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Et Voilà que le « Bouc Emissaire » Réapparaît

Par Albert Soued, écrivain http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com   Dernier livre d'Albert Soued : Quand le Moyen-Orient verra-t-il la paix ?  - Editions de l’Histoire, 2021

30/07/2021

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L’antisémitisme prend de l’ampleur dans le monde, aussi bien en Occident d’origine chrétienne qu’en Islam, ou en Chine d’origine bouddhiste ou taoïste ou en Afrique noire de religion primitive.

En fait, dès que l’humanité se trouve devant une grave difficulté, une crise financière, une guerre ou une pandémie, elle cherche un moyen de se déculpabiliser ; et pour cela le moyen psychique collectif trouvé est le « bouc émissaire ». Et cela dure depuis la nuit des temps.

 Le bouc émissaire de William Holman Hunt, 1854-1856

Origine

Sur le plan historique, il semblerait que depuis 25 siècles, le bouc émissaire de choix fut l’hébreu, puis le judéen, puis le juif, puis le sioniste ou l’israélien aujourd’hui.

Nous avons indiqué les raisons dans un article daté du 16 janvier 2020, intitulé « Un Bien très Précieux Convoité ».

La Bible parle du « bouc émissaire » en « Lévitique » chapitre 16 versets 7/10 :

« 7- Et il prendra les deux boucs et les présentera devant le Seigneur, à l'entrée de la Tente d'assignation.

8- Aaron tirera au sort pour les deux boucs: un lot sera pour l'Éternel, un lot pour Azazel.

9- Aaron devra offrir le bouc que le sort aura désigné pour l'Éternel, et le traiter comme expiatoire;

10- et le bouc que le sort aura désigné pour Azazel devra être placé, vivant, devant le Seigneur, pour servir à la propitiation, pour être envoyé à Azazel dans le désert ».

La propitiation est  l’acte qui rend Dieu propice aux humains et qui procure ainsi le rachat des fautes commises. Cette action était menée la veille du jour du Grand Pardon. L’envoi d’un bouc du haut d’un rocher va permettre à la population de continuer à vivre normalement.

 L’envoi du bouc émissaire - gravure de William James Webb

Motifs

Il est difficile de distinguer entre les différents motifs qui interviennent dans le choix du bouc émissaire. En apparence, cela peut être une haine ancestrale ou atavique, la jalousie, l’éducation familiale ou religieuse, le mimétisme, une idéologie particulière, la frustration etc… Mais le fond du problème est ailleurs, dans l’inconscient : c’est d’abord se déculpabiliser de la convoitise d’un « bien » qu’on cherche à s’approprier sans y arriver, et ensuite se dégager d’une situation difficile qu’on ne peut pas contrôler et où on se sent coupable, en substituant quelqu’un d’autre.

Dans son livre « Le Bouc émissaire », l’anthropologue René Girard, décrit ce phénomène qu'il nomme le « triangle mimétique ». Il s’agit de la relation entre deux individus, l’un disposant d'un bien, et l’autre pensant qu'il est lui-même dépourvu de ce bien et cherchant, soit à l’acquérir, soit à en priver l’autre. Le bien n’est pas forcément matériel, cela peut être une spiritualité, une morale, une éthique…

Le triangle mimétique est motivé par la nécessité d’avoir, à défaut de pouvoir être.     Plus la tension vers l’objet est forte, plus elle entraîne des conflits et des violences.

Dans un autre ouvrage, Girard note : « Fixer son attention admirative sur un modèle, c'est déjà lui reconnaître ou lui accorder un prestige que l'on ne possède pas, ce qui revient à constater sa propre insuffisance d'être ». Girard note aussi que « le sujet méconnaîtra toujours cette antériorité du modèle, car sinon ce serait du même coup dévoiler son insuffisance, son infériorité, le fait que son désir est, non pas spontané mais imité. Il aura beau jeu ensuite de dénoncer la présence de l'Autre, médiateur de son désir, comme relevant de la seule envie de ce dernier ».

Le phénomène du bouc émissaire est collectif ; il est la réponse inconsciente d’une communauté à la violence endémique que ses propres membres ont générée, au travers de rivalités mimétiques, dues à la situation triangulaire vécue.

Modalités

A un moment donné, n’importe quel prétexte, suivi d’accusations fallacieuses, peut déclencher la violence : la lutte contre le Covid19 et le succès relatif d’Israël, le conflit déclenché par le Hamas, alors qu’on accuse Israël -- or les gazaouis sont victimes de leurs dirigeants et non des Juifs qui se défendent --, le logiciel espion Pegasus, développé par une start-up israélienne, et utilisé à mauvais escient par un client, le boycott de juifs par la crème glacée d’Unilever « Ben & Jerry’s »…, sans parler des complots habituels divers, des « protocoles des sages de Sion » et des « crimes de sang ».

Généralement la violence va crescendo. D’abord des propos hostiles et calomnieux. Ensuite des écrits, des dessins et des graffiti dans le même sens. Suivis d’attaques physiques, de plus en plus violentes et des destructions d’édifices. Puis des assassinats et des « pogromes »… Un processus classique connu. On connaît la suite.

Acteurs

Ceux qui se mettent en avant dans la recherche du juif « bouc émissaire » pour le balancer du haut de la falaise, ce sont d’abord les extrémistes de tout bord, de toute religion, de tout sectarisme ou idéologie, les pervers envieux, mais aussi les idiots utiles, les incultes mimétiques et, parmi les juifs, ceux qui ont la haine de soi.

 

Par bonheur aujourd’hui le bien convoité est bien porté et relativement bien protégé. Et les diverses tentatives de s’en approprier mèneront les différents acteurs cités à se jeter eux-mêmes du haut de la falaise.

 

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