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Les Troubles Economiques de la Jordanie

Pourraient la Rendre Vulnérable à l’EI

Le royaume hachémite est resté calme pendant le Printemps arabe mais les difficultés financières et sociales pourraient changer cela

Par Dov Lieber

Times of israel - 5 février 2016,

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Les habitants de Zarqa l’appelaient « l’homme vert ». Le voyou avec un penchant pour l’alcool et un possible proxénète a gagné son surnom dans le pauvre village jordanien pour ses tatouages verts émeraude sur sa main gauche. Mais le reste du monde entier le connaît sous son nom de djihadiste : Zarqaoui – ce qui signifie l’homme originaire de Zarqa – le leader assassiné d’al-Qaïda en Irak et le parrain de l’Etat islamique.

L’EI a depuis longtemps déclaré son intention de conquérir la Jordanie. Mais depuis que le groupe de Zarqaoui a revendiqué les attentats de 2005 contre l’hôtel d’Amman qui ont tué 60 personnes, il n’y a pas eu une seule attaque djihadiste qui a remporté du succès contre le royaume. Maintenant, cependant, les conditions qui ont favorisé la transition de l’homme vert en un fondateur du groupe terroriste vicieux commencent à se répandre dans tout le pays.

Même si à l’échelle nationale, 94 % de la population désapprouve l’EI, selon des estimations récentes, la Jordanie a envoyé 2 500 combattants étrangers en Irak et en Syrie. C’est le troisième pays d’où les combattants sont partis en Irak et en Syrie de tous les pays arabes, après l’Arabie saoudite et la Tunisie.

La plupart des combattants étrangers sont originaires des villes les plus pauvres comme Salt, Maan et Zarqa. Mais avec une économie qui se détériore considérablement, cela menace de poser les conditions de déstabilisation pour le reste du pays, en particulier dans la capitale Amman.

La Jordanie est profondément dépendante de l’aide étrangère des Etats Unis, de l’Europe et du Golfe. Depuis le début du printemps arabe en 2011, la Jordanie a reçu 12 milliards de dollars en garanties de prêts, une aide au développement et en aide militaire.

Mais le Dr Yoav Alon, un historien du royaume hachémite de l’université de Tel-Aviv et l’auteur de « The Making of Jordan : Tribes, Colonialism and the Modern State », a déclaré au Times of Israel que la situation économique actuelle est insoutenable.

« Il est clair que sur le long terme les dons occasionnels des alliés de la Jordanie ne seront pas suffisants », a-t-il dit.

« Ce qui est nécessaire est une solution fondamentale pour l’économie jordanienne malade, afin qu’elle puisse répondre aux exigences de sa jeunesse de plus en plus instruite mais sans emploi » et faire en sorte que la jeune génération résiste à l’appel brutal de l’extrémisme de l’EI.

Alon a ajouté que, bien que la ligne officielle du gouvernement est d’affirmer qu’il n’y a que 15 % de chômage au sein de sa population, Il est plus raisonnable de supposer que le taux de chômage est de 30 % et serait même plus élevé chez les jeunes.

Oded Eran, un ancien ambassadeur d’Israël en Jordanie et chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS), a déclaré que le chômage des jeunes pourrait être de 50 %.

Etude de cas : un pilote à terre

Muhammad al-Kurdi, 27ans, a parlé au Times of Israel sur Skype à propos de la difficulté de trouver un emploi en Jordanie, de son domicile dans le quartier de classe moyenne Tla Al Ali, dans le nord-ouest d’Amman. De 2002 à 2012, al-Kurdi était un champion national de boxe dans la catégorie des jeunes. Son rêve, cependant, était de devenir un pilote. Mais sans l’argent pour faire la formation coûteuse, il ne pouvait pas décoller du sol. « Après le lycée, j’ai passé un an à chercher une bourse d’études dans l’aviation. Je me suis rendu compte qu’ils ne sont accordés qu’aux personnes dans les premiers niveaux de la société », a déploré al-Kurdi. Pourtant, finalement, il a réussi à organiser une entrevue avec un représentant de la Royal Jordanian Airline, qui a dit à al-Kurdi que s’il obtenait un diplôme en sciences dans une bonne université, la compagnie aérienne lui accorderait une bourse. Le champion de boxe a obtenu son diplôme en systèmes informatiques de l’université de Jordanie, trois ans plus tard, avec des notes suffisamment bonnes pour obtenir la bourse du Royal Jordanian. Mais ses efforts se sont révélés vains. La Royal Jordanian a dit à al-Kurdi que la bourse n’était plus disponible. « Pour sûr, ils m’ont menti », a-t-il dit. « Ils ont réservé la bourse à quelqu’un avec de bonnes connexions ». Avec ses rêves d’aviation déçus, il a cherché un emploi dans l’informatique. Malgré ses bonnes notes – une moyenne finale de 3,6 sur 4,0 – pendant trois ans, il n’a rien trouvé.« Je ne pouvais pas trouver d’emploi parce que, dans les entreprises du gouvernement, ils ne veulent embaucher que des personnes avec de la famille dans le gouvernement. Et dans les entreprises ordinaires, ils ne donnent des emplois qu’aux membres de la famille qui y travaillent ». Et al-Kurdi a expliqué qu’il ne pouvait pas obtenir une bourse d’études pour un master pour pouvoir poursuivre ses études. Aujourd’hui, al-Kurdi travaille 12 heures par jour et occupe deux emplois. Pendant la journée, il travaille comme un consultant en ressources humaines, et la nuit, il donne des cours de boxe dans un gymnase. Ses salaires sont si bas, dit-il, qu’il peut à peine joindre les deux bouts. Néanmoins, il dit qu’il a de la chance d’avoir un emploi.

Selon Alon, des jeunes comme al-Kurdi qui ne peuvent pas trouver un emploi est une source d’inquiétudes au sein de l’establishment de la sécurité jordanienne. L’économie jordanienne déprimée ne touche pas seulement les personnes comme al-Kurdi, dont le nom révèle ses origines kurdes. Les membres de la communauté ethnique jordanienne, des partenaires naturels du roi, ont également souffert en raison des coupes budgétaires importantes dans le secteur public.

En raison de récents règlements adoptés par le Fonds monétaire international, la Jordanie a dû réduire les salaires. « Cela a une signification politique », a déclaré Alon. « Les gens en général proches du régime sont employées dans le secteur public et beaucoup d’entre eux sont mécontents ».

Que fait Israël pour protéger la Jordanie ?

Avec la montée de l’Etat islamique, l’accord de paix entre la Jordanie et Israël de 1994 semble être plus que jamais une décision intelligente pour les deux parties.

L’Etat islamique a perdu beaucoup de terrain, en termes d’effectifs et de ressources depuis la récente intervention russe en Syrie. Dans le même temps, cependant, les brigades des martyrs Yarmouk qui sont liés à l’EI ont réussi à s’imposer dans le gouvernorat de Deraa’ qui borde le nord de la Jordanie et le Golan israélien. Prenant la parole lors d’une conférence organisée par l’INSS la semaine dernière, le chef d’état-major Gadi Eizenkot a déclaré que ces évolutions « soulèvent la probabilité, à mes yeux, que nous allons les voir employer leurs fusils à la fois contre nous et contre les Jordaniens ». Une semaine auparavant, un haut responsable militaire d’Israël a tiré la sonnette d’alarme pour une possibilité d’attaque de l’EI.

Amos Gilad, le directeur du Bureau des affaires politico-militaires du ministère de la Défense d’Israël, a également exprimé l’inquiétude rare de la population sur l’afflux massif des réfugiés syriens en Jordanie, dont le chiffre est désormais estimé à 1,4 million – c’est à dire près de 20 % de l’ensemble de la population.

« Cela ne fait aucun doute que l’EI tente de pénétrer en Jordanie, sur une petite échelle pour le moment », a déclaré Gilad dans une interview publiée le 13 janvier dans le Israel Defense Journal.

Les autorités jordaniennes ne sont pas aveugles à la menace de la cellule dormante. Depuis que les réfugiés irakiens ont commencé à affluer dans le royaume hachémite pendant les années 90 en raison de la première guerre du Golfe, la Jordanie a maintenu une politique de porte ouverte pour les réfugiés de la région. Ce mois-ci, cependant, la Jordanie a annoncé qu’elle allait commencer à filtrer tous les réfugiés syriens, essayant d’entrer dans le pays. Cette décision a entraîné le blocage de dizaines de milliers de réfugiés dans des camps à la frontière.

Pour prévenir d’éventuelles attaques de l’EI contre la Jordanie de l’intérieur et de l’extérieur, Israël cherche également à aider le royaume hachémite à la fois militairement et financièrement.

Les liens économiques sont déjà profonds. L’année dernière, avant de démissionner du gouvernement suite à un scandale pour harcèlement sexuel en décembre, le ministre de l’Energie et de l’eau, Silvan Shalom, avait signé deux accords historiques pour répondre aux besoins en énergie et en eau de la Jordanie – un pipeline d’eau de 800 millions $ et un accord d’environ 15 milliards de dollars sur le gaz. (La Jordanie importe actuellement plus de 95 % de son énergie, ce qui lui coûte environ un cinquième de son PIB).

Du côté de la sécurité, il existe une coopération étroite des renseignements contre les islamistes. Cela inclut le déploiement par Israël de drones de surveillance sur la frontière syro-jordanienne, pour fournir aux Jordaniens des renseignements. Israël a également fourni à la Jordanie environ 16 hélicoptères de combat Cobra en juille, afin de patrouiller à la frontière.

Pourtant, Israël ne compte pas uniquement sur la Jordanie pour la sécurité. Mudar Zahran, l’activiste exilé qui dirige la coalition de l’opposition jordanienne au Royaume-Uni, a noté qu’Israël investit près d’un milliard $ dans une barrière de sécurité à la frontière avec la Jordanie Qu’est-ce qui protège les frontières d’Israël », a fait valoir Zahran, « C’est une incroyable puissance militaire, et une histoire qui prouve que quiconque attaque sera sévèrement puni ».