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Tiran & Sanafir

Par Dov ZERAH

5/07/17

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Entre la côte égyptienne et celle saoudienne, la porte de la mer rouge comprend deux îles :

- A l’est la plus petite Sanafir

 - Et l’île de Tiran, dénommée Jazirat Tiran ou Yotvat Island, la plus proche de la péninsule du Sinaï. Entre les deux, le détroit de Tiran, la partie navigable qui permet aux bateaux de rejoindre le port jordanien d’Aqaba ou celui israélien d’Eilat.

D'une superficie de 80 km2, Tiran fait partie du parc naturel Ras Muhammad, caractéristique pour ses récifs coralliens et sa faune sous-marine. Elle a des sites archéologiques, notamment des ruines d'aménagements d'un petit port de la fin de la période des Ptolémée, des époques romaine et byzantine.

Sans eau, elle est aujourd’hui inhabitée. Mais, tel n’a pas été toujours le cas. Selon Procope de Césarée, l’île, appelée alors Iotabe et partie de l'Empire byzantin, avait, au VIème siècle, une communauté juive autonome sur l'île. La présence de citernes sur l’île s’explique par une pluviométrie plus importante à l'époque.

En permettant le contrôle de la mer rouge, ces îles ont une position stratégique déterminante qui en font une base militaire occasionnelle. La rumeur veut que ses plages soient minées.

Dans le flot d’informations qui nous est délivré en continu toute la journée, il en est une qui passe pratiquement inaperçu, la restitution par l’Egypte à l’Arabie saoudite des îles du détroit de Tiran, Tiran et Sanafir. Et pourtant, elle soulève de nombreuse questions.

Tout d’abord, la qualification de restitution est-elle appropriée ? Pourquoi maintenant ?

Après plusieurs décennies de contestation et six ans de négociations, un accord est intervenu entre l'Égypte et l'Arabie saoudite, en avril 2016, sur la délimitation de la frontière maritime, et prévoit la cession des îles Tiran et Sanafir à l'Arabie saoudite.

Ce renoncement quasi volontaire du Caire a soulevé un long et dur débat politique, accompagné d’importantes manifestations dans le pays. Nombreux sont les Egyptiens qui ne comprennent pas la restitution d’îles pour lesquelles le sang égyptien a été versé, après la fermeture du détroit par Gamal Abdel Nasser. Israël a considéré cet acte comme une violation de la résolution mettant fin à la guerre de 1956, et un casus belli. En résulta la guerre israélo-arabe de 1967. Les Egyptiens se sont aussi battus en 1973, lors de la guerre du Kippour, pour récupérer le Sinaï et ces îles.

En juin 2016, le projet de traité est annulé par le tribunal administratif égyptien.

Pour justifier l’accord, les autorités égyptiennes mettent en avant que :

Pourtant la propriété saoudienne ne résulte d’aucun arbitrage international, comme pour Taba, 1,5 km2 à la sortie sud d’Eilat qu’Israël a fini par rendre. Le sujet est compliqué car de 1517 à 1918, le contrôle était assuré par les Ottomans ; les successeurs sont les Britanniques via le mandat sur la Palestine, ou les Egyptiens, mais pas les Saoudiens.

Pour expliquer l’accord, certains mettent en avant le partenariat stratégique entre les deux pays sur tous les sujets régionaux. D’autres n’hésitent pas à avancer l’importance des nombreux soutiens financiers de Ryad au Caire.

L'accord a été approuvé par le parlement égyptien le 14 juin 2017, et les deux îles sont rendues le 24 juin 2017 à l'Arabie Saoudite.

N’oublions pas que les deux îles, le détroit de Tiran et la circulation dans la mer rouge sont un des éléments du contentieux israélo-arabe. Dès le début des années cinquante, la controverse porte sur la liberté circulation et l’opposition entre deux thèses : eaux internationales ou « mare clausum » du monde arabe…L’impact des accords d’armistice de Rhodes de 1949, de la résolution n°1105 de l’assemblée générale des Nations Unies en 1958, du traité égypto-israélien de 1979, du traité jordano-israélien de 1994…font l’objet de très nombreux articles, comme ceux du Boston College International and Comparative Law Review ou de l’University of Miami Law School

Or, il n’y a pas de traité de paix entre Israël et l’Arabie saoudite. Que feraient ou pourraient faire las Saoudiens ? Les Israéliens ont-ils eu leur mot à dire sur cette opération ? Les bonnes relations entre les deux pays ont-elles facilité l’opération ?

 

A suivre…