donc contraint que Tsahal est entrée en territoire libanais pour repousser le plus loin possible les combattants du Hezbollah afin que les tirs de leurs roquettes n’atteignent pas son pays.
Mais, qu’en pensent les Libanais eux-mêmes, les Libanais qui sont au Liban, particulièrement les premiers d’entre eux ? Le président Émile Lahoud ne cache pas sa sympathie pour le Hezbollah et se range derrière lui. C’est connu. De la même manière, le Premier ministre Fouad Siniora, dans une interview au quotidien italien Corriere della sera, a dit textuellement : « Le Hezbollah a créé un État dans l’État. Ce n’est un mystère pour personne que le Hezbollah répond aux agendas politiques de Téhéran et de Damas. Le monde entier doit nous aider à désarmer le Hezbollah ». C’est là un cri de détresse de quelqu’un qui sait de quoi il parle. Sera-t-il entendu ? S’il ne l’est pas, alors le monde doit s’attendre au pire.
Il suffit de revisiter ces dits agendas de Téhéran et de Damas que nous déclinent leurs principaux animateurs. M. Hassan Nasrallah, le patron du Hezbollah, dit que cette levée de roquettes contre Israël est « un but prioritaire doublé d’une tâche sainte ». Comprend qui pourra. Son mentor ne joue pas dans les subtilités de langage. Les déclarations du président iranien sont nettes. Il appelle à rayer Israël de la carte du
Moyen-Orient, donc du monde.

La cohabitation pacifique entre les peuples de la région qui est le leitmotiv de la Communauté internationale n’entre pas dans leurs préoccupations. La paix à laquelle ils aspirent ne peut être effective qu’avec la disparition d’Israël. Et dans ce dessein, ils utilisent tous les artifices pour embarquer le plus de personnes derrière eux et, s’il le faut, combattre la Communauté internationale.
Pour y arriver, ils ont trouvé, par leur bras armé, le Hezbollah, une stratégie pour susciter la compassion du monde. Et les nombreuses victimes civiles sont le fondement de leurs plans. Plus de guerre conventionnelle avec une armée visible, identifiable. Le militant du Hezbollah est dans l’enfant dans la rue, dans la femme dans ses tâches domestiques, le commerçant dans sa boutique, une armée diffuse qui se cache derrière des innocents, victimes programmées.

La semaine dernière, à Chypre, à Larnaka, le chef des affaires humanitaires des Nations Unies, Jan Egeland, a accusé le Hezbollah de «se fondre lâchement» parmi les civils libanais et d’avoir causé la mort de centaines de personnes. Il a dit avec force : « De façon cohérente, du cœur du territoire du Hezbollah, mon message était que le Hezbollah doit cesser de se fondre lâchement parmi les femmes et les enfants ». Et les nombreuses victimes innocentes, des cobayes, provoquent une compassion abusée, remplissent de colère ceux qui n’arrivent pas à discerner la situation.
Voilà campée une autre version de la situation au Moyen-Orient que les Sénégalais doivent entendre. Loin de nous une tentative d’innocenter Israël. Il n’y a pas d’innocents dans cette sale guerre où Israël et le Liban sont les victimes qui souffrent toutes les horreurs du monde.

C’est ici le lieu de dire que le Gouvernement sénégalais, qui s’est toujours intéressé au dossier palestinien, a bien fait de renouer les relations diplomatiques avec Israël en se mettant dans la position de parler aux uns et aux autres. Et c’est bien que nos frères sénégalais d’origine libanaise demandent au président de la République de s’impliquer dans la recherche de solutions à ce problème. Ce n’est sûrement pas dans la rupture des relations avec Israël, comme l’exigent certains leaders d’opinion, que Me Wade pourra mener cette mission que la Communauté internationale attend de lui, elle qui vient de l’honorer pour son combat inlassable pour la construction de la paix dans le monde. Ce qui est tout à l’honneur du Sénégal.