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L'Espace
Arabe est dans le Chaos,
mais il a fait de la Palestine son Drapeau
Par
Jacques Tarnero chercheur à la Cité des sciences et
de l'industrie et documentariste français. Il s'est spécialisé dans l'étude du
racisme, de l'antisémitisme et l'Islam. Il est l'auteur du livre Le nom de trop
(ed Armand Colin. 2012) et du film Décryptage (2003 prod Sophie Dulac).
Première
parution sur le https://www.huffingtonpost.fr le 31/7/14
Voir aussi les
50 derniers articles & l'Autorité Palestinienne
Au 20 août 2018, rien n’a changé, la situation a plutôt empiré….
·
Que le Hamas soit le drapeau de la
Palestine constitue un désastre complémentaire.
·
Que l'islamisme soit le moteur idéologique
de l'espace arabo-musulman est un autre désastre et une menace pour tous.
·
Que des forces de gauche soutiennent une
Palestine prise en otage par le Hamas est un naufrage intellectuel et
politique.
·
Ce constat est terrible et mérite d'être
regardé en face.
De
l'océan Atlantique aux rivages de la Chine, les islamistes n'instaurent que
fureur, chaos et délires. Au sud du Sahel, cette même fureur sème la terreur au
Mali, au Niger. Des centaines de jeunes filles ont été kidnappées au Nord du
Nigéria, coupables de vouloir aller à l'école. Un nouveau Calife délirant
menace la Mésopotamie et le grotesque dispute à l'épouvante la scène de cette
tragédie antique. En Afghanistan, les talibans attendent leur heure. Pour le
moment ils assassinent les jeunes filles qui elles aussi, osent aller à
l'école. En Iran les mollahs font tourner les centrifugeuses pour préparer leur
bombe atomique. Dans le même temps ils pendent les homosexuels. En Arabie
saoudite on coupe, au sabre et en public, la tête de ceux qui contreviennent à
la charia. Dans les Emirats, en Jordanie, en Afghanistan on lapide la femme
adultère ou bien la jeune fille violée. L'honneur des tribus ne saurait
souffrir une quelconque atteinte. Dans les pays du Golfe, on construit des
tours de 800 mètres de haut pour atteindre le paradis et des pistes de ski sous
cloche réfrigérée et au Qatar, notre ami le Qatar, des esclaves asiatiques y
construisent des stades climatisés pour préparer la coupe du monde football de
2022.
Les
Etats inventés par les Européens au Proche-Orient, après 1918, se décomposent
sous nos yeux. L'Irak, la Syrie, la Libye, le Liban, disparaissent en tant
qu'Etats-nations. Les frontières inventées par la colonisation au sud du Sahel
fondent de la même manière au profit des Boko Aram et
autres salafistes, jihadistes,
islamistes. Le port du voile étant devenu quasiment obligatoire dans certaines
banlieues de France, des municipalités de gauche de gauche ont décidé d'honorer
quelques terroristes islamistes pour faire bonne figure et s'assurer une clientèle
électorale. Dans
le même temps c'est Israël qui est conspué.
S'agit-il
d'une caricature inspirée par une islamophobie de mauvais goût?
Des
"chariaologues" inspirés viennent à la
télévision dire que tout cela n'est pas inquiétant et que c'est la présence d'Israël qui a perturbé l'équilibre ancien. De ce
jeu planétaire, l'Occident s'en accommodait et rapportait beaucoup de
pétrodollars à certains. La décomposition de l'Union Soviétique a bouleversé la
donne ancienne. Après avoir espéré la paix universelle dans une mythique
"fin de l'histoire" voilà que c'est le "choc des
civilisations" qui désormais se profile à l'horizon et c'est tant pis pour
tous ceux qui avaient vu dans les "printemps arabes", l'aube d'un
nouvel avenir radieux. Hélas, pour les illusions de tous, c'est l'hiver
islamiste qui succéda au printemps, mais le déni idéologique du réel est tel,
chez certains, en particulier à gauche, que la raison de ce désastre porte le
nom d'Israël. Incapables de penser cette exception, ce nom est devenu un nom de
trop.
La
grille de lecture du monde est longtemps restée de nature économique, nourrie
de rapports de force entre blocs d'intérêts et puis voilà qu'à une planétaire
lutte des classes succède la lutte des tribus, des ethnies et des religions. L'anthropologie
est nécessaire pour comprendre la décomposition libyenne, celle de la Syrie ou
celle de l'Irak. On n'ose plus formuler une hypothèse: et si le désastre arabe était désastreux d'abord parce qu'il est
islamiste? N'y aurait il pas un fondement d'un évident bon sens à cette
crainte actuelle de l'islam? Ne correspond-elle pas à une réaction, face aux
bienfaits de l'islamisme dans le monde contemporain? Bien sûr, il ne faut
pas jeter le bébé d'Averroès ou d'Ibn Khaldoun avec
l'eau du bain du Calife, mais tout de même n'y a-t-il pas un problème avec cet
islam proliférant devenu fou, furieux, intolérant? Pourquoi est-il incapable de
se réformer, de se penser? Pourquoi ne lit-on jamais ou très rarement des
pétitions d'intellectuels d'origine arabo-musulmane pour crier: "Pas
en notre nom! Pas au nom de l'islam!" Quelle est cette incapacité
arabe à porter un regard critique sur ce que des Arabes ont fait de l'histoire
arabe? Le texte sacré coranique aurait été écrit par Allah lui même et serait
donc intouchable. Respectons la foi qui inspire la transcendance, mais cela
interdit-il de penser à côté? Pourquoi le goulag islamique garrote-t-il les
esprits jusqu'en Europe, jusqu'à Sarcelles? Il y a quelque chose d'énigmatique dans cette fossilisation.
Que signifie cette haine pavlovienne
d'Israël ? Qu'est ce que représente Israël dans l'imaginaire
arabe? Israël humilierait les Arabes par sa seule existence? Ne serait-ce pas
plutôt le désastre islamiste qui devrait humilier les arabes? Israël représente
le reflet renversé de ce désastre. Regardons une carte. Voilà un pays pas plus
grand qu'un confetti qui dame le pion à la moitié de deux continents et à six
cent millions d'individus. Dans le même temps, ces six cents millions
d'individus traduisent en arabe moins de livres étrangers que n'en traduit la
Belgique (rapport du PNUD 1998). Effectivement il y a de quoi être vexé par ce
reflet renversé, mais au lieu de relever le défi, c'est le porteur du défi
qu'il faut anéantir comme s'il avait d'abord et avant tout, dans cet espace de
personnes moustachues et/ou barbues, attenté à la virilité arabe humiliée dans
ses défaites militaires face à Israël. Est-ce cela la source du malheur arabe?
Celui qui enveloppe la femme et la dissimule au regard, au nom de l'islam et de
la charia, voit-il dans cet Israël démoniaque la représentation de ses
frustrations?
On
est porté à penser que le cœur du décalage culturel entre islam et Occident est
de cet ordre. Des lors, les esprits éclairés, ceux inspirés par les Lumières,
devraient combattre cet obscurantisme régressif. L'idéal d'autonomie, celui de
liberté des individus, devrait regarder avec effroi ces sociétés d'enfermement
où l'individu n'existe pas. Ce regard lucide, les intellectuels d'Occident
l'ont déjà porté sur ces mondes totalitaires qui déjà faisaient de la figure
juive l'objet repoussoir. Arthur Koestler, Georges Orwell, Simon Leys, Albert Camus avaient saisi avant tout le monde ce qui
du communisme partageait avec le fascisme la haine de la liberté. Avec
délectation et aveuglement, déjà, d'autres intellectuels pensaient le
communisme juste parce que théoriquement fondé. Au diable la vérité ou la
liberté puisque le concept permettait d'élaborer des équations justes. Cet
amour erroné de modèles théoriques tordus fonctionne toujours de nos jours: à
partir d'une lecture économique fondée (misère des peuples) mais erronée
(richesse des potentats, corruption des dirigeants), certains voient dans
l'affrontement entre la Palestine et Israël, l'affrontement d'un Sud pauvre contre
une puissance coloniale. L'argent que notre ami le Qatar investit dans ses
stades réfrigérés aurait de quoi faire vivre dix Palestine.
Que signifie la haine du Juif inculquée
depuis l'enfance sinon inventer un objet repoussoir qui interdit de penser sa
propre condition. Pourquoi est-ce ici, en France, à Trappes, à
Sarcelles ou rue de la Roquette que quelques illuminés se sont battus aux cris
de "Allah Akbar!" ("Dieu est grand!")? Quand les islamistes
découpent au couteau la tête d'un ennemi, d'un mécréant, d'un Croisé ou d'un
Juif, c'est aux cris de "Allah Akbar!" que ce malheureux est égorgé.
La décapitation de Daniel Pearl en fut le premier exemple. Il faut regarder ces
images atroces diffusées à profusion sur Internet par les auteurs de ces gestes
pour prendre la mesure de ce que ces gestes symbolisent. La culture du martyr,
la glorification de la bombe humaine (faussement qualifiée "d'attentat
suicide" par les médias occidentaux) est l'autre face (sanglante) de ce
rapport au monde.
Enfoui
dans son confort (tout relatif) l'Occident en paix depuis 70 ans, a fait du
rapport production/consommation le noyau dur de ses modes de vie. A côté de lui et désormais chez lui, c'est
une autre vision du monde qui s'est installée dans une extraordinaire
schizophrénie.
Ce
sont des musulmans intégrés dans la société qui ont commis les attentats de
Londres. Ce sont des jeunes Nigérians présents depuis longtemps dans la société
anglaise qui ont massacré au hachoir un soldat britannique à Londres en 2013. A
Boston, ce sont deux frères d'origine tchétchène, installés depuis longtemps
aux USA qui ont posé les bombes du marathon. Khaled Kelkal,
Mohamed Merah présentaient des profils proches. Mal
intégrés, shootés à l'islamisme, ils ont trouvé dans une exaltation identitaire
une raison d'être autant qu'une raison de tuer.
Ou
bien, en Europe et en France on est capable d'intégrer ces données factuelles,
de réfléchir sur elles, ou bien on continue à dénier à ce réel sa réalité.
C'est donc de logiciel intellectuel qu'il faut changer. Aux catégories des
années 50/60 dominées par une grille de lecture politique (dominants/dominés)
ou économique (lutte de classe/moyens de production/propriété), il faudrait
reprendre et reconsidérer ce que Levi Strauss écrivait déjà dans Tristes
Tropiques sur l'étanchéité du monde né de l'islam et des sociétés arabes.
Germaine Tillon, pourtant peu suspecte de
complaisance coloniale pointait, elle aussi, la spécificité de l'hostilité de
la société arabo-musulmane dans sa lutte contre la colonisation française en
Algérie. Déjà les prémices d'un projet de purification ethnique sur une base
islamique, pointaient sous les discours anti colonialistes. Jusqu'à ce jour,
cet aspect-là des choses, cette dimension ethno-religieuse a peu été prise en
compte par ceux qui ont travaillé sur les mouvements d'indépendance en Afrique
du Nord et la guerre d'Algérie. Celle-ci ne pouvait être que juste et bonne et
c'est un regard idéologique bienveillant qui fut d'abord porté sur la guerre
faite par le FLN à la France. Les crimes du FLN, le massacre au faciès des
Européens, des Français à Oran le 5 juillet 1962 ont été oubliés dans les
poubelles progressistes de l'histoire grâce aux bons conseils dispensés par
Jean Paul Sartre dans sa préface aux "Damnés de la terre" de Franz Fanon:
un bon européen est un colon mort, lui, sa femme et ses enfants, écrivait en
l'occurrence l'auteur des "Mains sales".
S'il
ne s'agit pas d'essentialiser les cultures nées de l'islam, il s'agit de
prendre la mesure du télescopage culturel en cours dont les Juifs constituent
la ligne de front et dont la Palestine est le prétexte. Au Proche-Orient c'est
la même partie qui se joue. Comment
peut-on imaginer un accord entre les parties quand l'un des partenaires dénie à
l'autre son droit à exister? La majorité politique pilotée par
Netanyahu n'est pas prolixe en gestes généreux ni en imagination prospective et
il se développe en Israël une frange d'extrémistes ou d'illuminés dangereux
pour la démocratie. La nébuleuse du "prix à payer" est un poison pour
la société israélienne. Elle est le symptôme d'une perte de sens et de mesure.
Elle est le produit des formes les plus obscurantistes de l'intégrisme
religieux juif, le même qui a inspiré le bras meurtrier de Yigal Amir,
l'assassin de Yitzhak Rabin en novembre 1995 ou celui de Baruch Goldstein à
Hébron un an plus tôt. L'assassinat de ce jeune palestinien brûlé vif en
vengeance des assassinats des trois adolescents juifs, témoigne de cette pente
dangereuse. Malgré la condamnation unanime de la classe politique, ce risque
est présent dans la société israélienne. Il est le corollaire de la corruption
de certains esprits confrontés à une violence et à une menace infiniment
répétée.
L'Europe est
elle encore capable de penser cela? Est-on capable de penser ce que signifie
vivre dans un pays dont la largeur ne dépasse pas 20 kms, entourés par des
télévisions qui débitent à longueur de journée des appels à la haine, au
massacre. Depuis près de 70 ans, les Israéliens vivent dans ce climat, au
rythme des attentats et des guerres, mais depuis 70 ans, ils ont simultanément
bâti un pays, développé une culture, composé des musiques, écrit des
livres nobélisés, développé des sciences et des techniques pour le bien de
l'humanité. Israël aime la vie tandis que le Hamas célèbre la mort et c'est
bien l'autre terme de cette tragédie sans fin.
En
s'attaquant au Hamas, Israël se défend autant qu'il libère les Palestiniens de
ce joug mortifère.
Est-on
capable de comprendre cet enjeu, ici en France?
Est
on capable en Europe de mettre en cause sa grille de lecture pré-construite, ses clichés?
Et
si c'était Israël qui mettait en question nos schémas de pensée?
Osons
la question en d'autres termes: et si Israël se battait pour NOUS ?