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Renaissance d'une Nation

 

Par Nathan Weinstock, écrivain, le livre "Renaissance d'une Nation" est publié aux éditions, "Bord de l'eau" dont l'introduction est reproduite ici.

4/2/2013

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"Il est temps d'arracher l'histoire de la Palestine à la vision aveuglément arabo-centriste

dans laquelle certains cherchent à l'enfermer."

 

Introduction

 

Ce livre voudrait répondre à trois questions: Comment est née la communauté juive de Palestine dont est issue la nation israélienne ? Quelles sont ses racines? Comment s'explique la mutation de la minorité juive en Terre Sainte en un peuple distinct tout à la fois de son environnement arabe et des communautés juives, la Diaspora ?

Or, s'il est une constante dans la profusion d'écrits consacrés à l'histoire du conflit israélopalestinien, c'est bien l'effacement de cette réalité que représente l'existence continue au cours des siècles de la communauté constituée sur le territoire palestinien par la minorité juive locale. Collectivité autochtone enrichie au fil du temps, tout comme les autres composantes de la société locale, d'apports démographiques étrangers.

Seule la suppression de cette donnée incontournable - oblitération qui relève de la dénégation, c'est-à-dire du refus, conscient ou inconscient, de reconnaître une réalité perçue comme déconcertante parce que contraire aux idées reçues - permet d'avancer l'idée saugrenue, issue de ce que Marc Bloch appelait "le culte du convenu", que la nation hébréophone israélienne actuelle serait le produit d’un phénomène de nature coloniale et exclusivement composée d’apports démographiques exogènes. Car c’est précisément cette vieille communauté juive pérenne - inséparable de l’histoire du pays telle qu’elle s’est déroulée au fil des siècles - qui constitue la matrice dont sortira la future ethnie israélienne en gestation. Aussi, me suis-je efforcé de reconstituer dans le présent ouvrage "le récit de la disparue", c’est-à-dire de restituer le parcours historique suivi depuis l’Antiquité par la communauté juive de Terre Sainte qui fait l’objet de ce déni singulier. Il s’agit très précisément de redonner la parole à "ceux que la société avait non seulement vaincus, mais encore exclus de sa mémoire".

 

À rebours de la conviction dominante - qu’aucun élément factuel ne vient étayer du reste - il faut constater qu’en dépit des massacres, des expulsions, des déportations et des transplantations de populations auxquels se sont livrés les envahisseurs à l’égard de la population juive de la Terre Sainte à divers moments de l’histoire et malgré les vagues

d’émigrations et de conversions massives enregistrées à maintes époques, une communauté juive d’une ampleur variable a toujours su s’y maintenir en permanence,

enrichie au cours des siècles par d’incessantes vagues de retour de Juifs expatriés. Comme nous le verrons, malgré les vicissitudes et les désastres successifs, la Terre d’Israël n’a cessé d’abriter un Yichouv (implantation locale) à chaque moment de son histoire et ce depuis la plus haute Antiquité. Il est temps, à cet égard, d’arracher l’histoire de la Palestine à la vision aveuglément arabo-centriste dans laquelle certains cherchent à l’enfermer.

Cette permanence du Yichouv résulte d’abord de la fidélité constante, tant des communautés juives du pays que de la Diaspora, à leur patrie ancestrale. Attachement indéfectible qui s’est manifesté à travers l’interaction étroite des communautés juives de l’extérieur avec le judaïsme palestinien. D’autre part, elle trouve également sa source dans la foi inébranlable des Juifs en l’Espérance d’Israël, notion chevillée à leur âme collective, tant en Terre d’Israël que dans l’Exil. Exil qui a pour corollaire "le retour, et partant, l’espérance de ce retour vers lequel il est comme aimanté"· Attente

continue des Temps Messianiques et du "Retour des Ancêtres" qui constitue l’actualisation permanente de l’étincelle d’espérance, chaque seconde étant - selon l’expression de Walter Benjamin - "la porte étroite par laquelle le Messie pouvait entrer".

Autrement dit encore, l’essence spécifique du messianisme juif réside précisément dans le principe de l'espérance, dans l’attente de l’Apocalypse, c’est-à-dire cette conception millénariste de la fin de l’Histoire qui trouve à s’exprimer dans les apocalypses juives rédigées vers l’an 100, le deuxième Livre de Baroukh et le quatrième Livre d’Esdras (ou Ezra). Espoir qui alimentera les multiples courants messianiques qui n’ont cessé de faire irruption au cours des siècles dans toutes les aires de la Diaspora, tout en exprimant, comme l’a souligné pertinemment Pierre Vidal-Naquet, la "vision des vaincus", pour reprendre une autre image de Nathan Wachtel.

 

On se propose donc dans cet essai de survoler l’histoire du peuple hébreu, devenu peuple juif, depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle de l’ère commune afin de retracer la formation de l’identité hébraïque sur la Terre Promise, l’évolution

ultérieure de la communauté des Israélites de Palestine, la constitution des premiers centres diasporiques, les liens rattachant et soudant les communauté exilées à celle de la Terre Sainte qui devait recevoir ultérieurement l’appellation de Palestine -, perçue comme "Eretz-Israël", Terre d’Israël, pour suivre ensuite les destinées des restes du judaïsme palestinien, à travers les bouleversements historiques successifs qu’il a connus jusqu’à l’époque contemporaine.