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L'État de Palestine pour les Nuls
Par Jean-Pierre Bensimon - Blog de France Israël Marseille
27/11/14
Fiche pédagogique à l'attention
de certains honorables parlementaires du Palais Bourbon et de quelques uns
de leurs conseillers.
Tous le savent. La résolution discutée le 28 novembre à
l'Assemblée nationale et le 11 décembre au Sénat est "symbolique."
Cela veut dire qu'elle n'aura aucun impact sur l'exercice effectif de la
souveraineté entre le Jourdain et la Méditerranée, et qu'elle ne contraindra
même pas la décision du gouvernement français, libre d'agir à sa guise dans un
sens ou dans un autre. Mais toute symbolique qu'elle soit, la démarche
s'inscrit dans une vague européenne, et nos parlementaires n'allaient pas
laisser à leurs homologues de l'Union le monopole de la morale et de l'amour
militant de la paix, ni négliger de récolter les bénéfices d'un peu de cuisine
politique moyen-orientale.
C'est ainsi que la résolution invitant le gouvernement à
reconnaître l'État de Palestine a d'abord sonné la chasse au gibier électoral,
en l'occurrence, au vote immigré arabo-musulman. Que lui offrir de plus
appétissant qu'une humiliation d'Israël ? Le problème, c'est que la concurrence
sur ce segment de l'électorat est bien rude. Le vote Vert et communiste devenu
désormais squelettique, la tentation de plumer la volaille socialiste en
passant par le Sénat était grande. Les socialistes ont tenté de reprendre la
main, comme l'a expliqué Benoit Hamon, en lançant la contre-offensive Guigou à
l'Assemblée. Ils ont à se faire pardonner les ABCD de l'égalité et
la promotion de "Mehdi met du rouge à lèvres," qui ont tant
choqué leurs électeurs de l'immigration qui avaient tant aidé à la victoire de
François Hollande. Pour empêcher la dispersion de ses ouailles, le Front
national a réagi en s'alignant sur les Verts, les socialistes et les
communistes. Reconnaissance, reconnaissance! Quant à la "droite" , favorite
des suffrages suite au désastre de la gestion socialiste, elle refusera en
majorité de mettre ses pas dans ceux de ses principaux adversaires en
difficulté. Les dividendes de la "reconnaissance" s'annoncent limités
pour tous car les ayant-droit sont nombreux.
Le second motif de l'opération "reconnaissance de
l'État de Palestine" est d'accélérer l'arrivée de la paix au
Proche-Orient. L'initiative de Mme Guigou et consorts prétend débloquer une
situation figée et rétablir l'égalité entre les deux parties, car les
Palestiniens sans État seraient en situation d'infériorité. Le raisonnement a
de quoi dérouter, car il signale qu'en sus des montants de la dette publique,
il y a une autre fosse abyssale dans le vieux pays: le déficit des
connaissances sur les réalités du Proche-Orient.
D'abord une vérité insupportable: les Arabes
palestiniens ne veulent pas d'un État s'ils doivent dans le même
temps reconnaître la souveraineté juive d'Israël. Ils ont un
représentant "élu," M. Mahmoud Abbas. Nous mettons des
guillemets car bien que le terme de son mandat électif date de janvier 2009, il
continue de "présider" depuis bientôt 6 ans, sans organiser une
nouvelle élection. Ce "représentant" tient fermement son orientation
: pas d'État palestinien négocié.
Voila la religion de Ramallah que l'Occident fait mine
d'ignorer, mais qui est rationnelle. En effet, celui qui accepterait
d'entailler la souveraineté islamique sur ce confetti du "dar
al-islam" deviendrait immédiatement un traître, un hypocrite, un
kouffir, un apostat, justiciable d'un arrêt de mort délivré par un moudjahid,
une espèce qui pullule dans ces rudes contrées. Abdallah 1er de Jordanie ou feu
Anouar al Sadate en firent l'impitoyable expérience, avec beaucoup d'autres. Il
n'y a aucune personnalité palestinienne, saine d'esprit et en activité, qui
soit prête à s'engager dans la mortelle équipée d'un traité avec les anciens
"dhimmis" méprisés.
Tout en ruse, Abbas préfère un État palestinien fictif
octroyé par un vote de l'ONU, qui lui évite de reconnaitre Israël, de signer la
paix, de mettre un point final au djihad, et naturellement, de faire des
compromis ou des concessions. C'est ainsi qu'en toute cohérence et pendant des
décennies, les Palestiniens ont refusé un État: en 1937, en 1947, en sept 2000,
en janvier 2001, et en 2008 par les soins du matois Mahmoud Abbas en personne.
Par contre, ils sont très friands d'un État basé sur la non-reconnaissance
d'Israël, ou, plus en phase avec le djihad, d'un État dédié à la destruction
Israël, façon Gaza.
La seconde vérité insupportable, c'est que les
Arabes palestiniens "modérés" de Ramallah, ont une aversion
irréductible pour la négociation de paix avec Israël, un paramètre que
répugnent toujours à intégrer les cranes d'œuf de la Maison Blanche ou du Quai
d'Orsay. Pourtant les Palestiniens se sentent en droit de s'irriter que tant de
gens continuent de leur faire la suggestion oiseuse d'une négociation
avec Israël suivie d'un traité. Les négociations de Camp David,
sous la pression tenace de Bill Clinton furent une horreur pour Arafat,
tout comme le dernier cycle de conversations, décroché avec force salive
par l'inusable John Kerry, a été un cauchemar pour Mahmoud Abbas.
Entrer en négociation est un risque. Votre refus de
l'existence du partenaire et de la paix avec lui peut devenir évident aux yeux
de tous. Vous pouvez être désigné comme le responsable de l'échec. Or il faut
que les négociations échouent, c'est une question de vie ou de mort pour le
Fidèle qui veut attendre un peu avant de rejoindre ses 72 vierges. Le madré
Arafat avait su inventer une provocation de Sharon sur le Mont du temple et
lancer une Intifada. Le chafouin Abbas a su inventer la réconciliation avec le
Hamas pour précipiter une décision de rupture de Jérusalem et échapper au piège.
En avant donc, pour la solution unilatérale, pour le faux
État octroyé par la communauté internationale, qui évite et la négociation et
la paix, les Charybde et Scylla du djihadiste. Sur cette voie, la résolution
Guigou au Palais Bourbon, c'est pain bénit.
La troisième vérité est sans doute cachée depuis
la fondation du monde, comme dirait René Girard. Elle s'énonce de la façon
suivante : tout territoire cédé par Israël à ses voisins hormis l'Égypte, se
métamorphosera ipso facto en base de guerre djihadiste. Pour le dire autrement,
une fois Israël parti, les anciennes Judée et Samarie se peupleraient de
réseaux souterrains offensifs et de pas de tir de missiles de moins en moins
artisanaux, de tremplins pour les commandos en deltaplane ou en parapentes, et
de diverses autres "surprises." On peut seulement assurer que la
topographie interdit localement les commandos marines. L'Iran à déjà promis les
fournitures et les formations nécessaires.
Providence, cette infanterie, cette artillerie et ces
"surprises" sous la bannière noire du djihad, seraient ancrées tout
près des centres politiques, militaires, économiques et démographique d'Israël,
jusqu'à les toucher. D'où la mauvaise humeur persistante de ces têtes de mules
d'Israéliens quand on leur parle des lignes de 1967. Pas de tous. Une bonne
part des grands intellectuels et universitaires juifs, et des fines mouches des
média, en redemandent au contraire, confiants dans la résistance des
forteresses idéologiques inexpugnables où ils se sont retranchés. Mais ils ne
représentent désormais qu'une infime minorité sans influence politique.
Résolution Guigou ou pas, il ne faut pas compter qu'Israël
accepte un règlement qui autorise le djihadiste à placer son pistolet sur la
tempe de l'État juif. Le suicide n'est pas l'une de ses valeurs.
Dans sa troisième facette, la résolution parlementaire se
pique de morale et vise à rendre "justice" aux Arabes palestiniens,
privés des droits nationaux auxquels ils aspirent, et livrés aux
"humiliations" de l' "occupation". Telle est la bande
sonore élaborée par les services de communication des groupes djihadistes
palestiniens que l'on se passe en boucle d'un bout à l'autre de l'Occident
depuis plusieurs décennies.
Cependant les faits sont têtus. Un sondage de la dernière semaine
de novembre vient de révéler que 77% des Arabes israéliens préféraient vivre
sous l'autorité israélienne plutôt que palestinienne. (sondage Statnet
Research Institute; Voir Jerusalem Post du 25 novembre 2014)
Voila qui en dit long sur le "sentiment national" des
Palestiniens et sur l'humiliation soi-disant ressentie par les populations
arabes au contact d'Israël. Il faut toute la science des équipes qui ont conçu
la politique "musulmane" d'Obama, le professionnalisme de la
majorité des média français et le discernement des enseignants qui
peuplent les instituts de sciences politique pour ne pas comprendre que
l'identité arabe, forgée dans le souvenir des immenses conquêtes de l'islam, ne
peut se borner à l'horizon des collines entre le Jourdain et la mer. Ou que la
férule cruelle des dirigeants arabes n'est pas pour leurs peuples la première
humiliation, et le motif d'une fuite éperdue.
Quelle est la morale appuyée sur la geste de la famille de
Mahmoud Abbas, qui croule sous l'or de la corruption comme tous les clans
dominants du Fatah? Celle de la corruption identique des caciques du Hamas
accusés par leurs "frères" d'avoir détourné 700 millions de dollar
d'aide étrangère dès la fin du conflit de l'été dernier? Quelle est la morale
assise sur la gloire militaire du Hamas qui cache ses chefs et ses milices dans
des hôpitaux et des souterrains, et qui contraint le petit peuple à exposer son
corps comme bouclier humain? La morale des exécutions publiques, des enfants
morts en creusant des souterrains, des mères comblées par le sacrifice de leur
enfant dans des opérations de "shahids"?
Il émane de la "résolution pour la reconnaissance de
l'État de Palestine" qui va être soumise aux deux chambres, des saveurs de
surréalité.
Voila un extraordinaire tour de force qui permet au
parlement français d'enfanter un État palestinien,
inaugurant la GAD, la Gestation à Distance par delà la PMA et la GPA.
Voila une fabuleuse opération, celle qui donne vie à
un fantôme, l'État de Palestine, quelque chose qui n'existe pas.
On a même argumenté que la reconnaissance peut produire un
État en excipant le précédent du vote le l'AG de l'ONU de novembre 1947. En
1947, le vote de l'ONU n'était qu'une proposition, à charge pour ceux à qui
elle était faite de la mettre en œuvre.
Les Arabes avaient purement et simplement refusé. Les Juifs,
eux, avaient accepté. Mais c'était pour officialiser un État déjà créé, un État
édifié au cours d'un processus pluri-décennal. Le Yishouv,
le prédécesseur de l'État d'Israël de 1948, avait déjà des
institutions politiques représentatives démocratiques dès les années 20 ;
les fonctions régaliennes étaient assurée par une assemblée des élus -Asefat
he Nivharim-, un exécutif représentatif des partis, le Vaad Lehumi,
une force militaire unifiée aux ordres de l'instance politique, un système
fiscal, un appareil judiciaire, un grand syndicat, des systèmes
d'assistance sociale, etc..
Les Arabes palestiniens d'aujourd'hui ont simultanément deux
proto-états en guerre l'un contre l'autre, corrompus, vivant de la mendicité
internationale et de mythes antisémites revanchards. Même s'ils exhibent de
temps à autre une fiction d'unité, leur gouvernement commun n'est qu'un épisode
où le Hamas cherche de quoi payer de ses 15.000 agents permanents, tandis que Mahmoud
Abbas veut afficher un simulacre de représentation unifiée du "peuple
palestinien" pour étayer sa démarche unilatérale à l'ONU. Mais Abbas ne
peut pas mettre un pied sur le sol de Gaza, et il survit grâce à la coopération
de sécurité avec Israël.
Le seul effet de la résolution Guigou sera d'apporter un
soutien à la démarche de Mahmoud Abbas de non-négociation, de non signature de
la paix, de non fin du conflit. Si Mahmoud Abbas ne peut pas poursuivre sur une
autre voie sans échapper au couteau du djihad, le parlementaire français peut
ne pas voter la résolution surréelle sans perdre autre chose que ses préjugés,
ses passions et parfois une part de son incompétence.