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NE COMPTEZ PAS SUR L'EGYPTE

La nature du régime égyptien ne permettra pas de juguler la contrebande vers Gaza

 

Par Mordekhay Kédar, professeur à la section "arabe" de l'Université Bar Ilan

www.YnetNews.com émanation de Yédio't Ah'oronot – 18/01/09

Traduction par Albert Soued pour www.nuitdorient.com

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Ces jours-ci, le Caire passe par une période qui fait penser à ce que disait la Sarah biblique, quand l'ange lui a annoncé qu'elle aura un fils, dans Genèse 17/12: "Flétrie par l'âge, ce bonheur me serait réservé ! Et mon époux est un vieillard !"

Le monde entier se dirige vers la capitale égyptienne, y compris notre cher Amos Gilad, pour demander à Moubarak qu'il soit assez gentil pour sauver la planète de cet ennuyeux dérangement qu'est "la guerre de Gaza". Chacun pense que l'Egypte est la clé de toute solution, surtout parce qu'on croit qu'elle est capable de mettre fin à la contrebande d'armes vers la bande de Gaza et d'ouvrir le passage de Rafah, comme le demande le Hamas.

Il faudrait calmer cet enthousiasme à propos de l'Egypte. Aucun accord ou décision incluant une clause pour mettre fin à la contrebande ne pourra être appliquée sur le terrain, même si le régime égyptien le souhaite (1).

 

D'abord, les Bédouins – La contrebande n'est pas le fait d'Egyptiens mais de Bédouins qui vivent dans le nord du Sinaï. Ces tribus ne parlent pas l'arabe égyptien, bien qu'ils aient reçu la culture égyptienne, mais ils sont en dehors du système politique égyptien. Ils vivent de la contrebande de femmes et de drogues vers Israël et de celle des armes, munitions et missiles vers la bande de Gaza. Il s'agit de leur unique ressource et à chaque fois que le régime égyptien tente de les en dissuader, ils attaquent les côtes du Sinaï, comme on l'a vu à Taba, à Sharm el Sheikh deux fois, à Noueiba et à Ras el Satan. C'est leur manière de convaincre le gouvernement du Caire de les laisser en paix dans leur trafic. Quand le régime envoie des forces de police, les Bédouins se battent, tuent et prennent des otages. Le gouvernement égyptien a les mêmes chances de gagner que celui d'Israël dans ses tentatives d'éliminer la polygamie au sein des tribus bédouines du Néguev. Quels que soient les accords signés par l'Egypte, les Bédouins continueront leur trafic pour survivre.

Ensuite les pots-de-vin – Ceux qui connaissent la réalité égyptienne savent que rien ne fonctionne sans pots-de-vin. Les bas revenus des officiels sont compensés par la corruption. Que pensez-vous que soit la réponse d'un officier de police à un barrage, alors qu'il ne gagne que quelques dizaines de dollars par mois, quand un camion plein de "tuyaux" cherche à passer, et que le chauffeur lui offre 100 $? Est-ce que Moubarak viendra lui-même vérifier le fonctionnement des barrages routiers ? Les chances de voir les agents égyptiens cesser de recevoir des pots-de-vin sont les mêmes que celles de voir cesser la corruption au sein du gouvernement israélien.

Enfin l'administration égyptienne – Toute décision et ordre de Moubarak sur n'importe quel sujet est dilué quand il chemine à travers les méandres de l'administration. Les rouages sont tellement nombreux et complexes qu'à chaque niveau on écarte ce qui ne plait pas. Les chances de voir appliquée une décision présidentielle pour faire cesser la contrebande au Sinaï sont minces. Moubarak pourrait le vouloir, mais ses décisions ne seront pas suivies d'effet. Il n'y aucune malice à cela, c'est l'Egypte!

 

Une petite illustration: il y a quelques semaines, les Palestiniens ont publié un rapport disant que les Egyptiens avaient commencé à s'occuper sérieusement des tunnels de contrebande entre l'Egypte et Gaza, à Rafah. Je voudrais épargner au lecteur les détails de ces actions qui font dresser les cheveux. Une enquête a été menée par l'Egypte pour savoir qui, soudain, est devenu si motivé par ce travail, pour découvrir qu'il s'agissait d'un individu mécontent des pots-de-vin reçus des entrepreneurs tunneliers et il voulait leur donner une leçon (2). Cet individu super actif a aussitôt été déplacé.

 

On verra passer des décisions de l'Onu et des accords peut-être. Mais leur application ne verra le jour sur le terrain que si l'Egypte est capable de contrôler ses Bédouins, si les pots-de-vin cessent et si les ordres de Moubarak parviennent au bout de la bureaucratie.

Entre temps, oubliez les capacités égyptiennes de mettre fin au trafic d'armes. Mais dans cette région du monde, on ne doit pas cesser d'être optimiste, car les choses ne peuvent que s'améliorer. (3)

 

Notes de la traduction

 

(1) Condoleeza Rice et Tzippi Livni ont signé un mémorandum visant à empêcher la contrebande d'armes vers Gaza, par voie terrestre et maritime, mais sans engagement de bonne fin des Etats-Unis néanmoins. Ce mémorandum porte bien son nom, il est MOU.

(2) La construction de tunnels et la contrebande font vivre des milliers de personnes de part et d'autre de la frontière égypto-palestinienne et elles ne sont pas prêtes à disparaître. Selon Georges Malbrunot, dans le Figaro du 10/01/09:

"Une équipe de «coupeurs» perçoit en moyenne 100 dollars chaque mètre de tunnel dégagé. Côté égyptien, on compterait environ 850 entrées de cavités, et 1 250 à Rafah, chez les Palestiniens, sur quatorze kilomètres de frontières. «Des tunnels sont en effet apparus qui se subdivisent en deux boyaux», précise Mohammed, soulignant ainsi la sophistication croissante de ces galeries. En Égypte, les entrées peuvent être situées aussi bien dans des maisons qu'au milieu de champs d'oliviers ou d'amandiers…. On y descend grâce à une nacelle actionnée par un treuil électrique. Certains tunnels sont équipés d'interphones pour communiquer avec la surface. Pour éviter les appareils de détection, les plus profonds vont jusqu'à 30 mètres sous terre. Leur largeur, en revanche, ne dépasse pas «celle d'un homme à quatre pattes». Quant à la hauteur, les «tunnels de luxe», étayés par une armature en bois, atteignent la taille d'un homme (1,70 m environ). Les Israéliens ayant détruit beaucoup de maisons le long de la frontière, les trafiquants ont riposté en accroissant leur longueur. Des galeries plongent jusqu'à 800 mètres, à l'intérieur de zones urbanisées. Depuis 2007, le Hamas a la haute main sur les trafics, tout en laissant agir d'autres «opérateurs», moyennant le paiement d'une taxe annuelle de 10 000 dollars pour avoir le droit de percer un tunnel. En revanche, les autres groupes palestiniens engagés dans la lutte contre Israël sont exemptés de cette dîme, ce qui n'empêche pas le Hamas de bien surveiller leurs approvisionnements en armes. Et si un ouvrier est tué par un éboulement, le Hamas exigera que le propriétaire de la cavité verse l'équivalent de 20 000 euros à sa famille. Chaque mois, le Hamas empocherait entre 6 et 8 millions d'euros de revenus … Derrière le Hamas, «les rois des tunnels» sont aussi les grandes familles de Rafah (El-Sha'er, Qishtah, Barhoum), dont les membres sont dispersés de part et d'autre de la frontière, depuis le retrait israélien du Sinaï en 1982. S'y ajoutent côté égyptien, les Bédouins qui «gardent» les entrées, moyennant bien sûr un pourcentage (30 % environ) de la fraude. Mais après l'instauration de la trêve entre Israël et le Hamas, en juin dernier, les habitants de Rafah ont vu arriver d'autres mercanti, les gros commerçants de Gaza, dont l'activité s'était effondrée avec le blocus, se sont mis à acheter de nombreux tunnels entre 100 000 et 120 000 dollars chacun"

(3) L'autre voie d'introduction d'armes iraniennes vers Gaza est la mer. L'Iran a mis au point des petits navires porte conteneurs spéciaux qui sont largués au large, s'enfoncent de quelques mètres, puis par un système retardateur, refont surface près de la côte et sont recueillis par les pêcheurs palestiniens. Ces conteneurs sont difficiles à détecter et la destruction des navires en haute mer serait un casus belli avec l'Iran.

 

 

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