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LES STRATEGIES DE L’AMERIQUE POUR LA VICTOIRE
ET LA DEFAITE
Par
Caroline Glick,
The
Traduit par Stéphane Teicher pour www.nuitdorient.com
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POUR SAUVER L'IRAK, LAISSONS DE COTE LA POLITIQUE POLITICIENNE
La guerre d’Irak
est presque terminée. Et les Américains ont presque gagné. Leurs ennemis sont
en fuite. Les forces d’Al-Qaeda ont perdu ou sont sur le point de perdre
leurs bases d’opérations. Le nombre de leurs combattants tués ou capturés
ne cesse d’augmenter. Les citoyens Sunnites d’Irak qui, il y a encore peu
de temps refusaient de participer au régime post Saddam, rejoignent l’armée
et les groupes de vigilance citoyenne par milliers.
Les sheikhs locaux de Bagdad, suivant l’exemple des précédents sheikhs Sunnites de la province d’Anbar, ordonnent à leur population de combattre avec les Américains contre al-Qaeda. De leur côté, les milices Shiites savent qu’elles seront les prochaines à être défaites. De ce fait, Moqtada al-Sadr a ordonné à ses milices Shiites de cesser leurs attaques.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le mois dernier, près de 46,000 réfugiés Irakiens sont retournés chez eux. Depuis Mai, le nombre de victimes civiles a diminué de 75%. Les victimes militaires US ont également diminué soudainement, après une montée du taux de mortalité, consécutive aux durs combats des derniers mois. Les banlieues de Baghdad qui ne fonctionnaient plus sous le règne de la terreur d’al-Qaeda reprennent vie. Les affaires reprennent. Les gens reconstruisent leurs maisons. Même les églises rouvrent leurs portes. Voilà à quoi ressemble la victoire.
Et pourtant, les promesses de Baghdad sont un simple rayon de lumière dans le champ par ailleurs bien sombre des échecs de la politique américaine. Au moment où le Président George W. Bush se prépare à entamer la dernière année de son mandat, l’Amérique se trouve à un niveau bien bas sur le plan international.
Les forces du jihad, tout en
étant défaites en Irak, se dressent partout ailleurs. Le prix du
pétrole s’envole vers un niveau qu’on pensait inconcevable de 100 $ le baril.
De nouvelles mosquées jihadistes s’ouvrent tous les jours dans le monde. Le Pakisatan est un désastre. L’Iran
se rapproche de la bombe.
Pour comprendre les multiples aspects des échecs de
l’Amérique, il n’est pas inutile de commencer par examiner en quoi l’Irak est
différent. Parce que la stratégie fructueuse des Américains en Irak n’est pas
seulement différente de ce qui l’a précédée dans ce pays. Elle est aussi
différente de la stratégie américaine qui échoue partout ailleurs. La nouvelle
stratégie en Irak est fondée sur une affirmation assez simple: le but de
l'Amérique en Irak est de battre ses ennemis, et pour battre ses ennemis, les Américains
doivent s’attaquer à eux pour vaincre. C’est une stratégie de bon sens.
Malheureusement, le bon sens semble être la notion la plus rare dans les cercles américains de politique étrangère. En dehors de l’Irak, et encore récemment en Irak, les Etats-Unis ont fondé leur politique sur l’idée qu’ils peuvent faire plier leurs adversaires à leur volonté, en se montrant d’un côté menaçants à leur égard, et de l’autre côté, en essayant de les calmer dans la mesure du possible. Et c’est là le cœur de l’échec.
Dans l'affaire Irakienne, il était évident pour les stratèges
américains que des trois états - Irak, Iran et Corée du Nord - que
Bush désignait comme membres de "l’Axe du Mal", l’Irak était le moins
dangereux. Il soutenait moins que l’Iran le terrorisme. Ses programmes d’armes
de destruction massive étaient moins développés que ceux de l’Iran et de la
Corée du Nord.
De ce fait, certaines voix s’élevèrent – notamment en Israël – pour suggérer que puisque les US n’étaient pas intéressés à s’attaquer à plus d’un pays en plus de l’Afghanistan, mieux valait qu’ils dirigent leurs feux sur l’Iran plutôt que sur l’Irak. Mais pour des raisons qui leur sont propres - notamment l’échec des sanctions de l’ONU contre le régime Irakien, le fait que seul l’Irak était sous l’autorité du Conseil de Sécurité, et la faiblesse relative de l’Irak – les Américains choisirent de poursuivre Saddam (1).
Ils pensaient que l’invasion à elle seule renforcerait la capacité de dissuasion américaine et agirait donc à l’avantage des Américains pour traiter de l’Iran et de la Corée du Nord. Nous voyons donc bien ici que la décision d’envahir l’Irak était en partie fondée sur une confiance constante des Etats-Unis en une stratégie de menace et non de confrontation avec l’Iran et la Corée du Nord. Si cela n’avait pas été le cas, l’Irak aurait probablement été mis de côté.
Au début, la stratégie américaine rencontra un succès étonnant. L’Iran, la Corée du Nord, la Syrie et en fait tout le monde Arabe furent terrifiés par l’assaut victorieux des Américains sur Saddam. Malheureusement, au lieu de capitaliser sur cette dynamique, les Américains ont fait tout leur possible pour assurer à ces états qu’ils n’avaient aucune raison de craindre de subir le même sort. Au lieu de maintenir l’offensive – en scellant les frontières de l’Irak et en allant ensuite à la poursuite des bases d’insurgés en Iran et en Syrie - les Américains se sont mis sur la défensive. En agissant ainsi, ils ont permis à l’Iran, à la Syrie et à l’Arabie Saoudite de soutenir et de diriger l’insurrection. Le résultat de cet étalage de faiblesse des Américains fut que la leçon tirée par leurs ennemis de la campagne Irakienne était que pour dissuader les Américains, ils devaient intensifier leur soutien au terrorisme et à leurs programmes d’armes de destruction massive.
Après que la dissuasion eut échoué, les Américains ont opté
pour un mélange d’apaisement et de menaces, sans date limite. Les tests
nucléaires et les missiles balistiques de la Corée du Nord, la guerre du Liban,
la prise de Gaza par le Hamas, et l’intensification du programme nucléaire
Iranien, sont tous intervenus l’an dernier, et sont le résultat de l’échec de
ce modèle de politique étrangère américaine. Cette politique est partie
intégrante de l’attitude générale des Etats-Unis face à leurs adversaires. Et
cette attitude est malheureusement fondée sur une vision colossalement gonflée
des capacités de dissuasion de l’Amérique et sur l’incapacité de Washington à
définir une politique adaptée à ses intérêts et à ses buts.
Aujourd’hui, l’exemple le plus frappant de cette situation
est le Pakistan. L’Amérique y
a deux objectifs prioritaires.
Premièrement, elle cherche à éviter que les armes et les technologies nucléaires du Pakistan prolifèrent ou tombent entre les mains des jihadistes.
Deuxièmement, elle cherche à battre al-Qaeda et les Talibans.
Après le 11 Septembre, les Américains ont donné au dictateur militaire du Pakistan un choix: les aider à battre les Talibans et al-Qaeda, ou perdre le pouvoir. C’était un bon début, mais ensuite les Américains ont commencé à s’éloigner de leurs priorités. Après que le Général Pervez Mousharraf eut accepté l’ultimatum de Washington, les Américains ont mis tous leurs oeufs dans ce panier. Et ils ont ainsi perdu la possibilité de le dissuader et d’influencer sa conduite. Assuré du soutien inconditionnel des Américains, Musharraf a joué un double jeu. Il a aidé les Etats-Unis en Afghanistan et a ensuite laissé les Talibans et al-Qaeda s’échapper et reconstruire leurs bases au Pakistan.
Mousharraf n’a pas non plus réussi à être prévoyant sur les questions nucléaires. Il a empêché les enquêteurs Américains d’interroger le proliférateur nucléaire en chef, A.Q. Khan, et leur a donc refusé des renseignements essentiels sur les programmes nucléaires d’autres pays, soutenus par le Pakistan. Et pourtant, ayant établi leur politique sur l’hypothèse que Mousharraf était irremplaçable, les Américains prétendirent que rien n’allait mal.
Et les voila maintenant confrontés à une situation désastreuse. D’un côté, grâce à l’hospitalité de Mousharraf, al-Qaeda et les Talibans contrôlent de larges zones du Pakistan et ont déclaré le jihad contre leur hôte, mettant ainsi l’arsenal nucléaire du Pakistan en grand danger. En même temps, ils se servent de leurs bases Pakistanaises pour intensifier leur insurrection en Afghanistan. De l’autre côté, fidèle à sa politique constante depuis qu’il a pris le pouvoir en 1998, Mousharraf continue à ne pas prendre au sérieux la menace des Talibans et d’al-Qaeda. Le but de sa récente promulgation de la loi martiale et de la suspension de la constitution du Pakistan n’était pas de lui permettre de mieux combattre les jihadistes. C’était de briser son opposition libérale, dont les membres demandent la démocratie et la fin du régime militaire.
Et au milieu de tout cela, les Américains se trouvent dépourvus de moyens de pression sur le toujours irremplaçable Mousharraf.
Une situation similaire existe en Arabie Saoudite. Là aussi, les Américains ont gaspillé l’influence qu’ils avaient gagnée après les attentats du 11 Septembre, en apportant un soutien inconditionnel à la famille royale Saoudienne.
Les Saoudiens ont tout de suite compris que le meilleur moyen de s’assurer un soutien continu des Américains était de développer leur soutien au terrorisme et le financement de mosquées pro-jihad, tout en augmentant le prix du pétrole. Comme au Pakistan, plus la situation empirait, plus les Américains les soutenaient.
Et puis bien sûr, il y a les Palestiniens.
Nous avons ici un double échec de la politique Américaine. Tout d’abord, elle a
détruit toute dissuasion à l’égard du monde Arabe.
Pour détourner l’attention des Américains de leur soutien au terrorisme jihadiste, les leaders du monde Arabe ont cherché à les convaincre que le seul moyen de mettre fin à leur soutien au terrorisme et au jihad était de résoudre le conflit Palestinien avec Israël.
Au lieu de s’arrêter à la question de la validité de l’étrange assertion des Arabes, les Américains les ont crus. Avec le temps, cette conviction les a amenés à négliger leurs objectifs actuels :
- mettre fin au soutien du monde Arabe au terrorisme,
- empêcher la prolifération des armes de destruction massive,
- et maintenir les prix du pétrole autour de 30 $ le baril,
au profit d’un sujet secondaire et sans rapport.
Ceci mis à part, il faut noter que c’est largement à cause du renforcement des forces jihadistes dans le monde Arabe qu’il n’y a pas de possibilité de parvenir à la paix entre Israël et Palestiniens. Au lieu de comprendre cela, les Américains ont laissé les Arabes les envoyer faire une chasse au gibier qui ne finira jamais.
Le seul fait que cette semaine, la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice ait pensé qu’il était plus important d’aller en Israël pour la neuvième fois de l’année que de s’occuper de la crise du Pakistan montre clairement à quel point les Américains ont "internalisé" cette fiction Arabe.
Et puis, il y a les Palestiniens eux-mêmes. Comme Bush l’a annoncé en 2002, le principal objectif des USA en ce qui concerne les Palestiniens est de les forcer à s’arrêter de s’engager dans le terrorisme et le jihad. Toute autre politique Américaine vis-à-vis des Palestiniens devait être conditionnée à la réalisation de cet objectif.
Et pourtant, comme au Pakistan, avec le temps, les Américains ont négligé cet objectif au profit d’un autre, plus facile – soutenir Mahmoud Abbas et le Fatah. Pour renforcer Abbas et le Fatah, les Américains ont mis de côté leur objectif de mettre fin au terrorisme Palestinien. Le résultat est qu’aujourd’hui, ils n’ont aucun moyen de pression sur Abbas. Comme avec Mousharraf au Pakistan, renforcer Abbas est la seule politique des Américains vis-à-vis des Palestiniens, et de plus en plus, vis-à-vis d’Israël. Et comme au Pakistan, la réalité menaçante sur le terrain est une conséquence du fait que leur politique ignore les objectifs d’actualité.
Deux conclusions peuvent être tirées du contraste entre la victoire de l’Amérique en Irak et ses échecs dans tant d’autres zones.
Premièrement, le seul moyen de vaincre nos ennemis est de les combattre effectivement.
Et deuxièmement, fonder sa politique en prétendant dissuader des leaders qui ne sont pas dissuadés, est une recette vouée à l’échec.
Tant que les Américains
n’accepteront pas ces leçons, mis à part l’Irak, l’environnement international
deviendra encore plus menaçant.
Note de www.nuitdorient.com
(1) il y a aussi que l'Irak était le pays le plus apte à devenir une démocratie en pays arabe, du fait de la longue période de laïcité imposée par Saddam Hussein et du fait de l'existence d'une classe moyenne éclairée et instruite. C'était l'argument des néoconservateurs.