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La Ruse Diabolique :
Comment le Hamas a
« Intoxiqué » le Renseignement Israélien
Le Hamas a réussi à «
retourner » les services israéliens en sa faveur à travers une ruse diabolique
: en « donnant » des membres de l’organisation rivale Djihad islamique…
Par
Michel Gurfinkiel pour Valeurs actuelles
9/10/23
-
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Le
31 août dernier, Yigal Carmon, l’un des meilleurs
experts géopolitiques israéliens, sonne l’alerte : « Nous avons de
plus en plus de raisons de penser qu’Israël pourrait être confronté à une
guerre en septembre ou en octobre. Cela pourrait commencer par des heurts de
plus en plus violents, ou l’utilisation d’armes nouvelles…contre lesquelles
Israël ne pourra pas répliquer par des mesures antiterroristes
classiques. »
Carmon énumère les éléments qui
amènent les analystes israéliens à envisager de tels scénarios :
- Sur
la frontière nord, des « provocations du Hezbollah », l’organisation
chiite pro-iranienne qui domine le Liban. Notamment l’érection de tentes du
Hezbollah sur le mont Dov, sous contrôle israélien
depuis 1967, la destruction de caméras de surveillance au point de contrôle
Fatima, des tirs sur des blindés israéliens, des tentatives pour restreindre la
liberté de mouvement des casques bleus de l’Onu.
- L’apparition
en Cisjordanie de cellules terroristes cherchant à appliquer les tactiques
utilisées à Gaza : mise en place de rampes de lancement de roquettes,
percement de souterrains.
- Des
appels à des affrontements avec les Israéliens autour des Lieux saints de
Jérusalem, notamment au moment des fêtes religieuses juives, du 15 septembre au
7 octobre.
- Des
concertations stratégiques de haut niveau à Beyrouth, entre le Djihad islamique
palestinien, le Hezbollah libanais et l’Iran (représenté par son ministre des
Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian), en
vue de « coordonner les luttes » contre Israël.
- L’éventualité
croissante d’une utilisation « d’armes nouvelles particulièrement
létales » contre les Israéliens, pouvant entraîner « un nombre sans
précédent de victimes ». Carmon ne précise pas
la nature de ces armes.
Rétrospectivement,
on ne sait si l’on doit admirer cette analyse, ou s’étonner de sa faille la
plus flagrante : le Hamas n’y est pas mentionné.
Carmon, 77 ans, qui dirige
aujourd’hui l’institut Memri, spécialisé dans l’étude
des médias du Moyen-Orient, vient des services secrets. Il a servi, avec le
rang de colonel, au sein du Renseignement militaire israélien, l’Aman, avant de
devenir le conseiller spécial pour le contre-terrorisme des premiers ministres
Yitzhak Rabin et Yitzhak Shamir. Il garde un accès privilégié avec ces milieux.
Aussi
incroyable que cela paraisse, c’est cette proximité même qui l’amène à omettre
le Hamas, et donc à éluder le scénario d’une attaque massive venant de Gaza.
Car le Hamas a réussi à « retourner » les services israéliens en sa
faveur. A
travers une ruse diabolique.
En
mai 2011, une bataille de onze jours, qui n’est pas sans préfigurer la guerre
actuelle, oppose le Hamas à Israël. Une trêve est signée le 21 mai, grâce à une
médiation de l’Egypte et du Qatar. Mais l’organisation islamiste laisse
entendre, pour la première fois, qu’elle serait intéressée par un cessez-le-feu de longue durée. Israël accepte la
transaction.
Premier volet : une
détente économique.
Il fut un temps où la moitié des Gazéens
travaillaient en Israël. Les deux intifadas (1987 et
2000), puis l’arrivée au pouvoir du Hamas dans le territoire (2007), ont
entraîné la réduction puis l’arrêt complet de ces emplois qui assuraient un
important complément de ressources à de nombreuses familles. Le Hamas demande
que de nouveaux permis soient accordés. Le 1er août 2022, un accord est
conclu : près de 20 000 journaliers gazéens sont
admis en Israël. Un an plus tard, pendant l’été 2023, il est question
d’augmenter ce nombre. Parallèlement, Israël desserre le contrôle qu’il exerce
sur les importations « civiles » gazéennes.
Mais un deuxième volet va
être décisif : une coopération sécuritaire. En question, le Djihad
islamique palestinien (DjIP), une organisation
islamiste rivale implantée à la fois en Cisjordanie et à Gaza. Le Hamas
transmet aux services israéliens des informations qui leur permettent de
déjouer des attentats planifiés par le DjIP, ou de
punir des tirs de roquettes. Pas directement, mais par des intermédiaires
palestiniens plus ou moins opaques qui travaillent eux-mêmes avec des agents
« non-officiels » israéliens.
Comme
l’observe l’expert stratégique américain Edward Luttwak :
« Il y a des techniques, sans doute
difficiles et coûteuses, pour repérer des agents doubles, mais pas pour
réévaluer constamment les informations recueillies par des agents loyaux auprès
de sources tenues pour fiables ». Ce que les Britanniques avaient su
exploiter pendant la Seconde Guerre mondiale, en « intoxiquant »
souvent le renseignement allemand. Le Hamas va se comporter ainsi pendant plus
de deux ans. Grâce à son apparente
coopération, les services israéliens déciment l’appareil du Djihad islamique
avec une facilité grisante.
On
veut croire, à Jérusalem, que le mouvement islamiste a opéré une révision
stratégique fondamentale : il aurait fait le bilan de ses attaques
infructueuses contre l’Etat juif, et chercherait désormais, au-delà de la
trêve, à entrer dans le nouveau processus de paix initié par les Emirats arabes
unis et soutenu par l’Arabie saoudite…
Le Hamas entretient
savamment cette illusion.
Ainsi, il s’abstient de participer aux réunions de Beyrouth à la fin de l’été.
Israël, qui a commencé à alléger son dispositif face à Gaza dès 2021, notamment
en désarmant bon nombre de civils dans les villes et villages frontaliers, est
tout à fait rassuré. Courant septembre, il transfère une partie des unités
régulières du Sud en Cisjordanie et en Galilée, pour mieux parer à
d’éventuelles attaques sur ces fronts.
Le réveil, le 7 octobre, est
terrible.
©
Michel Gurfinkiel et Valeurs Actuelles, 2023