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Israël, une ère de promesses
Par Amotz Asa-El, journaliste
Jerusalem Post 2 mai 2014
Traduit
et adapté par Albert Soued, http://soued.chez.com
pour www.nuitdorient.com
On a beaucoup ri cette semaine en Turquie lorsque la Syrie
a annoncé qu'elle avait ouvert un bureau destiné au boycott de l'économie de
son voisin du Nord. Mis à part ces accusations syriennes, sans doute risibles
mais véridiques, que les sociétés turques sabotaient l'économie syrienne et
qu'elles avaient pillé Alep, on se trouve devant une économie en ruine menaçant
un géant, à l'image d'une souris criant devant un lion.
Mais ce n'était pas toujours le cas. Des menaces similaires
ont vu le jour, au moment où Israël naissait, et elles étaient virulentes,
jetant un voile épais sur l'économie embryonnaire du nouvel état.
Mais l'économie israélienne s'est redressée depuis, et elle
a appris à survivre aux menaces en rejoignant l'économie globale et en ignorant
l'hostilité de ses voisins. A 66 ans, cependant, l'économie globale est en
train de se transformer et de se diriger vers des horizons favorables à l'état
juif.
Les menaces de boycott arabe furent effectives au début:
ainsi Renault qui assemblait des voitures en Israël, abandonna cette activité
au milieu des années 50, Ford abandonna l'idée de fabriquer des voitures dans
ce pays, et tous les fabricants japonais, en dehors de Subaru, évitèrent Israël
jusque dans les années 80. La liste des sociétés qui se sont pliées au boycott
est longue.
Plus que le boycott, la charge du coût de la guerre était
plus terrifiant pour l'économie naissante.
N'étant en paix avec aucun de ses voisins, le nouvel état
devait consacrer une grande partie de ses maigres ressources à sa défense,
dépensant par habitant 3 fois plus que les économies occidentales, ce qui
signifiait que les budgets accordés au développement étaient inférieurs aux
normes, et, pire, une grande partie de l'énergie humaine disponible était
consacrée à la sécurité du pays, au lieu de développer l'industrie.
De plus, ne pouvant vendre à ses voisins, Israël était
obligé de rechercher des marchés lointains, avec des coûts de transport
excessifs. Ensuite Israël était dépourvu de ressources naturelles, comme le
pétrole, le charbon ou le gaz, ou des métaux comme le zinc, le fer, le platine
ou l'or, manquant aussi de bois et d'eau. Ajoutez à cela l'absorption, dans les
premières années un nombre d'immigrants plus important que le nombre de natifs
du pays; immigrants rescapés de l'holocauste, ou chassés des pays arabes, c'est
à dire des personnes sans moyens et souvent sans diplômes, pour se réinstaller
aisément dans le pays.
Pour terminer la peinture du paysage, il faut savoir que
l'économie du pays a été largement construite selon un schéma socialiste, par
des gens qui se méfiaient de l'entreprise privée et qui préféraient une lourde
bureaucratie d'état pour régir aussi bien le logement que les liaisons
téléphoniques. Fervents croyants dans l'interventionnisme d'état, ils ont
subventionné les produits de base et imposé des droits et des taxes élevés aux
produits importés.
Les historiens débattront des réalisations et des échecs de
cette ère, de sa durée et des raisons de sa disparition. Mais ils seront tous
d'accord pour dire que le tournant capitaliste a été pris en 1985, le plan de
stabilisation venant à bout de l'inflation, réduisant le coût de la défense,
abolissant les subventions, rendant indépendante la banque centrale d'Israël et
marginalisant les syndicats. Ces actions ont été suivies en 2003 par des
privatisations de grande ampleur, des réductions d'impôts, des réformes
profondes des retraites et du marché des capitaux et d'une réduction
draconienne des charges sociales.
L'économie du pays a mûri grâce à ces actions et le sheqel, qui était une monnaie faible, est devenu une
monnaie parmi les plus fortes de l'Ocde et la croissance du PNB, des
investissements étrangers et des réserves de devises par habitant sont devenue
la plus forte, avec des taux de chômage, de dette par rapport au Pnb et
d'inflation les plus faibles au monde.
Aujourd'hui, alors que l'économie globale entre dans une
nouvelle ère, l'économie israélienne, menée avec prudence et sagesse, passera
d'une adolescence socialiste et d'une maturation capitaliste vers une ère
d'inspiration globale.
En parfait contraste avec les conditions économiques
prévalant à sa naissance, une série de tendances globales, des évènements
régionaux et des circonstances locales sont intervenus pour changer le paysage
et nous sommes aujourd'hui face à l'aube d'une ère nouvelle qu'on peut appeler
"post-occidentale" ou "post-américaine". Jusqu'ici le monde
était régi par l'Europe et l'Amérique, l'axe dit occidental étant dominant dans
l'industrie manufacturière. Lors des 4 premières décennies d'existence
d'Israël, les économies non occidentales n'avaient presque aucune influence,
comme les marchés du bloc de l'Est, de la Chine ou de l'Inde, et même après la
chute de l'empire communiste russe, les économies libérées ont gravité autour
de l'Occident.
Aujourd'hui tout change. L'économie chinoise va dépasser
cette année celle des Etats-Unis et l'Indienne, celle du Japon, selon la Banque
Mondiale. Bien que ces mesures ne concernent pas des productions en valeur
absolue, mais en parité de pouvoir d'achat tenant compte du coût de la vie, la
situation est néanmoins claire: l'Occident n'est plus seul et une ère se
termine après 142 ans de domination américaine. C'est aussi la fin du statut de
la locomotive chrétienne qui tirait l'économie mondiale depuis la révolution
industrielle.
La perte de la prééminence américaine est cependant
relative et mettra un certain temps à se concrétiser, tout comme celle de
l'Angleterre entre 1872 et 1945. Ainsi, la place privilégiée de l'oncle Sam
dans le marché israélien, comme dans le coeur et
l'esprit des Israéliens continuera encore. De même l'Europe sera encore un
partenaire commercial majeur, malgré le fait que la carte des échanges soit en
cours de transformation majeure.
Ainsi, à la fin de la Guerre froide, la Russie et l'Azerbaijan devinrent des fournisseurs importants de pétrole
d'Israël. Mais ce qui est plus significatif, en 2014, les ventes vers l'Asie
représentent le 1/4 de toutes les exportations et dépasseront, pour la 1ère
fois, celles vers les Etats-Unis. La part de 40% de l'Europe est en train de
rétrécir, alors que celle de l'Asie croît d'une façon drastique.
Alors que ce commerce est dominé par Intel et Israel Chemicals vers la Chine,
ainsi que par les ventes de matériel de défense vers l'Inde, l'état juif est de
plus en plus perçu comme offrant plus qu'une marchandise, une inspiration.
De 2003 à 2013, les entrepreneurs israéliens ont créé et
vendu 772 start-up pour un total de 42 milliards $. Et les 12 derniers mois se
terminant en janvier, 45 start-up ont été vendues pour 6,4 milliards $; de plus
on a levé 1,2 milliards $ du public en un an et 0,7 milliard $ en un seul
trimestre.
Du software de navigation Waze,
du cyberprotecteur Trustee à l'accélérateur de mobile
Intucell ou le développeur de consoles de jeu PrimeSense achetées par des géants du Net comme Google,
IBM, Cisco et Apple, cela montre ce dont la Chine a besoin, alors qu'elle est
entrée dans une ère nouvelle. Et les Chinois en sont conscients et sont attirés
par la culture entrepreneuriale d'Israël.
En Inde, Israël développe déjà cet esprit pionnier dans
l'agriculture. Ses experts sont disséminés dans une trentaine de centres pour
développer l'agriculture de 10 états indiens et introduire des méthodes
nouvelles d'irrigation et de fertilisation. De l'Asie Centrale jusqu'à
l'Amérique latine, les spécialistes israéliens aident les fermiers à planter de
nouvelles récoltes, à doubler le rendement de lait et à multiplier celui de la
terre.
Cet esprit d'entreprise exporté aux pays émergents dans une
économie globale "post-américaine" va de plus en plus dominer
l'économie du pays. Ne mélangeant pas économie et politique, ces pays
relativement proches et dont les besoins sont en forte hausse vont façonner
l'avenir économique d'Israël avec de grandes promesses.
Malheureusement, ceci ne concerne pas le Moyen Orient
proche, à court ou à moyen terme.
Car les guerres civiles qui y ont cours et qui ravagent la
région depuis bientôt 1/4 de siècle, du Liban, Irak, Syrie, jusqu'au Yémen,
Soudan, Libye et Algérie, en passant par l'Egypte et Bahrain,
rendent la situation catastrophique.
On peut néanmoins espérer que la situation évoluera comme
elle l'a fait en Europe après la Guerre de Trente Ans et on verra alors naître
un esprit de tolérance qui remplacera la violence.
Ce jour sera le bienvenu pour Israël, mais pour le moment,
Israël est obligé d'aller chercher ailleurs ses débouchés, comme ce pays l'a
fait pendant 66 ans.
Cette situation devrait obliger Israël à réduire les
dépenses de défense contre des guerres conventionnelles et en consacrer une
partie à la lutte anti-guerilla et contre la terreur.
Ce changement n'a pas été encore réalisé et les dirigeants devraient imiter
Rabin qui a réduit en 1985, les dépenses de sécurité de 20%, ce qui a permis le
démarrage de la 1ère révolution économique du pays.
Enfin, nous avons trouvé du gaz au large de nos côtes. Ce
nouveau trésor a été découvert au moment où le pays en avait le moins besoin, 4
décennies après l'embargo pétrolier et après que le pays ait émergé du sous
développement. Cet apport financier soudain a déjà mis en faillite d'autres
économies, fortifiant exagérément la monnaie, augmentant le prix de la main d'oeuvre et rendant volatiles les budgets nationaux du fait
des spéculations. Mais en principe cette menace a été neutralisée par le
gouvernement qui a adopté la recommandation de Stanley Fisher, ex-gouverneur de
la banque d'Israël, créant un fonds souverain pour canaliser les revenus du gaz
et les consacrer à l'éducation et aux actions sociales, à petites doses
réparties sur le très long terme.
Cette vision courageuse, comme la réduction des dépenses
pour la défense, restent à faire, alors qu'Israël a commencé à vendre son gaz,
qui couvre les besoins d'au moins deux générations.
D'autres défis l'attendent à l'aube de cette nouvelle ère
"post-américaine", les écarts énormes entre pauvres et riches, le
pays étant en tête des pays développés.
Mais comme il l'a fait pendant les premières 66 années, le
pays a de fortes chances de relever tous les défis qui se présentent à lui.
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