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TU DIVORCERAS DANS LA DOULEUR
Par Chaden
Al-Hayek et Fayçal Al-Moukhallafi
Paru dans Al
Hayat
Traduit et présenté par Courrier International- 18/12/2008
Alors qu'un homme peut répudier son
épouse sur-le-champ, les femmes doivent attendre des années et indemniser
leur mari pour être libres.
Selon une étude gouvernementale,
le taux de divorce en Arabie Saoudite connaît une hausse
"effrayante". Certains estiment que 40 % des couples se séparent
avant la cinquième année. Et les choses ne vont pas s'arranger avec la crise
économique. C'est ce que prévoient des sociologues de l'université de Djedda,
qui soulignent la corrélation entre difficultés financières et problèmes
conjugaux. Ils rappellent qu'il y a cinq ans l'effondrement de la Bourse de
Riyad avait entraîné une hausse des divorces de 20 %. Nous avons enquêté sur la
manière dont les choses se passent concrètement. Pour cela, nous avons
rencontré des femmes qui ont divorcé à leur propre demande. La première
s'appelle Noura. Elle raconte que, durant les sept
années de son mariage, elle a subi toutes sortes d'humiliations et de
harcèlement psychologique, jusqu'à arriver à la conclusion que son mari était
psychologiquement déséquilibré.
"Il ne voulait pas d'une épouse, d'un foyer et de la stabilité. Il voulait
que je sois sa bonne. Je devais m'effacer et, si j'osais parler, ça se
terminait par des coups", explique-t-elle. Au bout d'un moment, Noura a fait appel à un de ses frères, afin qu'il lui
parle. "Mon mari a admis qu'il avait tort et a promis de changer. Mais ça
n'a pas duré longtemps." Finalement, elle s'est enhardie et lui a demandé
de la répudier. "Il m'a ri au nez et m'a dit : 'Je vais te laisser en
suspens. Tu ne seras plus à moi, mais tu ne seras pas non plus à quelqu'un
d'autre.'" Noura a fini par se réfugier chez ses
parents. "J'ai passé un an dans la maison de mon père sans qu'il ne se
manifeste. Mon père est donc allé le voir pour lui dire qu'il devait me
répudier. Mais il a voulu que mon père m'amène au tribunal et que ce soit moi
qui demande la séparation, en renonçant à tous mes droits. C'est ce que j'ai dû
faire. Ce jour-là, j'ai compris que les femmes n'avaient aucun droit face à un
mari tyrannique."
Mouna a vécu une histoire semblable. "J'ai
supporté mon mari pendant onze ans. C'était un supplice. Il me frappait et
m'humiliait devant les enfants qui pleuraient. Ce n'est pas facile pour une
femme de demander le divorce, surtout si l'on a des enfants. Mais j'ai compris
qu'il ne changerait pas et que c'était la seule solution. Quand je lui en ai
parlé, il m'a dit : 'C'est toi qui vas aller au tribunal pour faire la demande.
Et tu vas me payer.' J'en ai parlé à mon père. Je lui ai expliqué tout ce qui
s'était passé et aussi que mon mari refusait de me répudier et me demandait
d'engager moi-même la démarche [ce qui implique qu'elle restitue la somme
versée par le mari lors du mariage]. Au bout d'un an et demi, j'étais enfin
libérée."
Pour les hommes, les choses sont bien plus simples. C'est ce que nous avons
constaté en envoyant un journaliste au tribunal des affaires familiales à Riyad
pour qu'il y joue le rôle d'un mari souhaitant répudier sa femme. "En
arrivant au tribunal, j'ai demandé à un premier fonctionnaire ce qu'il fallait
faire. Il m'a dit de prendre un formulaire et de le remplir. Un agent d'accueil
m'a ensuite expliqué, tout sourire, qu'il fallait d'abord passer par le bureau
du "conciliateur". Je m'y suis rendu, mais la porte était fermée.
J'ai attendu cinq minutes avant de jeter un coup d'œil à l'intérieur du bureau.
Il y avait cinq fonctionnaires occupés à boire du café. Finalement, l'un m'a
demandé si j'étais vraiment décidé à divorcer et j'ai répondu que oui. J'ai
inventé un problème dérisoire pour justifier le divorce, disant que mon travail
m'amenait à passer un mois à l'étranger et que ma femme refusait de
m'accompagner. J'ai expliqué qu'il fallait absolument divorcer avant mon
départ.
Le fonctionnaire m'a suggéré d'attendre un peu : "Vous pouvez partir en
voyage et la répudier par courrier. Les documents nécessaires sont disponibles
dans les ambassades saoudiennes." Mais j'ai insisté pour divorcer tout de
suite. Le fonctionnaire m'a rétorqué : "Je peux vous signer un formulaire
et le juge fixera un rendez-vous dans deux ou trois semaines." En écoutant
le ‘conciliateur', j'ai compris qu'il n'était pas en train de m'inciter à la
réconciliation, mais seulement de m'expliquer que le juge était débordé. J'ai
donc insisté encore un peu et, finalement, il a cédé. "Je vais faire
avancer votre dossier, mais dites au juge que vous êtes bien passé par mon
bureau et que vous êtes toujours décidé. Peut-être qu'il pourra vous faire le
papier aujourd'hui." Là-dessus, j'ai arrêté ce jeu et suis parti. Comme
vous voyez, en Arabie Saoudite, il est plus facile pour un homme de répudier sa
femme que de trouver une place pour se garer devant le tribunal."