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Un Point sur l’Egypte, le Sphinx et la Kaaba

La bêtise des Occidentaux, et l’ignorance des expertologues

Par Hélios d’Alexandrie

PostedeVeille- 3/8/13

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Le jeudi 25 juillet Mohammed Badie, le Guide suprême des Frères musulmans en Égypte, y est allé d’une déclaration plus que fracassante, selon lui : "Démettre Morsi de son poste de Président est un crime plus condamnable que si el Sissi (le général en chef des forces armées égyptiennes) avait démoli la Kaaba pierre par pierre !"
Si on prend au mot le Guide suprême et si on considère le fait qu’el Sissi a démis Morsi, non de son propre chef, mais en réponse à la demande expresse d’une majorité écrasante d’Égyptiens (plus de 80% de la population), il s’ensuit que le crime en question doit être attribué au peuple égyptien au premier chef.
Est-ce à dire que les Égyptiens ont décidé collectivement de balancer l’Islam par-dessus bord ? Il serait exagéré de répondre par l’affirmative, du moins pas avant de préciser de quel islam il s’agit. S’il s’agit de l’Islam des Frères musulmans et des salafistes, le vrai, l’authentique, celui de Mahomet, du coran et de la charia, la réponse est OUI. S’il s’agit de l’islam version égyptienne, celui que les Égyptiens eux-mêmes qualifient de "wassati" ce qui signifie "du centre", ni à gauche, ni à droite, éloigné autant que possible des extrêmes, autrement dit un Islam dont on a retiré en catimini les éléments toxiques, alors la réponse est NON.

"Démettre Morsi est un crime plus condamnable que si el Sissi avait démoli la Kaaba» – a dit le Guide suprême de la Confrérie
Lors de la manifestation qui s’est tenue place Tahrir le 26 juillet dernier, on pouvait lire sur une banderole géante : "Ni ikhwaneya, ni salafeya, mais wassateya" ce qui signifie, ni la doctrine des Frères musulmans, ni celle des salafistes, mais la centriste. Malgré plus de trente ans d’islamisation à doses de cheval, malgré l’endoctrinement intensif déversé par les canaux islamistes, malgré les milliards investis par les potentats du pétrole, on peut affirmer qu’en Égypte la mayonnaise islamiste n’a pas pris. Pour être plus précis, on peut dire que la vague islamiste n’a fait que recouvrir les Égyptiens d’une mince couche de fondamentalisme, et à la première pluie -- celle qui s’est abattue sur l’Égypte après l’élection de Morsi -- cette couche s’est rapidement dissipée. On ne change pas fondamentalement un peuple en 30 ans, surtout pas un peuple vieux de 7000 ans, qui tire fierté de son enracinement sur les deux rives du Nil.

Le nouveau sphinx
Les Égyptiens adorent avoir un chef qui incarne leurs valeurs et leurs aspirations. Sans le savoir et sans l’avoir cherché, le Général en chef el Sissi s’est attiré l’admiration et la reconnaissance des Égyptiens. Le peuple s’est reconnu en lui, l’adhésion a été immédiate. D’ores et déjà il est vu comme le prochain président du pays, bien qu’il n’ait exprimé aucune ambition d’ordre politique et qu’il ait affirmé tenir à son poste de commandement à l’armée. S’agit-il d’un engouement qui sera rapidement dissipé ? Certains le croient et l’affirment : les problèmes de l’Égypte sont à ce point importants qu’il sera difficile à un chef, quelque soit sa popularité initiale, de conserver longtemps l’approbation du peuple.
Mais la plupart de ces observateurs et analystes ignorent que l’atout principal d’el Sissi réside dans son attachement profond à l’Égypte, un attachement qui prend la forme d’une communion avec l’âme de l’Égypte éternelle. Atout précieux au moment où la patrie est en danger, menacée comme elle est par l’horreur islamique qui a semé la dévastation partout où elle est passée. El Sissi n’a pas mis de temps à comprendre que les Frères musulmans détestent et méprisent l’Égypte, qu’ils ne se perçoivent pas comme Égyptiens, qu’ils ont une seule identité, l’islam, une seule loyauté, l’organisation mondiale des Frères musulmans, un seul objectif, le califat islamique mondial; que si l’Égypte doit être démembrée pour réaliser cet objectif, elle le sera sans état d’âme. Le peuple égyptien a lui aussi bien compris la réalité, c’est pourquoi il a commencé par protester contre les Frères musulmans et, comme ces derniers ont fait la sourde oreille, poursuivant leur plan de domination sans égard à l’état catastrophique où ils mettaient le pays, il s’est mis à les haïr ouvertement et à rêver à leur élimination.

El Sissi est un leader d’un genre nouveau. Dépourvu d’idéologie et d’idées préconçues, peu soucieux de plaire, n’ayant aucun intérêt personnel à protéger, mais préoccupé par la situation catastrophique de l’Égypte, il a rapidement compris et accepté la mission historique que la situation et sa position l’obligeaient à accomplir. Sauver son pays de la catastrophe implique de prendre des décisions qui paraîtront inacceptables à la majorité des gouvernements étrangers. En effet ces derniers refusent de tenir compte de la réalité et continuent de réitérer leurs demandes : libérer Morsi et les autres leaders des Frères musulmans, malgré les accusations d’actes criminels qui pèsent sur eux, permettre aux Frères musulmans de participer à la direction du pays, œuvrer à la réconciliation nationale sans tenir compte des crimes commis par les islamistes etc.  Que répondre à des gens qui s’aveuglent et qui prétendent vous communiquer la justesse de leur vision ? El Sissi a tantôt répondu laconiquement par la négative et tantôt préféré poser des gestes concrets, comme demander au peuple égyptien de manifester contre la terreur des Frères musulmans et de leurs alliés de Gaza et du Sinaï, et en appui aux décisions inévitables qui doivent être adoptées pour mettre fin à la crise.

Énigmatique comme un sphinx, el Sissi parle peu et ne se place sous le feu des projecteurs que pour les besoins de la cause. S’il n’a donné aucune entrevue jusqu’à présent, c’est qu’il ne concède aucun pouvoir aux médias, en particulier ceux de l’étranger. Comme il possède une vision claire des objectifs que l’Égypte se donne, il ne ressent aucunement le besoin de justifier ses décisions, lesquelles ne font que refléter la volonté du peuple. En revanche il agit et ses gestes, sobres et mesurés, n’en sont pas moins efficaces. Peu de gens ont fait état des énormes pressions qu’il a subies de la part des leaders de plusieurs pays, en particulier les pressions de l’administration américaine, plus soucieuse de sauver les Frères musulmans que de défendre les intérêts vitaux des États-Unis en Égypte. El Sissi, face à ces pressions, s’est contenté de prendre appui sur le peuple égyptien, sans tambour ni trompette il a envoyé promener Obama, Merkel, Erdogan, Ban Ki Moon, Ashton et compagnie. Au Secrétaire américain à la défense Hagel qui lui demandait avec insistance de libérer Morsi pour éviter la guerre civile, il a répondu qu’il le gardait en détention exactement pour la même raison. Quand Obama furieux a voulu l’intimider en envoyant deux vaisseaux de guerre dans les eaux territoriales égyptiennes, il a répliqué en envoyant des chasseurs-bombardiers survoler les bâtiments américains.

La désinformation des médias
El Sissi et les autres chefs de l’armée n’ont fait qu’exécuter la volonté du peuple égyptien. Voilà pourquoi tous ceux qui dans les médias parlent de coup d’État en Égypte mentent effrontément, ils prennent parti pour les Frères musulmans, cachent délibérément les crimes horribles qu’ils commettent tous les jours, et ne se privent pas de renchérir sur leur statut de victimes. Ils méconnaissent intentionnellement la volonté quasi unanime des Égyptiens de séparer la politique de la religion et évitent de parler de l’alliance plus qu’officielle entre les Frères musulmans et les organisations jihadistes, en particulier celles qui infestent le Sinaï et terrorisent ses habitants.
Concrètement les médias occidentaux ne dérogent pas à leur politique, celle de ne montrer qu’un aspect tronqué des évènements et s’abstenir de tout examen objectif et de toute analyse approfondie de la situation. Comme s’ils n’avaient pour tout mandat que de promouvoir inlassablement la même thèse, ils prennent soin de cacher au public la tyrannie et les crimes des islamistes et ne se donnent aucune peine pour expliquer les raisons pour lesquelles le peuple égyptien en est venu à les haïr. Il ressort du portrait qu’ils font de la situation en Égypte, l’impression que les Frères musulmans ont été injustement chassés du pouvoir par un coup d’État militaire, ce qui justifie pleinement leur lutte et leurs revendications.

Conséquence de cette complaisance des médias, les Frères musulmans ne se privent pas de leur fournir matière à enrichir leur désinformation. Tout se passe comme si on cherchait à faire croire au public occidental que les islamistes luttent pour la démocratie, la légitimité et les droits de l’homme! Peu importe que plus de 35 millions d’Égyptiens descendent dans la rue pour dénoncer les Frères musulmans, les images des foules seront très rapidement remplacées par celles des islamistes bien peu nombreux occupant la place de Rabia el Adaweya au Caire. La police égyptienne aura beau publier des séquences vidéo montrant, tantôt les agressions armées des Frères musulmans contre la population, et tantôt les cadavres défigurés de leurs victimes morts sous la torture, les médias occidentaux refuseront obstinément de rapporter ces faits.

On ne peut s’empêcher de conclure que l’histoire est écrite d’avance, en effet les médias tentent par tous les moyens de dissimuler au public l’importance et la signification des évènements récents, soit le rejet total des Frères musulmans par une écrasante majorité du peuple égyptien. Ce rejet ne fait pas l’affaire de la gauche en Occident, elle apporte un démenti aux thèses qu’elle affectionne le plus et auxquelles elle est très attachée, à savoir :
- Que les Frères musulmans sont un mouvement politique pacifique, modéré, populaire, dynamique, respectueux des principes démocratiques et des autres mouvements politiques, composé de personnes honorables et compétentes, sans fanatisme religieux et sans aucun lien avec le terrorisme.
- Que l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie, le pluralisme et les droits de l’homme, partant il n’y a pas lieu de le bannir de la politique.

- Qu’en dernière analyse l’avenir politique des pays musulmans appartient inévitablement aux partis islamistes et à leur tête les Frères musulmans.

La gauche et les médias en Occident se prosternent régulièrement en direction de la Kaaba, à l’exemple de Mohammed Badie le Guide suprême de la Confrérie, ils se désolent du renversement des Frères musulmans en Égypte. De la même façon que Badie perçoit l’évènement comme la destruction de l’islam, ils le perçoivent eux, comme une agression dirigée contre leurs certitudes. Rien n’est plus difficile à admettre que la fausseté de ses croyances, voilà pourquoi il importe que tout soit fait pour contrecarrer la marche des Égyptiens vers un meilleur avenir ou, qu’à tout le moins, le public occidental ne se rende pas compte de la faillite et de l’effondrement de l’islam politique dans le pays même où il a vu le jour.

L’effondrement de tout un monde
Il est difficile pour plusieurs d’imaginer l’impact réel des manifestations du 26 juillet, celles qui donnent aux dirigeants Égyptiens le mandat de mettre fin à la terreur incarnée par la présence des Frères musulmans. C’est bien plus qu’un séisme ou un tsunami dans le champ politique au Moyen-Orient, c’est l’effondrement d’un monde. Cela peut être considéré comme le début de la fin pour l’islam. Je ne prétends par là que l’islam disparaîtra au cours des dix prochaines années, bien sûr que non, mais l’islam en tant que poison perdra graduellement et irrémédiablement de sa toxicité tout en gardant son apparence extérieure et son aspect culturel.

Le soir du 26 juillet, l’Égypte a pris sa revanche sur l’islam et sur le califat 14 siècles après l’invasion islamique.
Le fait est qu’aux yeux des islamistes les Égyptiens ont rejeté l’islam, le vrai, et ils n’ont pas tort. Il est impossible à des islamistes de croire que ce sont des musulmans authentiques qui ont mis fin à leur espoir de califat, la chose leur semble tellement incroyable qu’ils n’ont d’autre choix que de se réfugier dans l’irréel. Leurs explications sont délirantes: el Sissi est un athée, il prend ses ordres du Pape des coptes, les manifestants dans les rues et partout sont tous des coptes ou des athées, etc. Les islamistes sont donc sous le choc, le traumatisme qu’ils subissent est bien plus dévastateur que celui du 3 juillet dernier alors qu’il n’était question que d’écarter Morsi du pouvoir. Le soir du 26 juillet c’est l’islam politique (autrement dit l’islam tout court) qui a été chassé à coups de pied par le peuple égyptien.
Le soir du 26 juillet, l’Égypte a pris sa revanche sur l’islam et sur le califat quatorze siècles après l’invasion islamique. Bien entendu le peuple demeure majoritairement musulman et il continue à pratiquer l’islam, en apparence rien n’a changé. Ce qui a changé c’est que pour la première fois l’Égypte a eu le choix entre deux voies diamétralement opposées. La première est celle de l’islam authentique, celui du coran des hadiths et de la charia, laquelle mène à un cul-de-sac, la seconde celle d’une égyptianité associée à une modernité dont le contour n’est pas bien défini mais qui est en même temps une voie ouverte sur toutes les possibilités. Les Égyptiens après s’être engagés imprudemment dans la première voie ont choisi de tourner les talons et d’emprunter majoritairement la seconde. Or ce choix pour les islamistes équivaut à une apostasie collective.
Mais les Égyptiens ne seront pas seuls à "apostasier", les Tunisiens semblent vouloir suivre leur exemple, l’édifice islamiste en Tunisie est rudement mis à l’épreuve en dépit des affirmations «confiantes» de Ghanouchi. L’été arabe, puisqu’il y a lieu de l’appeler ainsi, est en voie de mettre fin à l’hiver islamiste, dont l’échec est à la mesure de sa prétention d’apporter des solutions à tout ce qui va mal, comme si l’islam n’y avait pas une part majeure de responsabilité.

Le sourire du Sphinx
Depuis 5000 ans le grand sphinx de Guizeh a le visage tourné en direction du soleil levant, il représente le dieu "Horus de l’horizon", "Hor Em Akhet" en égyptien ou Harmakhis en grec, incarnant la renaissance quotidienne du soleil. Au Moyen-âge un imam fanatique rendu furieux parce que des habitants lui vouaient un culte et lui présentaient des offrandes, a cherché à le détruire mais n’a réussi qu’à le mutiler en lui brisant le nez. Plus à l’Est, en Arabie de l’autre côté de la Mer Rouge, à la Mecque, un autre édifice en pierre, la Kaaba, abrite la pierre noire, un vulgaire météorite, dont les musulmans ont fait une idole, perpétuant sans l’admettre les pratiques païennes des arabes d’avant l’islam. Entre le Sphinx et la Kaaba, les Égyptiens ont choisi, mais ils sont loin d’être pleinement conscients de leur choix. Le Guide suprême des Frères musulmans, celui-là même dont la mission est de les dépouiller de leur égyptianité, lui ne s’y est pas trompé, la Kaaba a été symboliquement démolie, non par el Sissi comme il l’affirme, mais bel et bien par les millions d’Égyptiens ce soir fatidique du 26 juillet 2013.
Dire que plusieurs s’interrogent sur le sourire énigmatique du Sphinx!