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MAGMA ET CONFUSION AU MOYEN ORIENT
Albert Soued pour www.nuitdorient.com – le 20 novembre 2007.
Au Moyen Orient, pour
se perpétuer, les régimes autoritaires favorisent le courant islamique, voire
même islamiste, car
- il est anti-libéral,
anti-réformateur, anti-moderniste, il est donc un allié contre les partis d'opposition
qui risquent d'emporter l'adhésion d'un peuple recherchant la liberté
- il sert aussi
d'épouvantail vis-à-vis de la population et des bailleurs de fonds étrangers,
pour lesquels le pouvoir en place apparaît alors comme un rempart contre le
risque d'une république islamiste, plus coercitive que le régime en place.
Mais les Occidentaux
se demandent toujours pourquoi ces régimes autoritaires pourchassent les partis
libéraux et réformistes. La réponse est qu'aux yeux des régimes dictatoriaux, ils
constituent une menace crédible pour leur pouvoir absolu, beaucoup plus que les
partis islamistes qui sont supposés contrôlés ou contrôlables. Les partis
"modernes", proches de l'Occident sont ainsi étouffés dans l'œuf,
sous un prétexte ou un autre.
Parfois dans certains
pays arabes, on crée une opposition factice qui est contrôlée par l'appareil
d'état. Cette opposition permet de canaliser toutes les frustrations et
revendications du peuple, en formulant des critiques acceptables.
Mais souvent ce n'est
pas nécessaire, car Israël et l'Amérique restent les exutoires de choix des
haines rentrées et là toutes les critiques sont autorisées et même encouragées
(séries télévisées,
livres, caricatures…)
Dans certains cas, les
partis libéraux d'opposition se prêtent à ce jeu, adoptant même les arguments
de leurs rivaux islamistes, espérant perdurer et l'emporter un jour (Egypte).
Mais en général, ils prennent le chemin de l'exil ou se taisent.
Pourvu qu'ils
n'attaquent pas trop fort le pouvoir en place, ce sont les religieux et les
"forces obscures" qui forgent en fait l'opinion publique. Ainsi les
sociétés arabes sont aujourd'hui prisonnières de 2 autorités qui se tiennent
par la barbichette:
- la dictature en
place
- la caste religieuse
des imams, sheikhs, mollahs…
La monarchie
parlementaire reste le régime le moins mauvais parmi les régimes autoritaires
du Moyen Orient (Maroc, Jordanie, certains émirats) et le plus ouvert à la
démocratie. Mais la démocratie, les urnes libres ou la rue dans la confusion peuvent amener au pouvoir un
régime islamiste, comme en
Iran en 1979, en Afghanistan ou récemment à Gaza. C'est ce que craint le roi
Abdallah II
Article traduit par Fred Rothenberg pour www.nuitdorient.com
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LA JORDANIE VA AUSSI DEVELOPPER SON ENERGIE NUCLEAIRE
LE
ROI A'BDALLAH AGIT ET CONSEILLE
Amman, Jordanie
– Les élections
législatives de ce mois étaient supposées constituer un gué dans la marche
lente mais définitivement engagée de ce royaume pro-américain vers un changement
démocratique.
Mais l’accession au pouvoir
du Hamas dans l’Autorité
Palestinienne et sa prise de contrôle
violente à Gaza en juin dernier ont jeté une ombre considérable sur la
politique jordanienne, où un monarque Hachémite maintient une autorité ferme
sur une majorité Palestinienne
rétive et une opposition islamique activiste.
Le gouvernement a donc
abandonné ses plans visant à modifier une loi électorale byzantine, a interdit
à certains opposants de se présenter et a menacé d’interdire les bureaux de
vote à certains observateurs indépendants. Et moins de 2 semaines avant le vote
du 20 novembre, les candidats de l’opposition ont accusé le gouvernement de
fraude électorale rampante.
Les craintes du gouvernement
se sont fait entendre dans certains milieux de l’élite libérale qui il y a
juste deux ans poussaient pour une révision du système politique qui aurait
autorisé les partis nationaux et des élections équitables. En fait le système
jordanien restreint non seulement les islamistes, mais aussi les partis
libéraux laïques et ceux qui défendent les droits des palestiniens.
Nombreux sont dans
l’opposition ceux qui accusent le gouvernement d’agiter le spectre du
développement de l’islamisme pour justifier un pouvoir autocratique. "Nous
avons la démocratie, mais nous ne voulons pas qu’elle dégénère au point où les
extrémistes dirigeraient le pays" a déclaré Hakem Habahbeh, un pilote
qui s’exprimait au QG de campagne d’Ahmed Saffadi, dans un quartier libéral et
aisé d’Amman. M. Saffadi, un ancien officier de l’armée reconverti dans le
secteur des téléphones cellulaires est candidat au Parlement dans la 3ème
circonscription de la capitale.
La discussion politique s’est
prolongée tard dans la nuit et a porté sur différents sujets: la hausse des
prix, le chômage et la crainte que les islamistes jordaniens puissent suivre
l’exemple du Hamas et s’emparer du pouvoir. "Nous ne pouvons avoir plus
de libertés immédiatement, les conditions ne le permettent pas" a
expliqué Ahmed Salim, un autre collaborateur de Saffadi. "Avec les
exemples de désordres dans les régions voisines, Cisjordanie, Gaza et
Irak", expliquait-il "les libéraux jordaniens ont mis de côté
leurs demandes de libertés politiques". "La Jordanie a besoin de
stabilité" insistait M. Salim qui est un fonctionnaire à la Mairie, "nous
ne voulons pas de troubles".
Le ralentissement de la
démocratisation a aliéné le seul parti significatif de l’opposition en
Jordanie, le Front d’action islamique des Frères Musulmans qui recueille un
soutien notable dans les zones urbaines, en particulier auprès des jordaniens
d’origine palestinienne. Le parti n’aligne que 22 candidats, moins qu’en 2003,
disant qu’il n’avait aucune chance contre la large fraude gouvernementale qu’il
pressentait.
Le Front d’action islamique a
boycotté les élections municipales en juillet arguant que le gouvernement
envoyait des soldats dans différents districts en leur ordonnant de voter pour
les candidats pro-gouvernementaux.
Bien que certains dans ce
Parti soutiennent qu’il vaudrait mieux participer aux prochaines élections,
même si le vote est manipulé, Zaki Bani Rsheid, le Secrétaire-Général, a
tranché pour un autre boycott. M. Bani Rsheid soutient que dans une élection
totalement ouverte les islamistes auraient gagné de nombreux votes et le droit
de former le gouvernement. (Au cours de la dernière élection parlementaire en
2003,
le Front d’action islamique a
gagné 17 des 110 sièges)."Nous
avons fourni au gouvernement une légitimité et nous n’avons rien reçu en
retour" vitupérait-il cette semaine. "Cette élection ne sera
pas loyale".
Les islamistes jordaniens ont
la plus grande liberté dans la vie politique de tous les pays arabes, mais M. Bani Rsheid maintient que le gouvernement
insiste pour n’avoir "ni réforme, ni changement politique, ni
démocratie" car dit-il "ils comparent avec ce qui est arrivé
avec le Hamas".
Le parlement élu n’a en
Jordanie que des pouvoirs limités face à la monarchie lourdement centralisée,
mais peut néanmoins introduire une législation, ce qu’il fait rarement, et
censurer le cabinet, ce qu’il a fait parfois. Les 110 sièges seront pourvus aux
élections.
Les organismes jordaniens
indépendants ont formé des milliers de contrôleurs et ont vérifié la campagne
pour y relever les irrégularités et ils sont surtout opiniâtrement en désaccord
avec le gouvernement sur l’accès aux bureaux de vote. Déjà des candidats ont
affirmé que le gouvernement a déplacé illégalement des listes de dizaines de
milliers de votants vers des endroits où les candidats gouvernementaux ont
besoin de voix. Le gouvernement a nié ces accusations, mais a refusé d’ouvrir
les registres électoraux pour vérification.
Deux personnes ont été arrêtées,
soupçonnées d’achat de votes. Des analystes comme Nahed N. Hattar, un chrétien
qui écrit pour journal Arab al Youm, déclare que de tels achats de vote sont
occultes. M. Hattar met en cause un afflux de fonds de riches candidats et de
divers groupes de pression au sein même du gouvernement qui offriraient de
l’argent pour améliorer les positions de leurs blocs parlementaires.
Au-delà des allégations de
fraude, le système électoral est élaboré pour rendre difficile la participation
des islamistes et des autres candidats d’opposition.
La loi électorale réserve des
sièges parlementaires pour les femmes, et les minorités chrétienne et
circassienne. Certains districts surreprésentent les zones rurales où les
tribus jordaniennes sont importantes et sous-représentent les zones urbaines
dominées par des jordaniens d'origine palestinienne.
Ici, dans la capitale où plus d’un tiers de la population jordanienne réside, chaque député représente environ 95.000 électeurs. Dans les provinces rurales d’Al Karak et d’At Tafilah, au contraire, chaque député ne représente que 2.000 électeurs.
Le gouvernement ne s’est pas
privé d’intervenir directement. En octobre les autorités ont empêché
Toujan-al-Faisal, ancienne député et critique virulente de la corruption
gouvernementale, de se présenter en raison d’une inculpation datant de 2002
"d’atteintes à la dignité de l’Etat". Mme Faisal a passé 100 jours en
prison pour offense au gouvernement dans une affaire d’assurance voiture.
"Ici le chef d’un
gouvernement corrompu décide qui peut ou ne peut pas être candidat" a souligné Mme Faisal à son domicile. "Ils
veulent un gouvernement qui ne demandera pas de comptes au gouvernement pour sa
corruption"
Pour la plupart, les candidats
se sont focalisés sur des sujets comme la lutte contre l'inflation ou la
promotion des jeunes. Cependant certains slogans et discours ont exploré des
points délicats, comme le lien entre les Palestiniens de Gaza et de
Cisjordanie, avec ceux de Jordanie, où la population est palestinienne à
30/60%, selon les estimations, la fourchette crédible étant 50/60%.
La campagne de Najati al Shakhshir, un homme d'affaires palestinien qui a fait le plus clair de sa fortune dans la location de voitures en Jordanie/Irak, est essentiellement centrée sur la revendication de plus de droits pour les Palestiniens qui, par exemple, ne peuvent prétendre à avoir des postes importants dans l'armée. "Quel que soit leur lieu de naissance, tous les Jordaniens devraient avoir les mêmes droits et les mêmes obligations", dit Najati al Shakhshir, dont la famille est originaire de Naplouse.
Ces propos alarment les analystes qui y voient une source de tensions entre Jordaniens de différentes origines.
Et le parti des Frères Musulmans n'a rien fait pour atténuer les craintes suscitées par la prise de pouvoir du Hamas à Gaza. Hamza Mansour est un ancien Secrétaire Général du Front d'Action Islamique et il mène une campagne avec un langage identique à celui du Hamas, semant la zizanie. "Nous ne devons pas abandonner la résistance, ni le droit au retour des réfugiés et nous devons condamner le bouclage de Gaza…!", dit cet homme originaire de Haifa. Lors d'un rassemblement électoral dans un quartier déshérité d'Amman, Mr Mansour – en costume/cravate, mais portant l'écharpe tribale sur la tête – a projeté des images des combattants du Hamas, masqués et armés, à environ 75 hommes. Ses affiches montrent 2 épées croisées autour du livre du Coran, avec la mention "Choisis l'Islam comme arme!" Et il hurlait d'une voix rauque "le système politique a défiguré la démocratie…Ne les laissez pas nous ramener en arrière!..."