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La Diplomatie du Diable

Par Bruno J. Melki - Journaliste, chimiste, traducteur et ingénieur supérieur, Bruno J. Melki utilise une approche scientifique dans ses recherches journalistique afin de présenter la réalité d’un des conflits les plus médiatisé, mais aussi des plus falsifié, de l’histoire contemporaine. Après avoir poursuivi des études de chimie et de statistiques et avoir travaillé en recherche pendant plusieurs années à l’Université de Jérusalem, Bruno J. Melki rejoint le monde de la haute technologie Israélienne et contribue aux efforts de la nation Start-Up avec quelques patentes. Ayant achevé une formation de journaliste en parallèle à son travail en Israel, il publiera une chronique économique hebdomadaire en Hébreu dans Makor Rishon. Récemment, il traduisit le livre de Ben-Dror Yemini : L’Industrie du Mensonge (à paraitre).

 LPH INFO-  3/7/19

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Dominique De Villepin a donné une interview à BFMTV [1] et a répondu à plusieurs questions d’ordre international. Ayant été ministre des affaires étrangères, son opinion est intéressante car cet homme a sans aucun doute une connaissance profonde de la politique étrangère Française. Son analyse est aussi instructive sur les positions de la France en général, assumant que ces positions ne sont pas diamétralement opposées à celles qui étaient en vigueur il y a une dizaine d’années, lorsque cet homme était ministre des affaires étrangères et Premier ministre de la France.

Pourtant, son discours fait peur. Je dois avouer qu’il m’a fait, personnellement, beaucoup plus peur que les discours des Mollahs Iraniens. Une diatribe ahurissante est sortie de la bouche d’un ancien ministre, et pas des moindres, issue d’un parti de consensus de l’une des plus grandes puissances mondiales. Il attaque le président Américain avec une verve que nous aurions pu espérer entendre à l’encontre d’un dictateur. Il dit, je cite : « On ne peut pas être la première puissance mondiale et agir en grand perturbateur du monde » Cette phrase inouïe de sous-entendus absurdes est dite avec violence et aplomb. Il continue son attaque diplomatique à l’encontre de Netanyahou et de Ben Salmane avec une allusion effarante, je cite : « Je ne vois pas quel serait l’intérêt de Benjamin Netanyahou et de Mohamed Ben Salmane, au-delà d’un sauve-qui-peut individuel, je ne vois pas l’intérêt national qu’ont ces pays à rentrer dans cet engrenage de la tension ». L’engrenage est évidemment celui que mène Trump au moyen Orient.

Et cet ancien ministre d’affirmer en connivence avec son interviewer que dans la perspective des élections américaines, je cite encore : « La guerre est un outil possible dans les mains de Donald Trump ».

Ces déclarations sulfureuses viennent de la part d’un homme ayant un CV impressionnant brodé de grandes écoles et de rôles primordiaux dans les gouvernements français. Ces propos sont inquiétants car De Villepin n’est pas issu des extrêmes de la carte politique Française. Nous ne sommes pas en face de Mélenchon ou de Le Pen avec qui on pourrait encore tergiverser sur le bien-fondé de positions extrêmes de gauche ou de droite.

De Villepin représente une centralité de la politique Française même si ses idées sur certains points convergent vers celles des extrêmes. C’est la raison pour laquelle je pense que les attaques qu’il a exprimées avec grandiloquence sont plus dangereuses que celles des dirigeants des théocraties extrémistes du Moyen Orient.

Les réponses à ces attaques sont très simples. À la question pernicieuse sur les intérêts nationaux de Netanyahou et de Ben Salmane, il s’avère que ces deux hommes entendent les dirigeant Iraniens menacer leur pays d’éradication. Je ne me prononce pas sur les menaces exactes proférées envers l’Arabie Saoudite, mais pour ce qui est d’Israël, les déclarations scandaleuses des élites Iraniennes sont claires et nettes : Ils disent haut et fort qu’ils veulent rayer l’entité Sioniste de la carte mondiale. Dans ce contexte, dire sans sourciller et avec une pointe de cynisme que Netanyahou n’a pas d’intérêts nationaux et agit afin de sauver sa propre personne est pour le moins présomptueux. Il aurait été judicieux de laisser ce genre de déclarations pour les chiffonniers des élections internes Israéliennes.

Pour ce qui est des accusations envers le président Trump, elles s’inscrivent dans le cadre de la réalité Orwellienne que nous vivons, où les états et les groupes parlant, agissant et encourageant un terrorisme violent a travers le monde sont considérés comme des activistes politiques alors que les démocraties qui en souffre et qui s’en défende sont devenus les perturbateurs de l’ordre mondial. On peut ne pas être d’accord avec la politique de Trump, on a le droit de ne pas aimer le style peu diplomatique de l’homme, on a le devoir de le critiquer mais on ne peut raisonnablement pas accuser la plus grande démocratie du monde d’être un perturbateur mondial. Pas lorsque l’on parle d’un conflit qui oppose la première démocratie mondiale à la première puissance terroriste mondiale. Les mots prennent des nuances qui n’échappent pas aux dirigeants du Moyen Orient, ni a ceux qui comprennent le langage oriental.

À présent, au-delà de la portée du discours peu responsable de l’homme, il est intéressant de se pencher sur les raisons qui le poussent à formuler ces déclarations. Il ne fait aucun doute qu’il pense réellement ce qu’il dit.

La France a choisi vers la fin des années soixante de façon délibérée et totalement consciente d’embrasser la cause Palestinienne dans le conflit Israélo-Arabe. Nous reviendrons sur ce choix dans un autre article. Cette décision, mûrement réfléchie suite à un débat sur les intérêts nationaux, n’a pas été du goût de l’État hébreu ni de la communauté juive française, mais elle est légitime. Elle doit être respectée en tant que décision d’un état souverain qui agit en fonction de ce que ses dirigeants, élus démocratiquement, ont vu être leurs intérêts nationaux. Nous comprenons dans ce contexte les moyens qui ont été développés et utilisés afin de rassembler la nation française autour de ces positions. Voilà pourquoi depuis plusieurs décennies, nous enregistrons des prises de position françaises souvent révoltantes à l’encontre de l’État hébreu. Ces prises de position sont cohérentes dans le cadre des intérêts de la France tels qu’ils ont été énoncés à l’époque du Général de Gaule.

Cependant, aujourd’hui, nous commençons à voir les effets secondaires d’une génération qui a été éduquée avec cette volonté d’expliquer l’inexplicable, de justifier l’injustifiable et de fermer les yeux sur beaucoup trop d’écarts. Il semblerait que seuls les éléments qui ont permis à la France de prendre cette décision essentielle ont évolué. La politique française elle, est restée figée à la réalité des années soixante. Beaucoup des évidences de l’époque ne le sont plus aujourd’hui alors que plusieurs estimations sont devenues des faits indéniables. Ainsi, à vouloir préserver une politique décidée il y a 50 ans, une génération entière est, aujourd’hui, en train de perdre les repères de la réalité dans laquelle elle évolue.

C’est le contexte qui permet à un homme de l’envergure de De Villepin d’apostropher le président des États Unis en lui demandant de cesser de perturber la paix mondiale. C’est ce même homme qui défend corps et âme un accord qui permet à la première théocratie terroriste mondiale de construire des armes de destruction massive alors que ses dirigeants menacent d’autres pays d’extermination. C’est ce contexte encore qui donne la possibilité a De Villepin d’expliquer les roquettes que le Hamas tire sur les villages du sud d’Israël, de justifier les salaires mensuels versés à des assassins et de fermer les yeux sur les menaces d’exterminations Iraniennes. Il ne fait aucun doute que la complicité existante entre les deux dirigeants les plus détestés des élites du monde occidental dérange une certaine hégémonie de la pensée et font de ce duo une cible commune que l’on peut insulter impunément sur les plateaux des médias internationaux.

Certes, Donald Trump a des manières qui ont rarement été vues dans les couloirs de la diplomatie mondiale, évidemment, Netanyahou dégage une suffisance de lui-même qui fait dresser les cheveux de plus d’un diplomate mais c’est justement le rôle de la diplomatie que d’outrepasser les formes de style et de culture afin de pouvoir discuter et dialoguer le fond des problèmes. Il me semble en écoutant De Villepin que les hommes dangereux pour la stabilité mondiale sont ceux qui sont élus par des démocraties fortes et pétillantes alors que ceux qu’il faut préserver des menaces et des sanctions sont les dirigeants de pays totalitaires.

De Villepin se trompe dans son analyse et en tant que diplomate, ses discours sont inexplicables. Comment explique-t-il les déclarations de l’Iran qui menace un pays d’extermination ? Aurait-il expliqué de la même manière ces menaces si elles avaient été proférées à l’encontre de la France ? Et lorsque De Villepin répondra à ces deux questions, nous pourrons lui en présenter une dernière : Est-ce que le peuple juif, dont le tiers a été brûlé après avoir été menacé d’extermination, est censé recevoir ces menaces avec l’apathie qui caractérise les pays d’Europe ?

De Villepin a manqué une fois de plus de faire preuve d’humilité car si les réactions des diplomates Européens face à la question Iranienne sont normales, l’inquiétude d’Israël et des États Unis face aux menaces du pays des Mollah pourrait être pour le moins compréhensible, sinon légitime.

[1] https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/dominique-de-villepin-face-a-jean-jacques-bourdin-en-direct-1170764.html