www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

Lettre à l'Ambassadeur d'Egypte en France

 

De JP Chemla

Voir aussi les 50 derniers articles et tous les articles sur l'Egypte  

 

Paris, le 6 avril 2010,

 

Excellence,

Le 26 mars 1979, six mois après les accords de Camp David, un traité de paix fut signé entre l’Egypte et Israël. Anouar al Sadate et Menahem Begin prouvèrent au monde entier, à cette occasion, qu’il existait une porte de sortie aux situations façonnées par la haine mutuelle et que les verrous, en apparence définitifs, pouvaient être levés avec une dose d’empathie et un zeste de bonne volonté.

Une fois ces obstacles, soi-disant insurmontables, franchis, le plus facile restait à faire : créer des relations normalisées entre les peuples israélien et égyptien.

Côté israélien, nombreux furent les touristes à visiter votre pays, majoritaires furent ceux qui voulurent croire en une véritable amitié israélo-égyptienne, et pas seulement au niveau diplomatique.

La «rue» égyptienne, quant à elle, continuant à manifester un profond ressentiment anti-israélien, on aurait pu s’attendre à une action pédagogique de votre gouvernement afin de «dédiaboliser» le juif ainsi que son voisin hébreu.

Est-ce par démagogie, est-ce par haine résiduelle, le pouvoir incarné par Hosni Moubarak ne l’a pas fait.

Pire, tout semble fait en Egypte aujourd’hui pour que la haine antijuive soit exacerbée.

Les protocoles des sages de Sion s’y vendent comme des petits pains sans qu’il soit rappelé que cet ouvrage était un faux commandité par le tsar de Russie de l’époque.

Mein Kampf fait un tabac dans les librairies.

Des émissions de la TV égyptienne choisissent carrément le créneau du négationnisme en proposant des « documentaires » où il est expliqué comment les Juifs ont fait croire que 3 millions (sic) d’entre eux ont été massacrés par le nazisme alors qu’ils n’auraient été que 30.000 victimes (Lire) et comment ils s’y sont pris pour extorquer des compensations à l’Allemagne vaincue.

Des «intellectuels» égyptiens boycottent un festival de cinéma du Caire pour cause de programmation d’un film franco-israélien.

Une synagogue restaurée du Caire est inaugurée mais… la présence de Juifs est jugée indésirable auprès des dignitaires égyptiens.

Les exemples de ce type sont foison et il serait impossible d’en faire la liste exhaustive après 31 ans de «paix» israélo-égyptienne. Rien d’étonnant alors que la quasi unanimité du peuple égyptien soit persuadée de la responsabilité des Juifs dans les attentats du 11 septembre 2001.

Les autorités de votre pays portent la très lourde, voire exclusive, responsabilité de cette situation.

Le résultat, en termes d’espoir de paix réelle en 2010, est catastrophique.

Pourquoi ? Parce que si j’étais un dirigeant israélien, je me méfierais désormais de tout projet de traité de paix avec un pays arabe. Parce que faire les concessions d’Israël entre 1978 et 1982 pour arriver à un tel résultat ne suscite pas une once de confiance pour tout traité ultérieur.

En n’ayant pas accompli le devoir pédagogique minimum auprès de leur peuple, vos dirigeants ont lourdement hypothéqué, et pour des décennies, l’avenir du Proche-Orient mais aussi celui de l’Egypte.

Existe-t-il quelqu’un parmi eux chez qui l’on puisse espérer un éclair de lucidité pour inverser la vapeur ? C’est la question que je vous pose sans grand espoir.

Je vous prie de croire, Excellence, en ma profonde considération.

 

Jean-Pierre Chemla