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Palestine: Une cause ou un état?
Par Amir Taheri,
journaliste né a Ahvaz, dans le sud-ouest de l'Iran, et a fait ses études
à Téhéran, Londres et Paris. Il était rédacteur-en-chef exécutif du
quotidien Kayhan, à Téhéran (1972-79). Entre 1980 et
1984, il est rédacteur pour le Proche Orient au Sunday
Times. Entre 1984 et 1992, il est membre du comité exécutif du
International Press Institute (IPI). Entre
1980 et 2004, il rédige articles et reportages pour International Herald
Tribune. Il a écrit pour le Wall Street Journal, le New York Post, le New
York Times, le London Times, le magazine français Politique
Internationale, et l'hebdomadaire allemand Focus. Entre 1989 et 2005, il est
éditorialiste au quotidien allemand Die Welt. Il a
publie
Al Shark al Awsat -Le 7 octobre 2011
Traduction: Y.P.
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D'ici quelques jours, le Conseil de Sécurité des Nations
Unies devrait commencer à débattre de la demande palestinienne d'être reconnu
comme état membre.
De prime abord, il s'agit d'une question claire et nette.
Depuis sa fondation après la deuxième guerre mondiale, l'ONU a admis en tant
que membres plus de 150 états. Il n'y a pas de raison pour que la demande
palestinienne pose problème.
Et pourtant, elle en pose. En un peu plus de soixante ans,
rien n'a été simple avec la Palestine. L'ironie, c'est que l'ONU avait tenté
de créer un état palestinien en 1947. Ses membres arabes avaient rejeté
l'idée. Une idée qui renaît 20 ans plus tard, dans la foulée de la débâcle
arabe de 1967. Elle est enterrée par les rejectionnistes
et leurs alliés.
Il est possible qu'Israël n'ait pas voulu non plus
d'un état palestinien. Cependant, il n'a jamais été mis à l'épreuve. Le
président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, a peut être
ressuscité l'idée pour des raisons personnelles. Le mandat d'Abbas s'est achevé
il y a deux ans, et il n'existe aucun mécanisme pour choisir un successeur.
Parallèlement, ses efforts pour former un gouvernement de coalition avec le
Hamas sont tombés a l'eau. Ainsi, débattre d'un état
palestinien pourrait donner un certain élan, ou a tout
le moins changer les titres des journaux au cours de quelques semaines.
Mais la création d'un état palestinien dépend-t-elle d'une
reconnaissance par l'ONU?
Rien n'est moins sûr. Pendant plus de 20 ans, la nation la
plus peuplée de la planète, la Chine, fut interdite d'entrée a
l'ONU. Personne ne nie que la Suisse soit une nation, bien qu'elle ait refusée
des décennies durant d'adhérer a l'ONU. A une plus petite échelle, le Kosovo
actuel est un état souverain, malgré le veto russe qui l'empêche de joindre
l'ONU.
Dans le cas de la Palestine, le problème est à la base.
De création récente, l'état moderne est l'expression
politique de l'existence d'une nation. Il faut qu'il y ait d'abord une nation,
pour que l'on cherche ensuite un état qui exprime son existence.
La Palestine est-elle une nation, dans le sens moderne du
terme tel qu'il est décrit par Johann Gottfried Herder a la fin du 18ème
siècle?
Cette question pourrait surprendre, voire fâcher. Pourtant,
pas un seul parmi les douzaines de partis politiques ayant revendiqué la
représentation des Palestiniens au cours de ces 70 dernières années ne
s'est jamais présenté comme national. Des termes comme "nation"
ou "national" ne figurent pas dans la désignation de mouvements tels
le Fatah ou le Hamas. Ces mouvements, ainsi que plusieurs autres, plus petits,
préfèrent plutôt l'utilisation d'adjectifs comme "islamique" et
"populaire". Il est sous entendu que les Palestiniens
sont, au mieux, un "peuple", mais pas une nation. Ils sont perçus
comme faisant partie, soit d'une plus grande et mythique "nation"
arabe, soit d'une Oummah islamique, autrement plus
problématique.
Epousant des idéologies gauchistes ou islamistes, les
formations politiques palestiniennes ont systématiquement rejeté le
concept d'une nation, pierre angulaire de l'état moderne.
Le contraste avec les mouvements modernes de
libération nationale de par le monde est révélateur. Pour eux tous, le terme de
"nation" est à la clé de leur identité. Nous avons ainsi le Congrès
National Africain en Afrique du Sud, et le Front de Libération Nationale en
Algérie. Et quoique dominé par le communisme, même le Viêt-Cong s'est déclaré
être un front de libération nationale.
Islamistes ou gauchistes, les mouvements politiques
palestiniens traitent la Palestine comme une "cause", plutôt qu'un
projet politique.
Mais quelle est donc cette
"cause"?
Celle-ci a été clairement présentée par le dirigeant du
Hamas, Khaled Mechaal, dans un discours à Téhéran le
3 octobre. "Notre but, indique-t- il, est de libérer toute la Palestine,
de la Rivière à la Mer." En d'autres termes, le but n'est pas de donner un
état aux Palestiniens mais de détruire Israël.
Ramadan Abdallah Shallah,
dirigeant du Jihad Islamique pour la Palestine, était encore plus explicite.
"Lorsque nous prendrons le pouvoir, nous ne permettrons pas au régime
sioniste de vivre un seul instant", a-t-il déclaré à Téhéran.
D'après le quotidien Kayhan, daté
du 4 octobre, les deux hommes ont rendu hommage au "Guide Suprême",
Ali Khamenei, en tant que celui qui aura le dernier mot sur la Palestine.
"Le vénérable Commandeur de la Révolution Islamique, l'Imam Khamenei, est
notre guide et notre leader ", a dit Mechaal.
"Ses désirs seront la cause des Palestiniens. Khamenei est notre souverain
et maître".
Bien entendu, ce n'est pas la première fois que des
dirigeants palestiniens mettent "la cause" aux enchères. Il fut un
temps ou l'on se répandit en obséquiosité à l'égard de Nasser,
"guide et maître". En 1991, Yasser Arafat avait vendu "la
cause" à Saddam Hussein. Quelques années plus tard, à Oslo, il l'a
revendue à Shimon Peres.
Dans son discours, Khamenei a promis qu'une fois Israël
détruit, il organiserait un referendum dans lequel les Palestiniens du monde
entier et quelques citoyens d'Israel décideraient du
sort de la "Palestine libérée". Les mauvaises langues à Téhéran
racontent, qu'une des options pourrait être le rattachement de la
"Palestine libérée" à l'empire de l'Imamat de Khamenei. Ce n'est pas
une vue de l'esprit. Après tout, Nasser avait, lui aussi, espéré
annexer la "Palestine libérée" à sa République Arabe. Saddam Hussein
rêvait de transformer la Palestine en "comptoir méditerranéen" de
l'Irak, un plan qui aurait également impliqué la destruction de la
Jordanie en tant que pays indépendant. Hafez el Assad
avait fantasmé d'intégrer la Palestine dans une "Grande Syrie".
La flagornerie de Machaal et de Shallah à l'égard de Khamenei signifie qu'il n'y a pas de
"nation" palestinienne. Une nation souveraine ne demanderait pas
qu'un dirigeant d'un pays étranger décide de son avenir.
La quête d'un état palestinien commence chez les
Palestiniens eux-mêmes. Ils doivent décider s'ils sont une nation moderne, ou
bien un fragment d'une entité plus large, échappant à leur
contrôle.
Une fois parvenus à une conscience propre d'une nation, ils
pourraient chercher une expression étatique dans des territoires ou ils sont
majoritaires. Cela n'exclurait pas des revendications territoriales contre des
voisins. (La plupart des membres de l'ONU ont des revendications semblables
vis-à-vis un ou plusieurs de leurs voisins). Cependant, en tant que membre de
l'ONU, un état ne peut adopter la destruction d'un autre état membre comme sa
"cause".
La Palestine doit choisir ce qu'elle veut être, une "cause" ou un état.